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Quelles voies d’émergence pour le Maroc ?

Dans son dernier ouvrage, Tarik El Malki propose quelques pistes de réflexion à même de permettre de doper la croissance


Alain Bouithy
Mercredi 19 Février 2020

Ph : Ahmed Laaraki
Ph : Ahmed Laaraki
Le Salon international de l'édition et du livre (SIEL) a fermé ses portes dimanche 16 février. L’événement, qui a drainé près d’un demi-million de visiteurs, en l’espace de 10 jours, a connu l'exposition de plus de 120.000 titres parmi lesquels se trouvait « Le Maroc : quelles voies d’émergence ? » de Tarik El Malki.
Cet ouvrage est le troisième du genre de l’auteur paru aux éditions Afrique- Orient, après «La Responsabilité sociale des entreprises : le cas du Maroc» (2014) et «Au-delà de tout clivage : regards croisés sur le Maroc de demain» (2017) qu’il a coécrit avec Nabil Adel.
Comme en 2017, Tarik El Malki était présent cette année à cet évènement exceptionnel de rencontres entre petits et grands lecteurs, auteurs et éditeurs qu’est le SIEL, pour une séance de signature de son ouvrage.
Préfacé par Mohamed Berrada, ex-ministre des Finances, le livre « Le Maroc : quelles voies d’émergence ? »  s’inscrit, en quelque sorte, dans la continuité de l’ouvrage  « Au-delà de tout clivage : regards croisés sur le Maroc de demain » (2017) », dans lequel chacun des deux auteurs avait livré sa perception du Maroc qu’il souhaite voir émerger dans les 20 et 30 prochaines années, à travers un certain nombre de sujets notamment politiques et institutionnels.
L’idée de cet ouvrage, qui s’intéressait également aux volets éducation, culture, sociétal et jeunesse, était de partager « notre vision des choses par rapport à un projet de société que modestement nous proposions », a rappelé Tarik El Malki.
Dans le présent ouvrage (« Le Maroc : quelles voies d’émergence ? »), l’économiste et professeur universitaire a choisi d’aborder la dimension économique en braquant les projecteurs sur le modèle de croissance que le Maroc a mis en place depuis l’indépendance.
Dans sa réflexion, Tarik El Malki fait un constat : s’il a permis au Maroc de réaliser de réelles avancées en termes d’industrialisation; de mettre à niveau des infrastructures; d’accélérer, pendant la décennie 2000, le rythme de croissance du Maroc à 5% en moyenne ; de doubler, en l’espace de 10 ans, son PIB et le revenu par habitant, « nous constatons que ce modèle principalement bâti sur la demande intérieure (consommation des ménages, investissements publics, etc.) a atteint ses limites », a-t-il fait savoir.
L’auteur ne se prive également pas de rappeler que la compétition industrielle du Maroc ne s’est pas beaucoup améliorée et de relever une certaine désindustrialisation et une faible productivité des facteurs.
En outre, fait-il remarquer, « le rythme de croissance a dégringolé de 5 à 3,2% sur la décennie 2010. La croissance a été de faible qualité dans la mesure où elle n’a pas créé suffisamment d’emplois (à peu près 30.000 emplois/an uniquement) et n’a donc pas permis l’inclusion sociale et territoriale, tandis que le coefficient de Gini a stagné au cours des dernières années ».
Poussant plus loin son analyse, il note que le rôle de l’Etat est  également à mettre en question, la persistance de l’économie de la rente, en plus du  secteur privé qui « n’assume également pas en totalité ses responsabilités à cause de ce schéma de la rente, alors que la compétitivité à l’export du Maroc est mise à mal au regard de certains indicateurs liés au déficit de la balance commerciale ».
Partant de ce tableau peu reluisant, Tarik El Malki, par ailleurs analyste au Centre marocain de conjoncture (CMC) et directeur de l’ISCAE Rabat, a estimé que tous ces indicateurs appellent à mettre en place un nouveau modèle de croissance qui soit orienté vers l’export.
Il persiste à croire que « l’industrie, particulièrement l’industrie exportatrice, à travers le renforcement et le développement de nouveaux secteurs d’activité, va permettre au Maroc d’accéder au seuil de l’émergence tant attendue ».
C’est ainsi qu’il préconise dans son dernier ouvrage quelques pistes de réflexion articulées autour de quatre grands axes.
