Aussi sévère que celle imposée à un meurtrier, la peine reflète, autant que l’ampleur de la martingale montée par lui, la révolte de l’opinion publique face à une arnaque censée symboliser les excès de «Wall Street» et des apprentis sorciers de la finance.
Des excès dont certains reposent, pourtant, sur des formules qui datent des années vingt du siècle dernier. De fait, et de son propre aveu, Madoff se serait contenté de remette au goût du jour la fameuse « chaîne de Ponzi », une pyramide qui avait fait d’une personne anonyme de Boston un millionnaire en six mois. L’arnaque repose sur la croyance que l’on peut réaliser des profits inédits, injustifiables et inexplicables. Attirée par pareilles promesses, la clientèle accourt et les capitaux affluent, permettant de respecter l’engagement initial. Jusqu’à ce que la bulle spéculative explose.
Dans pareilles histoires, il faut donc un escroc et surtout des clients crédules. Et ce n’est généralement pas ce qui manque. Que ce soit dans des pays où le capitalisme financier est peu développé ou au sein des plus grandes banques de la planète. La crise des « subprimes » n’est donc rien d’autre que le résultat d’une escroquerie à laquelle le monde de la finance, dans son ensemble, s’est laissé prendre en croyant qu’il serait possible de construire des produits financiers sans risque à partir des crédits immobiliers de ménages pauvres.
L’histoire sera-t-elle classée ? Nullement. La condamnation, expiatoire, de l’escroc new-yorkais ne devrait pas clore le dossier. Il reste à déterminer comment et pourquoi des dizaines de sociétés financières ont canalisé, durant des années, l’argent confié par des clients crédules vers la spirale infernale imaginée par Madoff. Il reste également à mieux encadrer ces sociétés et à légiférer pour mettre leurs conseils et notation au diapason de ce qu’ils doivent être. A savoir de simples avis qui manquent d’expertise et de pertinence et qui ne se justifient, parfois, que par des faisceaux d’intérêts personnels et par un système complexe de commissions et de techniques financières qui tiennent plus de la fraude que de tout autre chose.
Un fait à relever par ailleurs : en plein scandale Madoff, qui a fait perdre beaucoup d’argent à certains marocains fortunés, Maghreb Titrisation et le CIH, filiale de la CDG, ont réuni à Rabat le gotha de la finance locale et des médias pour un séminaire destiné à faire la promotion de la titrisation. Et ce sans mot dire de cet aigrefin dont la pyramide a fait s’écrouler nombre d’institutions financières internationales, ou des dangers que le système de titrisation adopté par le législateur marocain pourrait présenter pour l’économie nationale. Que doit-on en penser ?