Les élans de protectionnisme et de nationalisme qu’on perçoit dans les attitudes, témoignent en fait que la coordination peut être dépassée demain par les soucis internes de chaque pays». C’est ainsi que Noureddine Omary a introduit son intervention lors des travaux de la 19ème réunion du CMC à Casablanca.
Le président du CNCE s’est dit interpellé par quatre ensembles de questions fondamentales par rapport à cette problématique de récession. D’abord, la nature de la crise financière transformée rapidement en crise réelle nous invite à en débattre. Est-ce que la crise financière est achevée aujourd’hui ? Est-ce qu’elle ne va pas se propager à d’autres aspects financiers ? La crise de la sphère réelle est- elle délimitée aujourd’hui, son étendue ne va-t-elle pas s’élargir ? Ce questionnement sur la nature de la crise et son étendue sont essentiels, d’autant plus qu’au niveau d’un pays comme le nôtre, nous pouvons craindre que nous soyons touchés à travers le commerce extérieur directement dans la sphère réelle, nous risquons de revenir à la sphère financière.
Le risque pour le Maroc est de partir d’une crise de la sphère réelle vers une crise de la sphère financière. Le secteur financier marocain n’a pas été touché. On s’en réjouit, mais on peut se poser des questions.
Est-ce la clairvoyance des gestionnaires ? Il y a quelque temps j’étais parmi ces gestionnaires? ou bien c’est le caractère rigoureux de la réglementation qui a imposé des limites à l’envie de s’enrichir davantage. Sur cet aspect, nous serons interpellés pour poser la question même existentielle: est-elle une crise de modes de production et de consommation ou tout simplement une multitude de crises séquentielle et sectorielle ?
L’aspect spéculatif du comportement humain mérite aussi d’être évoqué à l’échelle des Etats mais également des organisations et des ménages. Le caractère spéculatif prédomine et on peut s’interroger sur la rationalité des marchés souvent évoqués comme un élément de régulation, évidémment des comportements humains de manière générale.
Outre le questionnement sur la nature, l’étendue interpelle aussi. Il a été constaté que cette crise s’est propagée d’un secteur à l’autre, d’une région à l’autre et d’un continent à l’autre.
Comment, donc, analyser cette propagation par rapport à la situation de chacune des régions et de chacun des pays concernés ? Le Maroc est dans quelle zone ? C’est un pays émergent qui prétend à beaucoup de choses mais qui va être probablement contraint, malgré lui, à travers le commerce extérieur notamment, les RME, les investissements étrangers de limiter ses ambitions. Où se trouve, par conséquent, le Maroc ? La durabilité évoque une fin de crise pour 2010 ou 2011 au plus tard. Est-ce sérieux de parler d’une échéance aussi courte ? Est-ce que la situation est uniforme à la fois en termes de contexte, de nature, d’étendue ?
La dernière question concerne les impacts. De toute évidence, ils seront différenciés. Aujourd’hui, il est déjà constaté que malgré l’injection de centaines de milliards de dollars et d’euros, les pays structurés et organisés n’arrivent pas à juguler cette crise.
L’Etat semble intervenir comme un pompier qui puise dans les finances publiques pour aider à relancer la mécanique par la demande interne, le soutien aux secteurs sinistrés. Aussi, force est de se demander si c’est la bonne voie.
Est-ce le remède à apporter au risque de perturber également les équilibres budgétaires internes ? En fait, il y a une limite à la sollicitation des finances publiques. Tôt ou tard, injecter de l’argent viendra à aller chercher également dans les poches des uns et des autres. Tout compte fait, il y a le risque de se retrouver dans une gouffre qui n’aura pas de fin en fiscalisant peut-être davantage et autrement. Dès qu’il y aura des rétentions et des rétrécissements au niveau des marchés internationaux, il est évident que la compétitivité va se jouer à travers la monnaie.
Autrement dit, autant de questions non maîtrisées aujourd’hui parce qu’il y a l’impression que déversant l’argent de cette manière, des problèmes seront certes réglés, mais probablement dans le mode de fonctionnement planétaire (où il n’existe pas malheureusement un conducteur pour indiquer la voie à suivre) mais au niveau des nations où il y a des attitudes nouvelles adoptées à l’égard des modes de production et de consommation.
Pour ce qui est du Maroc, il est certain qu’il existe un certain nombre de choses à revisiter, notamment cette nécessité d’avoir une visibilité globale dans la mesure où une multitude de plans sectoriels accumulés ne peuvent pas constituer une véritable politique économique. Il est de ce fait nécessaire de trouver une sorte de transversalité dans cette approche de l’économie et de la société.