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Trottinette électrique : C’est tout mignon !

Un double atout majeur. Elle facilite la mobilité urbaine avec une empreinte carbone quasi nulle


Chady Chaabi
Vendredi 24 Janvier 2020

C’est un jour comme un autre sous le ciel de Casablanca. Il est tout juste 8h passée et comme à l’accoutumée, les avenues sont bondées. Pour le plus grand désarroi des automobilistes, un embouteillage monstre s’est formé. Et il ne risque pas de s’estomper de sitôt. Le stress et l’anxiété sont gravés sur les visages des conducteurs inquiets. Inquiets d’arriver en retard au bureau. Inquiets que leurs enfants ne soient pas en classe à l’heure. Inquiets de cette semaine qui commence mal.
Sur l’extrémité de la chaussée, en costume-cravate, visage serein et apaisé, un jeune homme dépasse une à une les voitures avec une aisance déconcertante. Les automobilistes le regardent avec une envie qui frise la jalousie. Et on peut les comprendre. Du haut de sa trottinette électrique, le jeune homme entame sa journée du bon pied, l’esprit léger, débarrassé des affres d’une circulation aussi opprimante que déprimante.   
Des centaines de conducteurs passent en moyenne pas moins de deux heures par jour dans les embouteillages, coincés dans leurs véhicules. De précieuses graines du sablier dilapidées, à une époque où le temps est une denrée aussi précieuse que l’argent. Pourtant, il est possible d’en faire l’économie. Comment ? En optant pour des trottinettes électriques. Une transition dont la planète Terre ne va certainement pas se plaindre.   
Apparu sur les bitumes européens il y a quelques années, notamment à Paris, Bruxelles et Londres, villes considérées parmi les plus embouteillées d’Europe, ce nouveau moyen de locomotion, alliant mobilité urbaine et respect de l’environnement, quelque peu perfectible (lire ci-contre), séduit de plus en plus de monde dans les grandes métropoles marocaines. De nombreuses personnes ont franchi le pas. Troquant leurs voitures pour des trottinettes électriques. Un succès naissant qui fut tout d’abord classé au rang de l’impression visuelle. Avant que celle-ci ne nous soit confirmée par « VRM », une firme qui commercialise des trottinettes électriques : « Nos ventes étaient stables depuis le démarrage. Puis à la fin de l’été 2019, on a connu un pic de ventes sans précédent».
Omar Sefraoui, lui, ne se déplace pas en trottinette électrique. Depuis quatre ans, il a plutôt opté pour une mono roue électrique. Mais c’est tout comme. Cet entrepreneur en est à 15.000 km parcourus et se décrit comme écolo :«Je me suis spécialisé dans la construction de bâtiments écologiques dont ma maison qui est en terre, tout en essayant de diminuer au maximum mon empreinte carbone». Il avoue que la mono roue a changé sa vie : «L’apprentissage a été difficile au début. Mais dès que j’ai commencé à la maîtriser, je suis devenu accroc à l’aisance qu’elle m’offre au moment d’aller à un rendez-vous, à sa faculté de se faufiler n’importe où, sans s’arrêter ni prendre le risque de se retrouver coincé dans les embouteillages et subir le stress qui en découle».
Parfaite donc pour une «micro-mobilité urbaine», la mono roue, à l’instar des trottinettes électriques, n’est pas moins utile quand il s’agit de voyager vers d’autres villes, ce qui est étonnant. «Je l’utilise quasiment tout le temps, même quand je me déplace hors Casablanca. La dernière fois, j’avais rendez-vous à M’diq. Je l’ai emmenée avec moi dans le train jusqu’à Tanger. Une fois arrivé à Tétouan, je l’ai utilisée pour faire les 25 km restant jusqu’à M’diq», nous raconte-t-il. Rien de bien surprenant pour cet ovni de 80 km d’autonomie, et dont la vitesse peut atteindre les 45km/h. Et pour ceux qui craignent de ne pas pouvoir l’emporter avec eux dans le train, l’ONCF que nous avons contacté rassure : «Il vous suffit de ranger votre trottinette ou mono roue électrique dans sa housse pour pouvoir la transporter. Elle sera considérée comme n’importe quel autre bagage».
A l’image de la trottinette électrique, dont la vitesse moyenne varie entre 25 et 35 km/h voire 40 km/h pour certains modèles, la question de la sécurité s’impose autant que celle des assurances. Pour ces dernières, les acteurs que nous avons interviewés regrettent à l’unanimité l’absence de produit. Au moment où on écrit ces lignes, la trottinette électrique ou la mono roue sont assimilées à des vélos ou des piétons. D’où l’intérêt d’une vigilance accrue. Sans oublier évidemment à la fois de ne pas mettre la vie d’autrui en danger, en empruntant les trottoirs notamment, et de s’octroyer l’équipement adéquat. « Evidemment je me protège au maximum. En plus du casque, je porte une veste coque de moto », nous assure Omar Sefraoui qui ne cesse d’être agréablement surpris par les réactions à l’égard de son ovni citadin. « Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’on ne m’arrête pour en savoir plus sur l’engin. Les automobilistes, eux aussi, se montrent très courtois. Dans l’ensemble, il y a une bonne acceptation sociale», se réjouit-il.
En échangeant avec Omar, il nous a paru évident qu’il ne cherche ni la gloire ni les louanges. En s’offrant sa mono roue, il a avant tout pensé à l’environnement : «Pour moi, l’aspect le plus important réside dans mon empreinte carbone zéro ». Animé par la même volonté, Aziz Benslimane est directeur général d’une société de services et d'ingénierie en informatique, filiale d'un grand groupe informatique marocain. En parallèle, il s’est également lancé dans un ambitieux projet, puisqu’il est co-fondateur de « Hopla Tours ». La start-up propose depuis quatre mois de louer des trottinettes électriques ou de proposer des tours de Casablanca guidés à trottinette. «Comme j'ai toujours voulu toucher au domaine de l'écologie, je me suis logiquement intéressé de près au véhicule électrique», explique-t-il. Et d’ajouter : «Suite à mes derniers déplacements à l'étranger, j'ai vu l'éclosion d'un nouveau mode de mobilité électrique. Les trottinettes. Puis j’ai essayé de réfléchir à un business model adapté au Maroc».
Les trottinettes électriques qui sont vendues au Maroc entre 3000 et 6000 DH, sont apparues aux yeux d’Aziz Benslimane, comme, d’une part, une réponse aux défis écologiques qu’affronte le monde aujourd’hui, et d’autre part, aux difficultés qui définissent les moyens de transport conventionnels. « Si on me pose la question de savoir quels sont les problèmes que je voudrais régler, la mobilité urbaine s’impose d’elle-même», avance-t-il. « Qui de nous n'est pas stressé au moment de prendre sa voiture alors qu’il y a des embouteillages ? Qui ne galère pas pour stationner ? Qui prend un taxi de manière sereine ? Avec Hopla Tours, nous voulions trouver une solution à la mobilité urbaine, tout en étant eco-responsable. Et ça, c'est le cadeau qu'on doit faire à notre pays et à la planète», souligne-t-il.  
Après avoir commencé par orienter l’activité de la start-up vers les circuits pour touristes étrangers, Aziz Benslimane explique être passé à la phase « de la pure location en libre (Hopla Free Tour) pour tout le monde. Et on est en signature avec les 4 premiers points relais (happyHop) qui vont faire partie de ce nouvel écosystème de la mobilité urbaine durable et écoresponsable» avec des échos qui sont plus que favorables. «La semaine dernière nous avons accompagné en sortie d'initiation un groupe de Casablancais. Ils sont rapidement devenus des pros de la conduite. Leurs témoignages furent unanimes. Ils ont redécouvert leur ville et ont pu l’explorer plus librement, sereinement et avec plus de fun. C'est pour ça que le slogan de HoplaTours est «Enjoy Your City», conclut-il.
Pour rappel, la première trottinette de l’histoire a vu le jour dans les années 30. Faite en bois, elle se présentait à cette époque comme un jouet pour enfants qui ont grandement participé à en faire une véritable tendance trottinette, au tournant des années 50. Un léger boom de popularité qui a rapidement fait pschitt, avant un net regain, mû par une évolution majeure. En effet, en 1980, la trottinette est équipée d’un moteur à essence et séduit par conséquent les adultes. Aujourd’hui, elle n’est pas uniquement une tendance, mais une solution aux maux de la mobilité urbaine, et cela ne risque pas de s’estomper cette fois-ci.

