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Mehdi Boukiou, 20 ans, condamné à 10 ans de prison : Une affaire qui défraie la chronique


Mountassir Sakhi
Mardi 22 Mars 2011

Mehdi Boukiou, 20 ans, condamné à 10 ans de prison : Une affaire qui défraie la chronique
Il s'appelle Mehdi Boukiou, il a 19 ans quand il a été enlevé à Rabat le 23 février 2010 à 8h du matin, alors qu'il était en route vers la Faculté de droit de Salé-El Jadida. Depuis ce jour et jusqu'au 11 mars 2010, ses parents l'ont cherché partout, dans les hôpitaux, les morgues, les commissariats et les postes de police. Mehdi a, semble-t-il, disparu.
Le 11 mars 2010, Fatima El Moujahid, sa mère, reçoit un appel téléphonique provenant d'un homme ayant rencontré son fils au tribunal de première instance de Salé. Il lui annonce que son fils est incarcéré à la maison de correction de Salé. Il ajoute que Mehdi se trouve dans un état dépressif. Après 16 jours d'absence,  Fatima El Moujahid a finalement pu revoir son fils, en prison. Elle l'a trouvé en larmes. Il lui a raconté ce qui lui était arrivé, comment il avait été enlevé et torturé pendant deux semaines. Son histoire est invraisemblable dans le Maroc d'aujourd'hui, et son dénouement actuel l'est encore plus.
Flash-back. Mehdi Boukiou a été appréhendé à Rabat devant le Café « Jour et Nuit » par des agents de police habillés en civil. Il ne s'agissait pas encore « d'une arrestation».  Parmi ceux qui l'avaient arrêté, Mehdi avait pu reconnaître un certain Hicham. Celui-ci est étudiant-fonctionnaire à la Faculté de droit à Salé El Jadida. Beaucoup  d'étudiants voyaient en lui un indicateur, tant sa curiosité  éveillait les soupçons. Ce même Hicham, avec d'autres hommes ont mis la main donc sur Mehdi et jeté dans une Hyundai de couleur bleue.
Sitôt qu'ils l'ont enfermé dans une chambre vide, ils lui  ont expliqué qu'ils étaient un groupe islamiste intégriste dont l'objectif est de renverser le régime. Pendant près de neuf jours, il est retenu dans une pièce vide. Chaque jour, les hommes venaient le voir et tentaient -étrangement- de l'embrigader. A Mehdi qui demandait de rentrer chez lui, ils  lui montraient comment faire sa prière et fabriquer des bombes artisanales.
Après qu'ils ont constaté « l'entêtement» du jeune étudiant qui refusait de s'allier à ce prétendu groupe terroriste, les kidnappeurs ont fini par lui révéler leur identité.
« Nous appartenons aux forces de l’ordre et nous voulons te former militairement afin que tu nous aides à démonter des cellules terroristes qui menacent la stabilité du Maroc », a dit un agent à Mehdi. Ce dernier a refusé encore une fois : tout ce qu'il voulait, c’était de rentrer chez lui. Mais il avait compris alors qu'il était retenu dans un centre de détention de triste renommée.
S’en est suivi ce qui restera à jamais gravé dans la mémoire de Mehdi. Au Maroc du 21ème siècle, Mehdi est battu par des fonctionnaires devenus tortionnaires. Dorénavant, il aura les yeux bandés tout le temps de son incarcération. Mais le souvenir le plus traumatisant pour lui reste sans conteste celui-ci : « Des agents ont commencé à tirer avec leurs armes autour de moi », raconte-t-il, dans sa lettre. Il ajoute que ces mêmes agents lui ont indiqué que plusieurs terroristes étaient exécutés « en ce moment même » et que son tour viendrait bientôt.
Pleurant et croyant à sa mort prochaine, Mehdi est ensuite déshabillé et menacé de viol. Peu à peu, il avait réalisé qu'on lui parlait  comme à un accusé. On lui avait demandé de livrer des noms, de dire qu'il appartenait à un groupe terroriste.
Après la torture, les menaces et les injures, les yeux bandés, les tortionnaires ont forcé le jeune de 19 ans à signer un papier. Effondré psychologiquement, celui qui n'était qu'un étudiant sans histoire quelques jours auparavant, avait accepté sans broncher. « C'est pour sortir », lui ont-ils dit. Erreur, il avait signé le procès-verbal, par lequel il reconnaissait appartenir à un réseau terroriste. Mehdi a été alors transféré au commissariat du Maârif à Casablanca pour une période de 10 jours avant d’être déféré devant la justice.

Un jeune comme il y en a tant …

Ses amis, qui ont créé une «Coordination pour la liberté de Mehdi Boukiou » fin janvier 2011, s’interrogent : « Avez-vous jamais vu un terroriste jouer à la Playstation ? Mehdi est un jeune qui aime les derniers «stounes» et qui est sérieux à l'université ».
Eduqué dans un milieu progressiste et moderne, il est comme les jeunes de son âge. Il se préoccupe de ses études, joue aux jeux vidéo et aime les vêtements à la mode.
Quant à ses professeurs et le corps administratif de la Faculté où Mehdi poursuivait ses études, ils ont exprimé leur indignation. Ses six professeurs ont attesté de son sérieux et de sa droiture. Selon eux, il a « donné entière satisfaction à ses professeurs » avant d'ajouter que « ses qualités personnelles et sa motivation lui confèrent la capacité et l'aptitude de poursuivre des études approfondies ». De surcroît, le doyen de la même Faculté, El Houssine Snoussi, a assuré dans une attestation que, «administrativement, cet étudiant n'a jamais eu de problème». Pour son avocat, Khalil El Idrissi, les choses sont beaucoup plus simples et claires : Il s'agit d'un cas de disparition forcée, de tortures physique et morale et d'un jugement injuste qui a transgressé toutes les lois nationales et les conventions internationales signées par le Maroc.
M.S.


Le soutien sans réserve de la Chabiba Ittihadia

Dans la marée des manifestations initiées par le Mouvement des jeunes 20 février, la Chabiba Ittihadia, en collaboration avec la Coordination de solidarité avec le jeune détenu Mehdi Boukiou, ont organisé,  jeudi 10 mars dernier devant le Parlement, un sit-in de solidarité avec ce jeune homme. Ce sit-in a été brutalement dispersé par les forces de l’ordre. Le lendemain du sit-in, vendredi 11 mars, le jeune Boukiou a payé cher l’initiative de la Jeunesse ittihadie. Il a été transféré de la Maison de correction à la prison Zaki de Salé où il aurait été, selon Fatima El Moujahid, sa mère, « torturé jusqu’à l’évanouissement».
«On lui a rasé le crâne, on l’a aspergé d’eau froide avant de le rouer de coups de bâton », ajoute-t-elle en larmes. Quand il est passé devant le juge pour être jugé en cassation, il était dans un état déplorable. Il pleurait comme un fou et demandait à sa mère de l’emmener à la maison. Par ailleurs, sa mère affirme que les responsables de la prison lui ont interdit de prendre ses médicaments.
« Jamais on ne va nous taire devant cette injustice. Notre lutte continue pour la libération du jeune Mehdi Boukiou et la poursuite des responsables de sa torture depuis qu’il était au centre de détention de Témara jusqu’à la prison de Salé », déclare Khaldoun Mesnaoui, membre du Bureau de la Chabiba –section Salé Lamrissa.
M.S.


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