Le nouveau Code des marchés publics publié en mars dernier vient d’entrer en vigueur. Il intègre le principe de la préférence nationale et accorde a priori 20% des marchés aux PME marocaines, en l’occurrence dans ses articles 9 et 158. Sa mise en pratique et ses modalités posent beaucoup d’interrogations et laissent les entreprises publiques marocaines, les groupes internationaux mais surtout les PME/PMI marocaines dans l’expectative.
Après moult gestations, ce projet a, donc, vu le jour, mais est ce que la tutelle pourrait arriver à imposer 20% de contenu local ? Une question que seules les commandes adjugées par des PME nationales au cours de l’exercice fraîchement entamé peuvent y répondre.
Essayant de réparer le préjudice longtemps maintenu à l’égard des petites structures nationales, le texte réserve en effet 20% des crédits ouverts à l’occasion de chaque exercice budgétaire à cette catégorie d’entreprises. C’est une manière de donner les moyens de son développement à ce qui constitue l’essentiel du tissu productif national. Le nouveau Code est allé même plus loin en donnant au maître d’ouvrage le pouvoir de «saucissonner», c’est-à-dire de décomposer un marché en plusieurs lots lorsque celui-ci est de nature à permettre à la PME-PMI d’accéder à la commande publique, et c’est là où pourraient résider les futurs problèmes qui vont se poser à ce niveau. D’autre part, il lui donne la possibilité de prévoir dans le règlement de consultation lorsque l’attributaire du marché est une société étrangère, celle-ci est tenue de choisir comme sous-traitantes des PME nationales.
Il y a là, également, consécration du rôle de la PME-PMI dans le tissu économique national, et celui de la «préférence nationale» que les opérateurs revendiquent depuis fort longtemps. L’article 155 traite d’ailleurs, explicitement, de la préférence nationale en stipulant qu’une fois la liste des concurrents admissibles arrêtée, les montants des offres présentées par les sociétés étrangères seront majorés de 15% dans le cadre de l’examen de l’offre financière. Et même lorsque ces concurrents admissibles sont des groupements constitués d’entreprises nationales et étrangères, la majoration de 15% est appliquée à la part de l’entreprise étrangère dans le montant de l’offre dudit groupement. Enfin, pour la promotion de l’emploi local (article 141), le projet prévoit que pour les marchés de travaux et de services (mais pas ceux des études), le maître d’ouvrage peut prévoir que le titulaire du marché est tenu de recourir à l’emploi de la main-d’œuvre locale dans la limite de 10% de l’effectif requis pour la réalisation du marché.
Cependant, le nouveau Code laisse beaucoup d’interrogations sans réponses tranchantes.
D’abord sur le plan de la désignation et la définition de l’entreprise nationale, il reste très évasif sur cette question. Qu’entend-on par PME nationale ? S’agit-il de filiales marocaines de groupes étrangers, ou seulement d’entreprises dont le capital est détenu par un Marocain ? Les interprétations sont nombreuses.
Est-ce que ce nouveau Code est un mesure de résoudre tous les problèmes liés à l’adjudication des commandes publiques par les PME ? Là, il existe un risque qui fait que les structures nationales en question n’ont pas la capacité de participer en proportion de ce qui leur est offert en raison de la taille des marchés publics et de leur petite capacité financière propre ?
Il y a aussi lieu de se poser la question : est-ce que les groupes internationaux opérant au Maroc vont se plier face au principe de préférence nationale ? De cela on s’en doute, vraiment. Et ce, du fait d’un manque de savoir-faire parfois ou encore de l’absence d’une mesure susceptible d’imposer cette donne aux firmes internationales.
Dans certains projets, les bailleurs de fonds internationaux exigent qu’il n’y ait pas de conditions de ce genre dans les appels d’offre publics. Tout dépend aussi des contrats préétablis qui ne peuvent pas être modifiés sans le consentement des parties concernées.
Les entraves auxquelles se heurtent les PME nationales ne se limitent pas uniquement aux mesures légales, mais aussi aux pratiques de corruption régnantes. Le pouvoir adjudicateur accordé aux maîtres d’ouvrages peut constituer un handicap sérieux.