A chaque fois qu'il entend parler d'une arrivée imminente de colis d'aide humanitaire, il se précipite vers les entrepôts de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) à Gaza-ville.
Il attend parfois longtemps pour découvrir systématiquement que "c'était un mensonge".
"La faim nous broie", lâche le père de famille de 38 ans originaire de Beit Lahia, ville du nord de la bande de Gaza prise dans l'étau de la nouvelle offensive militaire israélienne.
Comme lui, des centaines de Palestiniens se rendent régulièrement aux entrepôts de l'Unrwa ou d'autres organisations internationales opérant dans le petit territoire palestinien dévastée par la guerre déclenchée il y a plus de 19 mois par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sud d'Israël le 7 octobre 2023.
Affirmant vouloir faire pression sur le Hamas pour le contraindre à relâcher les otages que le Hamas détient encore, Israël a bloqué le 2 mars l'entrée de toute marchandise dans la bande de Gaza, territoire où survivent 2,4 millions de Palestiniens dans des conditions jugées alarmantes par l'ONU et de nombreuses organisation d'aide humanitaire.
Israël accuse le Hamas de détourner l'aide internationale, ce que ce dernier dément, accusant en retour Israël d'utiliser "la famine comme arme de guerre".
Soumis à une forte pression américaine et européenne, Israël a accepté une reprise très limitée de l'entrée de l'aide lundi, mais les Palestiniens de Gaza disent ne pas en voir la couleur.
A Gaza-ville, "la situation est insupportable", décrit Oum Talal al-Masri, 53 ans. "Personne ne nous a rien distribué, tout le monde attend."
"Depuis deux jours, on entend parler des aides, mais jusqu'à présent, rien n'est entré et nous n'avons rien reçu", poursuit-elle. "Seulement des paroles en l'air."
Israël a annoncé avoir autorisé l'entrée de 93 camions onusiens chargés d'aide humanitaire transportant de la farine, des nourriture pour bébés et des fournitures médicales, mardi, et de 100 autres mercredi.
Mais cela reste une "goutte d'eau dans l'océan" pour l'ONU, qui se plaint de complications imposées par Israël qui entravent le bon acheminement de l'aide à ses bénéficiaires.
Il n'y a plus aucun légume ou fruit sur les marchés improvisés dans les rues, dit Hani al-Madhoun, 40 ans, un autre habitant de Gaza-ville
"Et quand on en trouve un peu, les prix sont astronomiques, inabordables", ajoute-t-il.
"Il n'y a pas de farine, et nous vivons de quelques pâtes et d'un peu de lentilles, quand on en trouve", confirme Omar Salem qui vit dans un camp de déplacés à Khan Younès (sud).
"Mes enfants s'endorment en ayant faim tous les soirs", poursuit ce trentenaire. "Nous ne voulons pas de promesses, nous voulons vivre, nous voulons de la nourriture!"
Selon des témoins, des centaines de camions chargés d'aide alimentaire et de secours s'entassent du côté égyptien du poste-frontière de Rafah, totalement fermé par Israël depuis plus d'un an, en attendant d'avoir l'autorisation d'entrer à Gaza.
En attendant d'obtenir des vivres, les foules continuent à se presser dans les soupes populaires où les marmites sont raclées jusqu'à la dernière cuillère.
A Nousseirat (centre), des enfants se bousculent pour atteindre une distribution de blé, tendant le plus loin possible au-dessus des têtes des gamelles vides.
Certains sourient, une petite fille met son plat sur la tête, mais en approchant du point de distribution, d'autres ont l'air anxieux, parfois les larmes aux yeux.
Même cohue, mêmes enfants dans le quartier d'al-Rimal, jadis huppé, de la ville de Gaza, pour une distribution de soupe.
Le 9 mai, la Défense civile, organisation de premiers secours à Gaza, a affirmé que l'armée israélienne avait ciblé un centre de distribution alimentaire de l'Unrwa dans le camp de Jabalia (nord), tuant quatre personnes.
Mais beaucoup de Gazaouis se disent prêt à prendre tous les risques pour trouver de quoi se nourrir.
"Ce n'est pas un luxe, c'est une urgence: nous avons besoin de tout, tout de suite - de quoi manger, de quoi se soigner, de l'eau potable, de quoi rester propre", résume Mme al-Masri.