Pourquoi la crise affecte-t-elle les femmes en particulier ? : Le grand fardeau


par Audrey Dye
Samedi 7 Mars 2009

Pourquoi la crise affecte-t-elle les femmes en particulier ? : Le grand fardeau
Contrairement à ce qu'on entend et lit, ce n'est pas parce qu'elles auront moins d'argent pour acheter des vêtements et des produits de beauté... Mais il est certain que les femmes vont être particulièrement affectées par la crise. Pourquoi ?
D'abord, parce que la crise entraîne une baisse du «pouvoir d'achat». En effet, les femmes touchant déjà en moyenne un salaire moindre que les hommes (en Belgique, en mars 2008, on estime que les femmes touchent en moyenne 25% de moins que les hommes et en Europe, la moyenne est de 29,2%), les conséquences de la crise vont toucher de plein fouet les personnes aux revenus les plus faibles et donc forcément les femmes. La crise va avoir un impact sur le fameux « panier de la ménagère » : si l'expression est toujours utilisée par les économistes pour calculer la consommation des « ménages », alors qu'on pourrait la considérer comme désuète et largement inadaptée, c'est peut-être parce qu'elle reflète une réalité malheureusement toujours largement d'actualité. En effet, on sait qu'aujourd'hui comme hier, ce sont surtout les femmes qui font les courses pour la famille, quand les hommes auront tendance à consacrer plutôt leur argent à des dépenses individuelles ou pour satisfaire des besoins secondaires (investissement dans la technologie, sorties, etc.). Une baisse du pouvoir d'achat va affecter en priorité les femmes et les enfants.
Or, tout porte à croire que les prix des produits de première nécessité, dont l'alimentation et les services de santé et d'éducation, eux, ne vont pas baisser. Et ce sont les femmes qui, une fois de plus, devront jouer la « conciliation » entre les différentes dépenses... pour le bien de la famille. Elles consacrent en général en priorité le budget pour l'alimentation, mais également pour la santé et l'éducation des enfants. De plus, dans les familles à petits revenus, les femmes ont tendance à faire passer les besoins de la famille avant les leurs.
Cela a un impact direct sur leur santé physique et morale : elles vont manger moins et/ou moins bien, s'abstenir de soins préventifs et palliatifs, sans parler des privations sur les événements culturels, sociaux, les lectures, etc. C'est la glissade vers la précarité car, la précarité, c'est bel et bien la difficulté de répondre aux besoins basiques et la déconnexion d'avec les réseaux sociaux et d'information, qui rend les personnes vulnérables en cas d'évènement imprévu mettant en péril l'équilibre de leur situation.
Aujourd'hui, la crise se traduit déjà par des conséquences sur l'emploi. En témoignent les licenciements et campagnes de chômage technique massifs. Et les premiers emplois sur la sellette sont les emplois précaires et peu qualifiés... qui sont généralement les emplois occupés par les femmes. Parce que leurs qualifications sont inégalement reconnues, parce que le « plafond de verre » est passé par là, parce qu'elles sont contraintes d'accepter des emplois à temps partiel ou sans responsabilités pour pouvoir « concilier » vie familiale et vie professionnelle quand leurs compagnons et collègues masculins se consacrent pleinement à leur carrière.
La crise sert aujourd'hui de prétexte à plus de compression sur le coût de la main d'œuvre, pour que la rentabilité et la productivité ne baissent pas outre mesure, afin de ne pas effrayer les actionnaires et voir fuir les capitaux. Le droit du travail est donc en première ligne : baisse des salaires, et ceux des femmes, on l'a vu, sont déjà généralement plus faibles, baisse de la qualité des emplois. Ici aussi les femmes sont plus enclines à accepter des emplois précaires à cause de la contrainte de conciliation, « flexibilisation » des horaires, car elles sont toujours prises entre la garde des enfants, les travaux domestiques, et le travail, etc.
Un autre mécanisme risque également de faire peser les conséquences de la crise sur les femmes : la Belgique, comme les autres pays européens et les Etats-Unis, a décidé de verser des capitaux pour sauver les banques et éviter que la crise ne se propage aux autres secteurs de l'économie. Un choix bien discutable... et bien discuté ! Ce sauvetage des banques va augmenter les ressources budgétaires consacrées par l'Etat à l'économie (plan de sauvetage, plan de relance) et surtout fera fortement augmenter la dette publique..
En effet, pour injecter ces capitaux, l'Etat doit lui-même émettre des titres du Trésor public qui sont souscrits par les banques et assurances qu'il a tenté de « sauver » ! Or, ces dernières font un profit en prêtant à l'Etat l'argent que l'Etat lui-même leur a octroyé, avec de juteux intérêts. Ces dépenses supplémentaires pour relancer l'économie vont nécessairement entraîner des coupes budgétaires et donc une diminution des services publics élémentaires : transports, santé, éducation, aide sociale, etc. Et quand l'Etat ne fait pas face, ce sont les femmes qui assurent ces services : le soin des personnes malades ou âgées de la famille, l'éducation des enfants, le transport des personnes et des biens, etc.
Or, les budgets publics sont principalement alimentés par les impôts. Alors qu'on pourrait faire légitimement porter le poids du crash de l'économie-casino sur les « joueurs » qui devraient seuls faire face à leurs paris perdus, les sommes du sauvetage vont être prélevées sur les citoyennes et citoyens qui n'ont jamais profité des paris gagnants : privatiser les bénéfices, socialiser les pertes. En effet, elles et ils vont payer par leurs impôts, par les taxes sur leur travail, par les taxes à la consommation, qui pèsent plus fort sur les petits revenus. Ce sont donc encore les femmes qui vont être en première ligne...


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