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“Larmes de sang” de Khatiba MoundibGraver poétiquement le deuil sur le sableVendredi 30 Mai 2014
« Je suis fou de mes sœurs ! Voilà ce que tu répétais souvent ! Et sans la foi en Dieu, La folle de toi que je suis, Le serai devenue vraiment ! » Ces vers expriment, intensément, la teneur de la voie poétique empruntée par Khatiba Moundib. Dévoilent, pudiquement mais avec force, les timbres de sa voix poétique. Ils reflètent, pour ainsi dire, l’essence de ses voie et voix poétiques proposées dans l’actuel recueil. Synthétisent son état de « rêveuse sacrée(…) qui parle à son âme » (Victor Hugo), ses états d’âme qu’elle grave, poétiquement, sur le sable foulé, tant et tant d’aurores, par un être cher disparu ; un de ses êtres rares que vise Alphonse de Lamartine en prophétisant : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ». Embrasser la parole poétique pour ne pas sombrer dans la folie, telle est la démarche philosophique, scandée en vers et traduite en rythmes harmonieux ajustant sens et sons, de Khatiba Moundib. Et pour cause ! Souvenons-nous. En ce 16 mai 2003, l’image idyllique d’un Maroc idéel imprégné par la tolérance et par un islam modéré, un islam du juste milieu, explose. L’abjecte ignominie des ténèbres a frappé Casablanca. En quatre lieux différents, dont la Casa d’España, l’explosion est autant physique, broyant la chair et le sang, que symbolique : « La nuit/ Étale ses ailes/ L’espace/ Revêt son manteau/ Noir/ Le jour/ Lui cède le pouvoir ». Ce vendredi-là, bien que le Hadith aurait dit : « Le jour du vendredi est le maître des jours, le plus important auprès de Dieu », Abdelkrim, le Grand, l’humaniste, l’intellectuel, le cinéphile, le J’didi citoyen du monde, le frère de Khatiba, notre ami et initiateur à des géographies créatrices innovées et innovantes, était à la Casa et fut foudroyé par les déflagrations de la haine, l’indescriptible haine de la vie. Sombrer dans la folie ? Ou résister malgré la perte, la douleur, le déchirement, « le fiel/ de la séparation éternelle »? Khatiba Moundib opta pour la voie de la résistance. Y alliant action associative et parole poétique. C’est pourquoi son recueil est aussi, ou plutôt fondamentalement, un acte de résistance. Contre le silence que veulent imposer les apôtres de l’obscurité. Contre l’oubli. Contre une certaine pensée « culturellement correcte » bercée par l’illusion selon laquelle la page de la terreur aveugle, sanglante et ensanglante, est tournée. Contre « L’irréparable qui trône », « La douleur (qui) électrocute et tétanise ». Poésie de résistance aussi pour les veuves. Les mères. Les proches. La progéniture. Autant d’êtres qui traversent les textes de Khatiba. Les habitent. Les font vivre. Mais également résistance pour ancrer l’espoir en l’avenir. Les menus plaisirs de cette vie qu’Abdelkrim aimait, pardon aime car il n’est jamais parti, et que ses bourreaux détestent et détestaient. Un recueil à consommer sans modération. Car en lui se dévoile le plaisir du texte, malgré l’amertume omniprésente, les mots terriblement tristes, les larmes devenues lettres, les cicatrices métamorphosées en vers. Se souvenir d’Abdelkrim, l’honorer, le saluer à chaque lever du soleil, lui emprunter un livre ou un film, continuer à marcher à ses côtés sur la plage jdidie, à rêver en compagnie de ses analyses, toujours pertinentes et non conventionnelles, d’un Maroc généreux pour l’ensemble de ses enfants, leur garantissant des horizons dénués d’obscurité et d’obscurantisme, c’est continuer à vivre poétiquement. En cela aussi l’appel contenu dans les poèmes de Khatiba Moundib est essentiel. Il nous faut l’entendre après avoir été bercé par les envolées lyriques de son corpus, la musicalité enivrantes de ses vers : « Ecrire C’est faire jaillir Cette eau Parfois trouble Parfois limpide De votre fontaine Intérieure ». Les cicatrices indélébiles de Khatiba Moundib enfantent, en se gravant poétiquement sur le sable, un message de résistance et d’espoir, même si en ce vendredi noir, vers 22 h, « les fleurs du printemps sont devenues noires...» Ce recueil sera présenté et dédicacé aujourd’hui vendredi 29 mai courant, à la salle de la mairie d’El Jadida à 16h 30.
Said Ahid
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