Aziz Benslimane co-fondateur de “Hoplatours”

Techniquement, comment gérer les batteries ? Comment les recharger aussi ?
Tout d'abord, l'autonomie des modèles que nous mettons à disposition est en moyenne de 25/30 km. Pour les déplacements urbains, c'est largement suffisant. Pour nous, le mode de déplacement urbain doit être un mix entre la marche, les transports publics et évidemment la trottinette électrique. Concernant les points de recharge, ils seront évidemment en nombre et faciles à utiliser.  

Comment comptez-vous affronter la problématique du recyclage ?
Nous ne nous débarrasserons de rien. Nous avons un atelier pour remettre à niveau, maintenir et entretenir notre parc de trottinettes. Une trottinette électrique tombe évidemment en panne mais avec une bonne maintenance, nous arrivons à améliorer et prolonger sa durée de vie.

Et quand il sera impossible de prolonger leurs durées de vie ?
Par rapport à l'Europe, nous avons un business model différent. En Europe, en moyenne, la location de trottinette est à 14 euros (1 euro pour un lock et 0,25 cts la minute). Il s'agit d'un système de partage sans aucune responsabilité de qui que ce soit. Ici, c'est un nouveau modèle de mise à disposition avec une responsabilité de toute la chaîne. Nous ne possédons pas encore un parc de 20.000 véhicules, mais effectivement, plus le parc s'agrandira, plus les solutions de recyclage seront nombreuses et offriront un nouveau relais.


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