L’occasion ? Il ne pourrait y avoir de meilleure qu’un mois aussi sacré que le Ramadan.
Une chance inouïe. Tout un mois de piété, d’indulgence, de magnanimité et de sagesse, même si, au fait, l’on est censé être pieux, indulgent, magnanime et sage, durant tous les mois que le Bon Dieu fait et non seulement un mois sur douze.
Qu’importe, puisque l’on aura dans, trois ou quatre jours, l’occasion rêvée et inespérée d’apprécier un autre Maroc et d’autres Marocains. Un Maroc où les Marocains se départiront tous, comme par miracle, de cette mine renfrognée qui colle, comme par fatalité, à la quasi-totalité d’entre eux. Où les usagers de la route observeront une discipline qui ferait envie même à un certain Karim qui s’empresserait alors de ranger, et pour toujours, ce fameux projet de code de la route qui lui a donné, comme à bien d’autres, tant de soucis et de tracas.
On verra alors de gentils automobilistes et motocyclistes s’arrêter net au feu rouge, respecter la priorité et distribuer avec grâce, sourires bienveillants et gestes amicaux aux piétons tout autour.
On verra également les fous de klaxon, ceux atteints de klaxonite chronique, laisser leurs avertisseurs moisir, un mois durant. On aura tout loisir d’admirer des piétons attendre patiemment qu’il leur soit permis de traverser pour le faire, là où c’est indiqué.
On verra les voleurs cesser de voler, les malfaiteurs jurer de ne plus sévir, les dames enfin en mesure de circuler, tranquillement, sans risque de se voir harceler par tous ces harceleurs pullulant dans le pays. Et les corrompus et corruptibles attitrés de se débarrasser de leur si vilain vice.
Et comme c’est péché de ne pas se pointer à l’heure à son boulot ou de le quitter avant l’heure, et comme c’est « plus péché » encore de se trouver dans son poste ou son bureau pour ne rien f… ou pour le transformer en dortoir, on verra certainement contribuables, employés, fonctionnaires et responsables s’échanger embrassades et accolades pour la qualité du service…
Et comme on est d’éternels insatisfaits, on se surprendra alors à vouloir que ce monde de rêve perdure, qu’il ne nous tourne pas le dos, à peine le mois sacré arrivé à son terme.
Mais si jamais il vous arrive de constater un tout autre tableau que celui précédemment brossé, avec des concitoyens pires que jamais, des bureaux désertés, des fonctionnaires cupides, des accidents à la pelle, de la saleté partout… sachez que ce ne sera, là, que le fruit de votre imagination.