Quelle crédibilité accorder aux tests utilisés face au Covid-19 ?

La PCR doit être renouvelée assez fréquemment, en particulier dans les entreprises


Par le Dr Khadija Moussayer *
Mardi 21 Juillet 2020

Quelle crédibilité accorder aux tests utilisés face au Covid-19 ?
La  lutte contre le Covid-19 passe notamment par la détection des personnes contaminées et donc susceptibles de propager la maladie. Cette détection repose sur l’isolement du virus dans l’organisme   par  les tests PCR qui comportent néanmoins certaines limites et plusieurs écueils.  
L’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), par la voix de sa présidente, le Dr Moussayer Khadija, estime nécessaire de rappeler la portée de ces tests, leurs limites ainsi que les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour les contrecarrer.


Le test virologique (RT-PCR) :
la négativité n’élimine 
pas l’infection 

Malgré sa  haute spécificité proche de 100 % et sa bonne sensibilité et donc sa capacité à ne détecter que  ce virus, et ce uniquement chez  les vrais  malades, sa fiabilité dépend aussi du facteur humain. 
Le test exige en effet un bon prélèvement qui nécessite d’enfoncer l’écouvillon profondément dans le nez, de façon désagréable pour le patient. Il nécessite, donc,  du personnel expérimenté et  même en dépit de cette rigueur, le virus est parfois indétectable dans les voies respiratoires supérieures mais présent dans les poumons ! 
Par ailleurs, la fiabilité du prélèvement dépend également du moment où on l’a effectué par rapport à la survenue de la contamination. Une étude de  Johns Hopkins Medicine  a bien illustré cet écueil,   en établissant que les sujets  pourtant infectés présenteraient un test négatif  dans 67% des cas au 4ème jour après la contamination. Et même après l’apparition des symptômes, 38% sont testés négatifs  le jour de leur apparition   et 20 %  en moyenne 3 jours après le début des signes de la maladie. Ces résultats nous enseignent que pour optimiser les résultats du test, ce dernier doit donc s’effectuer avec une bonne technique et après le troisième jour du début des symptômes. A cause de ces deux « écueils », on estime que la fiabilité du test se situe  généralement entre 60 et 80 %. 

Les tests sérologiques : un outil  
 en appui du PCR

Ces tests s’effectuent sur un prélèvement de sang et détectent les anticorps élaborés par notre organisme pour combattre le virus, appelés également immunoglobulines  (Ig en abréviation) sous forme de 2 types, les IgM  et les Ig G. 
Les IgM  sont détectables à partir du 7ème jour après l’intrusion du virus dans l’organisme chez les patients les plus sévères et au cours de la deuxième semaine pour les autres ; ils disparaissant  environ trois semaines après l’infection. Quand aux IgG, ils ne sont détectés qu’à partir du 14ème jour après la contamination et diminuent par la suite progressivement pour disparaître en moyenne en 40 jours. Ainsi,  les  tests sérologiques identifient  ceux qui ont  contracté récemment l’infection, et ce même sans avoir eu de symptômes.  
La production tardive de ces anticorps à un moment où on considère, avec de plus en plus de certitude, que le malade n’est plus contagieux, fait que leur recherche est  inutile pour l’objectif principal qui est celui de déterminer la contagiosité de la personne. En effet, le patient est en général contagieux quatre  jours avant et cinq jours après le début des symptômes alors que les anticorps paraissent à partir du septième jour après la contamination pour les Ig M  et du 14ème  jour pour les Ig G.
Ainsi, ces tests sérologiques ne sont  recommandés qu’en complément d’un test PCR  qui s’est avéré négatif alors que  le patient présente des symptômes, pour ne pas passer à côté d’un porteur du virus et pour la surveillance épidémiologique de la présence du virus dans la population.
De façon plus globale, le couplage de ces deux tests virologique et sérologique permettrait   de scinder  la population en trois catégories : 
1/ les  non-infectés qui doivent continuer à se prémunir contre l’infection ; 
2/ les infectés  qu’il faut isoler pour limiter la propagation du virus ; 
3/  ceux ayant contracté la maladie et  développé des anticorps contre le virus,  ce qui ne les met pas forcément à l’abri d’une nouvelle contamination. 
Par ailleurs, le test sérologique et la  PCR  exigés des Marocains à l’étranger voulant revenir au pays posent question, même si on comprend le souci d’éviter l’arrivée de personnes infectées. 
Plusieurs éventualités se présentent en effet. Si la  PCR  est positive, on n’aura nul besoin dans ce cas des tests sérologiques ;  si la PCR est négative, la personne est soit non infectée ou  fausse négative par erreur de prélèvement ou de timing et un deuxième test pourrait alors être effectué à l’arrivée, si on suit la logique de ces exigences ! 
Une sérologie positive et une PCR négative nous indiqueront que la personne a été contaminée et qu’elle n’est plus contagieuse. Par contre, une PCR négative et une sérologie négative ne nous garantissent rien ! Le couplage des deux tests est in fine difficile à interpréter et n’est utile que dans de très faibles proportions.
La PCR est donc le test décisif, elle permet de déterminer les porteurs  du virus au moment du prélèvement. Un test négatif ne doit  pas nous faire abandonner les gestes barrières, sans lesquels on peut contacter le virus ultérieurement.  Cette opération doit être renouvelée  assez fréquemment,  en particulier dans les entreprises, pour dépister   les nouvelles infections ou redresser un test négatif à cause d’une erreur de prélèvement ou de timing par rapport à l’entrée du virus dans l’organisme. Ainsi, on comprend mieux pourquoi il  est primordial  de continuer à respecter les mesures préventives (port obligatoire de masque, respect de la distanciation…) comme  ne le cesse de le répéter le ministre de la Santé, le Pr Khalid Ait Taleb.
 *Présidente de l’Association marocaine 
des maladies auto-immunes 
et systémiques (AMMAIS), ancienne chef de service à l’Hôpital de Kénitra
 et ancienne interne aux Hôpitaux 
de Paris - Pitié Salpêtrière - 
Hôpital Charles  Foy


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