Mariam Zemouri : Dans l’attente du prochain 8 Mars, continuons à faire le procès d’un gouvernement misogyne


Propos recueillis par Mustapha Elouizi
Mardi 8 Mars 2016

Avec l’actuel gouvernement, le mouvement des femmes ne fait que dans le bilan des pertes. Les acquis réalisés depuis la fin du siècle dernier sont en voie de disparition, à cause d’une
politique misogyne et des
attitudes diamétralement
opposées aux droits des femmes. Mariam Zemouri, présidente
de l’Association Tawaza
à Tétouan, est l’une des femmes oeuvrant sans relâche dans la lutte contre la discrimination, mais aussi contre la mainmise politique des islamistes.

Libé : Qu’est-ce qui marque le 8 Mars de cette année ?
Mariam Zemmouri : Malheureusement, le 8 Mars de cette année n’est pas du tout un moment de fête ni de célébration. Rien de nouveau à l’horizon. La Journée des femmes est marquée par une impasse presque totale. La cause en est tout simplement une oreille gouvernementale complètement sourde aux revendications du mouvement des femmes et des droits démocratiques en général. C’est un état des lieux que confirment les données quotidiennes sur l’absence de toute protection des femmes. Les femmes marocaine sont une proie facile à la violence physique et morale. Nous avons peur désormais de transformer cette journée en un moment de lamentation, à cause des pertes que nous accusons au niveau des acquis et des menaces qui pèsent sur ces droits.

Comment le gouvernement s’est-il comporté envers le dossier des droits des femmes ?
Bref et sans détour, je dirai que l’on ne peut vraiment rien attendre du gouvernement actuel, notamment sur ce dossier. C’est un gouvernement conservateur et d’obédience islamiste, dont le but au contraire est de s’opposer catégoriquement aux droits des femmes, sous prétexte de la spécificité féminine. Preuve à l’appui et non des moindres, le lexique utilisé par le chef du gouvernement envers les femmes, ce qui en fait un signal fort de son référentiel hostile au mouvement des femmes. Enfin, l’absence de toute volonté d’intégrer des lois répressives dans le Code pénal et des lois à même de faire cesser la violence contre les femmes est aussi une preuve supplémentaire significative du comportement et de l’attitude de ce gouvernement.

Nous avons par contre une ministre femme, en l’occurrence Bassima Haqqaoui, qui ne cesse de faire montre de sa défense de ce dossier. Qu’en pensez-vous?
Cette dame aurait mieux cherché un autre portefeuille au sein de ce gouvernement, de  manière à éviter un véritable embarras dans lequel elle se trouve actuellement. Les droits  des femmes sont universels et reconnus dans plusieurs textes et conventions prônés à l’échelle internationale. Il est inadmissible dès lors qu’une ministre chargée en partie des affaires des femmes  se positionne dans le camp adverse des droits des femmes ! Son bilan est révélateur d’un fait. Il n’est pas obligatoire d’être femme pour défendre les droits des femmes ! Malheureusement. A-t-elle des plans à même de mettre fin à la violence contre les femmes? A-t-elle pu influencer son collègue de la Justice pour incriminer la violence contre les femmes? A-t-elle pu impliquer son collègue aux Affaires étrangères pour hisser le nombre d’ambassadrices et diplomates femmes? A-t-elle pu influencer le ministre de l’Education nationale pour changer les cursus, pleins de stéréotypes et clichés ainsi que de revoir en hausse le nombre de déléguées femmes et les conditions des enseignantes? Où en est-on aujourd’hui avec le travail des enfants? La ministre que vous évoquez fait manifestement partie du camp opposé aux droits des femmes et son exercice au sein du gouvernement n’est nullement un facteur adjuvant … le modèle qu’elle défend reste lié au mouvement religieux radical aux antipodes du mouvement démocratique et progressiste des femmes et des droits humains en général.

Qu’en est-il aujourd’hui de la thématique du développement au féminin, que vous avez lancée récemment au Nord du pays ?
Lorsque nous avons choisi cette thématique, à savoir le «développement au féminin», nous avions visé la défense de notre droit, sous forme de programme de développement dans lequel les femmes constituent un véritable levier, mais aussi un axe et des bénéficiaires de ce développement. Il est clair qu’aujourd’hui, l’on ne peut parler de développement en présence de facteurs handicapant l’élan des femmes pour un lendemain meilleur, telle l’absence d’égalité et de programmes d’urgence sur le plan local, régional et national pour réduire le large fossé séparant les hommes et les femmes au niveau des richesses et des bienfaits du développement.
Il s’agit d’une situation paradoxale qui consacre davantage la discrimination et l’inégalité, ce qui fait des femmes des laissées-pour-compte en situation d’exclusion et partant de fragilité patente. Les lois relatives aux collectivités territoriales comme les lois électorales ne permettent aucunement aux communes de s’ériger en leviers d’égalité sur le plan local. A quelques mois de la fin du mandat de l’actuel gouvernement, l’ambiguïté continue de régner au niveau des lois électorales afférentes au Parlement, à l’instance de parité et à la condition des femmes, avec en tête les Soulalyates et les « bonnes ». Nous espérons enfin que le 8 Mars 2017 sera un vrai moment d’élan et de célébration. A ce jour, le bilan des pertes avec l’actuel gouvernement n’est pas réjouissant.


Lu 2084 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.










services