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A quoi joue Benkirane ?


Par Jaouad Benaissi*
Lundi 17 Juin 2013

A quoi joue Benkirane ?
La politique, c’est bien quelque chose qu’on fait avec les autres. Et on ne peut rien faire avec les autres si l’on ne les écoute pas quand ils parlent, si l’on ne tient pas compte de leur propre façon de concevoir la chose publique et si, enfin, on ne les implique pas dans la prise de décision. Ce n’est même pas une question de partage et de démocratie. Mais plutôt celle de la responsabilité dont chacun assume solidairement une part dès lors qu’une décision est prise.
J’ai l’air de rappeler une évidence. Peut-être, mais ce n’est pas grave. Car en politique, ce qui est rudimentaire pour les uns, ne l’est pas forcément pour les autres. Et les évidences politiques à l’heure actuelle changent de la même manière que la valeur des actions en Bourse. Les politiciens ont fini par transformer la scène publique en une grande salle de marché. Et ils ne s’en rendent même pas compte !
A l’origine de la crise gouvernementale actuelle, il n’y a certainement pas des divergences d’ordre politique ou même doctrinal. On y voit bien les communistes et les islamistes se jeter des fleurs sans complexe vis-à-vis des valeurs fondatrices de leurs partis. Ce qui compte, c’est l’instant, ce qu’on peut gagner ici et maintenant. Et c’est  justement ainsi que dans le fond, la bagarre entre l’Istiqlal et le PJD s’explique par des petits calculs de marché. Je peux dire que si M. Benkirane ne s’était pas livré à ses one man show populistes depuis le Parlement, M. Chabat ne serait pas allé jusqu’à fâcher son allié qu’il ne cessait de chérir auparavant. Les deux hommes sont réputés pour être des politiciens de l’instant, populistes et sans rien de constant. Ils savent combien il est facile de détourner les masses avec un discours émotionnel qui a une capacité incroyable de créer l’illusion et de justifier l’injustifiable.
Le pire, c’est que les deux hommes ne prennent pas la politique au sérieux. Ils ne sortent des élections que pour s’y préparer à nouveau. Nous avons un chef du gouvernement qui, au lieu de gouverner, passe son temps à se justifier auprès des instances de son parti. Et nous avons le numéro 2 de la coalition gouvernementale qui a peur de se faire effacer par l’autre notamment sur le plan de la popularité électorale. Voilà ce qui justifie l’échec total de ce gouvernement, le fait que tous les grands chantiers bloquent et que les perspectives s’avèrent de plus en plus déprimantes. Ce que je dis, ce n’est malheureusement pas de la caricature. Mais c’est la vérité de la crise gouvernementale !
Comment donc peut-on prendre au sérieux des politiciens qui prennent la politique à la légère ? Comment le citoyen peut-il se projeter dans l’avenir lorsque son gouvernement n’affiche aucune visibilité et passe son temps à rechercher dans le passé de quoi justifier son incapacité à répondre aux questions du présent ? Ne serait-on pas en train d’assister à une prise en otage des Marocains par une majorité sans feuille de route et de surcroît terriblement fragilisée par les animosités intestines de ses membres ?
Par ailleurs, à peine nommé comme chef du gouvernement, M. Benkirane semblait avoir la volonté de banaliser la fonction qui venait de lui être confiée avec son petit côté de type mal élevé qui ne se retient pas, qui se laisse aller par son humeur. Il se comportait, et c’est toujours le cas, exactement comme n’importe qui, qui n’hésite pas, lorsqu’il en a envie, à envoyer promener aussi bien l’opposition que sa propre majorité !
Peu importe ce qui va se produire dans les jours à venir. Que l’Istiqlal et le PJD restent ensemble ou mettent un terme au mariage de jouissance qui les lie depuis voilà bientôt deux années, une chose est pourtant sûre : sous le gouvernement Benkirane, la mise en application de la nouvelle Constitution n’aura pas lieu. En effet, c’est assez regrettable que la majorité gouvernementale ne soit pas suffisamment consciente du fait qu’en mettant en tiroir la Charte suprême de la nation, c’est cette dernière qui risque, surtout en cette période de crise, de se livrer à son propre destin, loin de l’Etat et encore plus loin de la politique !
Et c’est peut-être le but. On verra bien !

*Membre de la Commission administrative de l’USFP
Ecrivain, auteur, entre autres, du roman « Zizouna », Ed les Points Sur les I, Paris, avril 2010


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