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Trouver son génie : Les erreurs à éviter


Libé
Samedi 4 Août 2012

Trouver son génie : Les erreurs à éviter
L'erreur à éviter  est de vouloir figer une fois pour toutes sa vérité.
Le développement personnel est un processus constructiviste.
Il est important de régulièrement se remettre en cause mais aussi de remettre en cause le processus même que l'on utilise dans cette remise en cause.
Le développement personnel, la libération de soi, est le contraire du sectarisme, pourtant il arrive que le processus du développement personnel devienne le prétexte à un enfermement sectaire.
On peut aussi s'enfermer à l'intérieur de soi. Certaines personnalités très riches en arrivent à faire de leur génie leur propre prison et cela d'autant plus qu'elles ont réussi. Il faut faire preuve d'ouverture, s'intéresser aux différentes approches, aux différents outils mais ne s'enfermer dans aucun.
Prendre du temps avec soi pour oser l'intimité avec soi-même mais aussi prendre du temps avec l'autre et oser l'intimité avec l'autre. Il faut savoir garder l'équilibre et la mesure pour ne pas tomber dans des travers nés de l'excès.
Robert Musil dans "L'homme sans qualité" fait remarquer que le terme de génie est porteur d'un double sens. Il existe le "génie" de l'ingénieur qui vient du bas latin "genium" qui a donné le français engin, en italien ingegno, en anglais engine et par extension le "Génie Militaire", dont le sens premier est habileté et capacité. Et il y a un autre "génie" que l'on retrouve dans toutes les langues et qui, lui, vient de "genius" qui désigne "ce que l'on peut vénérer de plus noble dans l'esprit humain", la partie transcendante de l'homme dans laquelle il puise sa créativité. La confusion de ces deux manières d'utiliser le terme  génie amène une fâcheuse dérive et l'on appelle génial ce qui n'est que virtuosité, d'où "des footballeurs géniaux et pourquoi pas des chevaux de courses". Les deux significations se sont embrouillées dans toutes les langues, mais peut-être plus particulièrement en allemand où la confusion entre génie et ingéniosité est très caractéristique.
Découvrir son génie "genius" est la chose la plus simple du monde, encore faut-il se l'autoriser et accepter de se vivre comme différent de son entourage.
Or, comme l'a montré René Girard, nous sommes conditionnés par notre désir orgueilleux d'être les meilleurs. "Je suis le meilleur" suppose que "je" sois comparable, c'est-à-dire comme les autres et par conséquent loin de moi-même en tant qu'être unique et différent. Cet éloignement de moi ne fait qu'augmenter mon besoin de ressembler et de me comparer : c'est un cercle vicieux qui se renforce vertigineusement.
Ainsi, dans sa volonté de bien faire, l'individu s'éloigne toujours plus de son génie et ce qu'il ne se permet pas à lui-même est évidemment ce qu'il n'autorisera pas à autrui. N'acceptant pas sa propre différence, il n'acceptera pas non plus celle d'autrui. Et finalement, derrière un discours banalisé et incantatoire sur la nécessité d'innovation, le vécu dans les entreprises reste cet éternel constat que la meilleure manière de se faire exclure est d'apporter une idée réellement nouvelle.
Gérer son génie et celui de ses collaborateurs implique d'avoir dépassé la réaction automatique que nous avons intégrée par habitude : faire de l'altérité, du différent le bouc émissaire de nos misères. Ainsi voit-on régulièrement être lapidé celui qui justement est en train d'ouvrir une brèche dans une situation sans issue.
Pourquoi l'homme préfère-t-il si souvent mourir ou tuer plutôt que d'accepter son génie et celui de l'autre ?
Accepter son génie ou celui de l'autre signifie accepter d'être unique, accepter d'être radicalement et définitivement seul. Pour dépasser cette difficulté, nous devons prendre pleinement conscience et nous préparer à l'angoisse qu'amènent cette déterritorialisation et cette solitude fondamentale liées au génie.
Cela est difficile de n'avoir d'autres critères de référence que ceux que nous nous donnons.
Dans ce contexte, le masque formel que nous nous sommes construits pour le jeu social se désintègre. Ce qui remonte derrière, nous empêchant encore d'atteindre notre génie, c'est la turbulence des affects, les désirs et les haines, les goûts et les dégoûts, et ce n'est qu'après avoir intégré ce niveau turbulent, l'avoir apaisé, que l'on peut accéder au vide, qui permet d'atteindre le niveau de l'inspiration et l'ancrage profond de l'être dans son génie.


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