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Sur les ruines de l'ancienne cité d'Ani, pont entre Turcs et Arméniens


Libé
Mercredi 27 Mars 2024

Sur les ruines de l'ancienne cité d'Ani, pont entre Turcs et Arméniens
Un vaste site en ruine aux confins de la Turquie et face à lui, un pont effondré qui enjambe la rivière marquant la frontière avec l'Arménie.
Pour les historiens et responsables locaux, la restauration de la cité d'Ani, classée depuis 2016 au patrimoine mondial de l'Unesco, jetterait pourtant une passerelle entre les deux pays, contribuant à normaliser leurs relations difficiles.

Ani, non loin de la ville de Kars dans l'est de la Turquie, fut la capitale du royaume médiéval d'Arménie vers la fin du premier millénaire, avant que sa conquête en 1064 par les Seldjoukides n'accélère son déclin, parachevé par la conquête mongole et un séisme.

Pour Vedat Akçayoz, président de l'Association culturelle et artistique de Kars, les ruines d'Ani constituent un "patrimoine commun de l'humanité" au-delà des frontières.
"Ani a été zoroastrien, chamanique, païen, chrétien, musulman. Ani c'est moi, c'est vous", martèle cet archéologue amateur, auteur d'une somme sur Ani.

Ankara n'entretient pas de relations diplomatiques avec l'ancienne république soviétique: entre les deux, le souvenir sanglant des massacres d'Arméniens par les forces ottomanes au début du XXe siècle, qualifiés de génocide par Erevan et de nombreux Parlements occidentaux dont ceux des Etats-Unis et de l'Union européenne.

L'Arménie est entrée en pourparlers avec l'allié régional de la Turquie, l'Azerbaïdjan, voisin renforcé par sa reconquête du territoire contesté du Haut-Karabakh au terme d'une offensive éclair en octobre après des décennies de conflit.
Pour les officiels turcs, la dynamique enclenchée depuis pourrait contribuer à normaliser les relations entre Ankara et Erevan.

Pendant des années, il fallait obtenir un permis pour se rendre sur le site d'Ani, mais les autorités ont à coeur désormais de promouvoir sa beauté envoûtante.

Des travaux de restauration et de conservation, dont certains financés par l'Union européenne, sont en cours.
"Des études de préservation ont été réalisées, un système de caméras installé pour protéger les ruines des menaces extérieures", indique Gonca Pabuccu, responsable adjointe des fouilles.
"Notre objectif n'est pas seulement de découvrir de nouvelles structures, mais aussi de préserver celles que nous avons déjà mises au jour et de les présenter aux touristes", poursuit-elle.
Vedat Akçayoz estime que 80 à 85% du site restent à dégager.

"Ani sous terre est aussi important que ce que nous voyons en surface. Dans les grottes tout autour du site, on voit des églises, des mosquées et d'autres lieux de culte", souligne-t-il.
L'historien local invite à épouser le point de vue du défunt journaliste turco-arménien Hrant Dink, assassiné en 2007 à Istanbul.

Dink, directeur de l'hebdomadaire bilingue turc-arménien Agos, qui prônait la réconciliation entre les deux communautés, évoquait en 2006 les Turcs et les Arméniens comme "deux peuples malades".
"Les Arméniens vivent un grand traumatisme. Dirigé contre les Turcs. Les Turcs sont en proie à une immense paranoïa dirigée contre les Arméniens. Nous sommes tous fous", disait-il.

"Qui nous soignera? (...) Les Arméniens seront les médecins des Turcs et les Turcs, ceux des Arméniens".
Pour Vedat Akçayoz, cette prophétie de Dink est porteuse d'avenir: "Il n'y a d'autre issue que la paix", affirme-t-il.
Ani compte tout autant pour les Turcs. En 1064, le souverain seldjoukide Alp Arslan démontait la croix de la cathédrale délabrée, devenue la "mosquée de la conquête".

"C'est une terre conquise par nos ancêtres: la première prière du vendredi du sultan Alp Arslan, la première mosquée turque, le premier cimetière turc, le premier bazar turc, tout est ici", explique le gouverneur de Kars, Ziya Polat.
Un responsable local ajoute sous couvert d'anonymat qu'Ani, plus que tout autre site, est susceptible d'être récupéré politiquement.

"Il reste une capitale religieuse pour les Arméniens et la première ville d'Anatolie conquise par les Turcs", relève-t-il, estimant qu'une ouverture de la frontière drainerait de nouveaux visiteurs.
"Les Arméniens voudraient aussitôt y amener leurs petits-enfants", croit-il. "On ne peut pas bâtir l'avenir sur les tragédies du passé", ajoute-t-il.

Vedat Akçayoz désigne le pont en ruine surplombant la rivière Arpaçay, frontière entre la Turquie et l'Arménie.
"A votre avis, le poisson qui nage en dessous, il est turc ou arménien?", interroge-t-il.
 


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