​Mouna Benslimane: Les difficultés inhérentes au métier d’artiste plasticien sont telles qu’on ne peut en vivre


Propos recueillis par Alain Bouithy
Mardi 10 Février 2015

​Mouna Benslimane: Les difficultés inhérentes au métier d’artiste plasticien sont telles qu’on ne peut en vivre
Passionnée de peinture depuis son enfance, Mouna Benslimane a fini par en faire sa profession et se réjouit de l’enseigner à ses élèves de la délégation  de l’enseignement à Casablanca-Anfa, auxquels elle communique  sa passion de toujours.

Libé : Comment est née cette vocation? Quand avez-vous  décidé d’en faire  une profession ?

Mouna Benslimane : Ma passion pour la peinture remontre à mon enfance, à l’époque où mon père ramenait des livres d’histoires pour enfants dont je reproduisais les illustrations sur des feuilles et des papiers de journaux quand d’autres enfants de mon âge se contentaient de les lire. A 4 ans, j’étais déjà très attirée par les dessins, le gribouillage, le bricolage et le collage. Mais le déclic s’est vraiment produit au collège lorsque j’ai découvert qu’il existe une  branche « Arts appliqués » et que je pouvais m’y lancer. Comme j’étais déterminée et sûre de ma vocation, j’ai sauté sur cette occasion, du fait que j’avais le soutien de mon père, qui m’encourageait toujours dans mes choix, et l’appui de deux de mes professeurs d’art plastique  qui estimaient que j’avais du talent.

Avez-vous été inspirée par des artistes marocains durant votre cursus?

Les artistes Gharbaoui et  Cherkaoui, qui ne sont hélas plus de ce monde, m’ont apporté beaucoup au niveau des couleurs. Gharbaoui travaillait beaucoup sur la toile de jute qui est un matériau naturel et typique du Maroc que j’utilise aussi comme support.

Vous avez réalisé une série de tableaux très originaux. En quoi ce travail serait-il particulier?

J’ai effectivement réalisé depuis 17 ans, quasiment depuis le lycée, une série d’une trentaine de tableaux sur une thématique abstraite. C’est la première fois que je fais autant de tableaux abstraits avec un style personnel, c'est-à-dire sans imitation ni référence. Cette série  reflète mon style, c’est la touche de Mouna Benslimane, parce que je n’ai pas été influencée par d’autres artistes. C’est en cela qu’il est particulier.

Des villes comme Fès, Safi, Meknès, Essaouira ou encore Rabat sont très présentes dans vos œuvres. Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans ces cités ?

J’ai fait des études d’architecture et j’ai commencé ma première année dans la décoration intérieure, ce qui explique, par exemple, que je suis plus portée sur l’urbanisme des villes que sur les personnages. Sinon, à la limite sur des silhouettes. Je suis attachée à tout ce qui est ancien, en l’occurrence le matériau, la pierre, le mur…

Les bâtiments anciens arborent une architecture très variée. Avez-vous une attirance pour une forme d’architecture? Laquelle de ces villes vous inspire le plus ?

Ce qui m’attire véritablement, c’est ce contraste et le mélange harmonieux des couleurs qui renferment une certaine richesse. La matière et l’ensemble tels qu’ils se présentent m’intéressent. Par contre, j’ai très peu de goût pour les détails, sinon pas du tout. Aucune raison particulière ne m’attache à la ville de Fès, dont je ne suis d’ailleurs pas originaire. Elle m’a séduite parce que c’est une cité impériale dotée d'un riche patrimoine historique et de magnifiques monuments.

Contrairement à bien d’autres artistes, vous ne vendez pas vos œuvres, sauf aux proches… 

C’est vrai. Tout simplement parce que j’estime que l’œuvre d’art est unique et qu’on ne peut pas la reproduire quand elle est vendue. D’autant plus qu’on ne fait pas de l’artisanat. Mais je pense qu’il  faut en garder une traçabilité au moins sous forme de photos.

Existe-t-il un rapport particulier entre la peinture et les artistes féminines ? Que peuvent-elles gagner particulièrement ?

A l’instar d’autres disciplines artistiques, c’est un métier décompressant qui vous aide à vous échapper du quotidien. Quand je suis dans mon atelier,  je me sens soulagée et bien dans ma peau. Par contre, pour celui qui veut faire carrière dans ce domaine, il est important de savoir que les difficultés inhérentes à cette profession sont telles qu’on ne peut en vivre. Sauf si vous êtes vraiment célèbre ou très bien épaulé, vous êtes obligé de mener en parallèle une autre activité. Certes, il y a des collègues dont je ne citerais pas les noms qui ont pu s’enrichir grâce à la peinture, mais ce sont des cas exceptionnels. 
En ce qui me concerne, je vis de mon salaire de professeur, ce qui me permet de ne pas dépendre de mes œuvres. Il faut savoir aussi que les matériaux sont coûteux, l’encadrement revient cher et les soutiens sont plutôt rares. Quoi qu’il en soit, le travail de l’artiste consiste à créer et non à aller frapper aux portes  vu que la promotion et la vente sont du domaine des autres. Le problème, c’est que ces autres se comptent sur le bout des doigts.  


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1.Posté par aicha le 10/02/2015 22:50 (depuis mobile)
Quelle belle artiste talentueuse .elle est un honneur pour l''art féminin marocain. Bravo Mme Mouna

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