Le triste sort des salles de cinéma au Maroc

Mercredi 21 Décembre 2016

Si le nombre de salles obscures ne cesse de diminuer, les chiffres de la production, eux, ont pourtant considérablement évolué


Pourquoi les spectateurs 
désertent-ils les salles obscures 
et que faire pour attirer 
de nouveau le public ?

Au Maroc, les cinéphiles se font de  plus en plus rares. Après avoir passé, en quelques années, de 50 à 4 millions d’entrées par an, le constat de l’année 2016 est encore beaucoup plus affligeant. En effet, depuis janvier dernier, les salles de cinéma  marocaines n’ont drainé qu’un million de spectateurs pour des recettes estimées à 45 millions de dirhams. 
Pour  Hassan Belkady, exploitant de salles de cinéma à Casablanca, la raison est claire  avant de déplorer la situation actuelle des salles de cinéma au Maroc, Belkady a mis l’accent sur la baisse notable de leur nombre, tout en indiquant qu’en 1980 «on comptait 280 salles de cinéma au Maroc. Aujourd’hui,  il n’en reste plus que 40. En plus des 80 salles qui sont malheureusement fermées, à l’heure actuelle». «Bien évidemment, le nombre de spectateurs va également nettement diminuer. Et il faut bien reconnaître qu’il s‘agit là d’un constat consternant», a-t-il souligné.  
Il a, par ailleurs, noté que les exploitants de salles de cinéma ont été soumis à une TVA de 20%. «Ceci est absolument déraisonnable, puisque dans le monde entier, cette TVA  ne dépasse pas 5%», a-t-il dit, avant de conclure que «ce n’est pas ce genre de mesure qui pourra encourager les propriétaires à garder leurs salles de cinéma ouvertes au public».  
Quant à Noureddine Lakhmari, scénariste et réalisateur marocain, il a noté que la diminution du nombre de salles de cinéma revient particulièrement au fait que ces salles appartiennent au secteur privé, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de pays européens, telle la Norvège, où l’artiste a vécu pendant de longues années. «En Norvège, les salles de cinéma appartiennent à l’Etat, et aux communes en particulier. Des communes qui ont les moyens et qui injectent régulièrement de l’argent pour préserver leurs salles de cinéma», souligne-t-il. «Tandis que chez nous, il n’y a que certains propriétaires de salles, qui sont  de vrais passionnés, et qui se battent pour les sauvegarder», a-t-il ajouté, avant de conclure : «Mais il faut bien avouer que cette absence totale  de l’Etat complique davantage la situation!». 
Mais si le nombre de salles obscures ne cesse de diminuer, dans notre pays, les chiffres de la production cinématographique, quant à eux, ont considérablement évolué. Noureddine Lakhmari a un avis tranché à ce propos : «Il est vrai, dit-il, qu’aujourd’hui on produit une vingtaine de films par an. Mais de quoi parle-t-on dans ces films ? Je ne cherche nullement à dénigrer mes confrères, mais il est temps de soulever ces questions.  On doit reconnaître que les films que l’on produit actuellement sont loin de s’adresser à la majorité des Marocains. On reste cantonné dans des stéréotypes. Je vais même dire que cela relève plutôt de l’artisanat cinématographique». Et d’ajouter : «Il est temps de produire des films qui parlent de la vie de tous les jours, dans la ville, dans la rue.   Des films où on peut découvrir la société marocaine, avec toutes  ses contradictions. En reflétant notre identité, et en assumant pleinement nos défauts et nos complexes. C’est avec ce genre de films qu’on réussira à intéresser le public aux productions nationales. Car s’il y a des films, telle que «Ali Zaoua», «Marock», «Casanegra », «Road to Kaboul» ou « Zéro», qui  ont connu des succès éclatants, l’année même de leur sortie, c’est parce qu’ils étaient destinés au public marocain en premier.  Je reste donc intimement persuadé que si l’on parvient à produire des films  dans cette perspective, des films où l’on parle la darija, telle qu’elle est pratiquée dans la rue, sans complexes ni tabous, et surtout sans autocensure, on arrivera alors  à toucher le public et à le faire revenir aux salles de cinéma qu’il a désertées». 
Pour le réalisateur de «Casanegra», le problème du cinéma marocain ne réside pas uniquement, comme certains aiment à le répéter, dans la vétusté des salles, ou dans les DVD piratés. Pour lui, il y a aussi le problème épineux de l’écriture cinématographique. «Je pense même, affirme ce réalisateur, que  nous autres,  cinéastes et  scénaristes, nous n’écrivons pas bien nos films,  et que nous ne nous adressons pas réellement aux Marocains, à travers nos œuvres. 
Tout en sachant que notre pays regorge de talents dans ce domaine. Il y a même des films marocains  qui se sont hissés au box-office, pratiquement au même titre que «Batman», «Spiderman» et autres grosses productions américaines. Je pense donc que la vraie question que l’on se doit de poser est la suivante : Qui est  vraiment le scénariste marocain ? Et de quoi a-t-il vraiment envie de parler ? ».


Mehdi Ouassat

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