Dans le premier axe, qui porte sur les politiques économiques, « j’appelle principalement à un choc fiscal à même de permettre véritablement de faire de la fiscalité un instrument de justice sociale dans la mesure où nous constatons qu’elle est source d’iniquité et d’inégalité ».
Selon lui, cette réforme fiscale doit aller dans le sens de la lutte contre les inégalités et doit permettre à l’Etat de générer suffisamment de recettes qui seront orientées vers l’investissement public, notamment dans les secteurs sociaux et dans les secteurs d’avenir tels que l’économie numérique.
Ladite réforme doit également avoir comme corollaire l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, des classes moyennes,  « qui sont fortement sollicitées et le soutien de la compétitivité de nos entreprises », a-t-il expliqué.
Dans sa réflexion, l’auteur de «Climat de l’investissement et performance des entreprises marocaines » (2014) en appelle ainsi à l’introduction d’une vraie progressivité au niveau de l’impôt sur le revenu surtout les hauts revenus qui sont, à l’entendre, « très peu taxés et à la mise en place véritable d’un impôt sur le patrimoine et sur l’héritage ».
En marge de cela, « il faut revoir l’impôt sur les sociétés et les revenus et réformer la TVA de telle manière que l’impôt soit un facteur de cohésion et de stabilité sociale et pas un instrument punitif », a-t-il préconisé ajoutant que la politique budgétaire doit également s’inscrire dans cette réforme fiscale.
Abordant le deuxième axe, celui des politiques sectorielles, Tarik El Malki a relevé un problème de coordination.
Lui, qui a signé en 2006 « Risque-pays et stratégies d’internationalisation des firmes multinationales implantées au Maroc »,  a préconisé la mise en place d’une agence publique de planification et de coordination des politiques sectorielles à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays asiatiques. Et de souligner que le rôle de l’Etat doit dans ce cas être redéfini, précisant qu’« il doit s’orienter vers des dimensions de développeur, de stratège et de régulateur ».
Si des secteurs tels que l’automobile et l’aéronautique marchent bien, il est tout de même important d’«améliorer l’intégration des PME marocaines aux chaînes de valeurs mondiales et de développer de nouveaux secteurs comme l’économie numérique, les énergies renouvelables, l’économie de la mer, etc. », a-t-il soutenu.
S’agissant du troisième axe, l’environnement des affaires, le constat de l’auteur est que malgré des progrès, « il reste sujet à questionnement », évoquant notamment le rôle de la corruption, la question du financement et de l’accès au foncier qui doivent être redressés, de son point de vue.
A ce propos, il salue l’initiative Royale relative au « Programme intégré d'appui et de financement des entreprises » qui, selon lui, va dans ce sens. « Il s’agit maintenant d’accélérer sa mise en œuvre et dans ce cadre-là, j’en appelle à une loi de modernisation de l’économie marocaine à travers un « Small Business Act » dans le domaine réglementaire, financier et foncier pour améliorer l’environnement des affaires».
Le dernier axe porte sur l’entrepreneuriat. Il s’agit du soutien à la TPME et à l’innovation considérée comme le parent pauvre des politiques publiques, selon Tarik El Malki, persuadé que « le Maroc n’a pas de véritable politique d’innovation ».
«Tous axes pris de manière concomitante pourront accélérer le rythme de croissance à 6 ou 7%, créer 150.000 emplois par an et avoir un impact positif sur la compétitivité à l’export, les taux de chômage et tous les indicateurs économiques », a-t-il affirmé.
Soulignons l’intérêt de son ouvrage, qui consacre tout un volet à la nécessité d’améliorer le financement des entreprises, il assure que son « ouvrage peut servir de matière à réflexion à la Commission Royale sur le nouveau modèle de développement ».
S’agissant de la promotion de son ouvrage, l’auteur a confié qu’il va animer une série de conférences pour les étudiants dont ceux de l’ISCAE et de l’université pour faire connaître « ce travail qui est le fruit d’une accumulation depuis quatre ans ».


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