45 ans après son tournage, “De quelques événements sans signification” projeté en avant-première mondiale à la Berlinale

Le film de Mustapha Derkaoui a été produit dans des circonstances exceptionnelles


Samedi 16 Février 2019

"Un miracle"!, c'est avec ce mot que le doyen des cinéastes marocains, Mustapha Derkaoui, a résumé toute sa joie de voir son film, "De quelques événements sans signification", projeté en avant-première mondiale au Festival international du film de Berlin (Berlinale), 45 ans après son tournage. Derkaoui, un des vétérans du 7ème art marocain, était très ravi des échos favorables suscités par la projection mardi d'une copie restaurée de son long-métrage dans la catégorie Forum à la 69ème Berlinale, qui a été suivie par un débat ayant reflété l'intérêt du public avide de s'informer davantage sur le cinéma marocain et l'une de ses grandes figures, comme l'est Mustapha Derkaoui.
"Le monde a l'air plus beau" a déclaré M. Derkaoui, faisant part de son souhait de produire d'autres films malgré son état de santé qui l’a contraint depuis des années à raccrocher les crampons, son dernier film étant "Casablanca Day Light", sorti en 2004. Il a, à cet égard, confié à la MAP, qu'il travaillait sur un nouveau film intitulé "Jaya Hamida" dans lequel il joue le rôle principal. "De quelques événements sans signification", censuré jusqu'aux années 90, est une œuvre avant-gardiste engagée et libre, qui questionne le rôle du cinéma et des artistes à une période particulière de l'histoire du Maroc.
Le film met en scène un groupe de cinéastes idéalistes qui parcourent les rues et les espaces de Casablanca à la recherche d'un thème pour leur film. Le long-métrage, projeté dans une salle comble au cinéma "Arsenal" dans la capitale allemande, transporte les spectateurs au Casablanca des années 70, pour s'ériger à l'instar de toutes les œuvres de Derkaoui en mémoire vive de la ville blanche.
Ce vétéran du cinéma marocain, dont l'oeuvre fait partie du cinéma d'auteur à travers son attachement aux valeurs de liberté, de dignité et des droits de l'Homme, adhère à un cinéma "qui lui fait vivre des rêves et non pas des cauchemars". La caméra du réalisateur met en avant les visages, les mouvements, les discussions et les lieux populaires de Casablanca, ses rues, ses cafés et l'activité dans le port de la ville.
Derkaoui, qui a étudié à l'Ecole nationale supérieure du cinéma, du théâtre et de la télévision en Pologne après une licence en philosophie en 1962, a relevé qu'il voulait réaliser un film plus proche des visages et des gestes des personnages et qui privilégie les détails. Ont participé à ce film, des figures du théâtre, de la musique, des arts plastiques et du journalisme au Maroc, telles que Mohamed El-Derham, du groupe populaire "Jil Jilala", Abdelaziz Taheri et Omar El-Sayed Najmy, tous deux membres du mythique groupe "Nass El Ghiwane", le journaliste Khaled Al-Jamî, le poète Mustapha Nissaboury et le réalisateur Chafiq Sehimi.
Le film a été produit dans des circonstances exceptionnelles grâce à l'effort collectif de toute une génération de comédiens, cinéastes, musiciens, poètes, artistes et écrivains, puisant tous dans l’utopie culturelle, sociale et politique du Maroc des années 1970 et apportant une valeur cinématographique et documentaire unique à cette production.
Le long-métrage a été financé par l'organisation d'une vente aux enchères d'oeuvres d'art cédées gratuitement par de nombreux artistes plasticiens de renommée à la fin de 1973, en l'occurrence Mohammed Qacimi, Mohamed Chabaa et Mohamed Al-Melihi.
Dans une déclaration à la MAP, Lea Morin, coordinatrice du projet de restauration de cette œuvre, a qualifié "d'émouvante" la présence de Mustapha Derkaoui à la Berlinale, 45 ans après le tournage de son film pour le présenter lors de cette grand-messe internationale du 7ème art. Cette présence a été possible grâce à Filmoteca de Cataluña (Barcelone), qui s'est impliquée dans ce projet de restauration unique en son genre, et au Forum Berlinale qui accueille cette première présentation internationale, au Centre cinématographique marocain et au concours de tous ceux qui ont contribué à ce projet, a-t-elle souligné.
Le choix de ce film témoigne de la place qu'occupent le cinéma marocain et les expériences pionnières des réalisateurs marocains dans les années 1960 et 1970 dans l'histoire du cinéma international, a ajouté Mme Morin. La plate-forme d'art et de recherche « L'Observatoire » avec Filimoteca de Cataluña, et les frères Mustafa et Abdel Karim Derkaoui ont planché depuis 2016 sur la restauration de cette production marocaine.
Selon L'Observatoire, ce travail de conservation s'inscrit dans le cadre d'un projet plus vaste visant à mieux diffuser et faire connaître le patrimoine cinématographique marocain à travers la restauration et la distribution de films, ainsi que de documents, d'affiches et de photographies retraçant l'histoire du cinéma national.
Le Festival international du film de Berlin a été marqué également par la projection en avant-première du long-métrage "Night Walk", du jeune réalisateur Aziz Tazi, dans la catégorie destinée aux professionnels et distributeurs.
Le Berlinale est l'un des plus grands festivals internationaux du monde dédiés à l'industrie cinématographique. Il attire plus de 20.000 professionnels de 127 pays et ses activités sont couvertes par quelque 3.700 journalistes.


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