Les abstentionnistes de chez nous se frottent les mains. Ils ne sont pas les seuls à préconiser de substituer la canne à pêche au bulletin de vote. C'est une image forcée car chez nous on vote une journée ouverte, le vendredi, c'est-à-dire une journée de travail alors qu'en Europe, on vote un dimanche; jour où la tentation est effectivement forte, surtout par une belle journée de printemps, à préférer l'école buissonnière à l'école qui abrite les bureaux de vote. Mais avouons que ce n'est pas seulement les caprices du climat qui dictent un comportement civique. Il y a derrière cela tout un faisceau de signes qui convergent ici, divergent là…
Il nous semble dans ce sens que l'un des aspects qui contribuent à rebuter l'intérêt des citoyens pour la chose électorale est son aspect de plus en plus technique. Une sophistication qui finit par rendre le choix basique du citoyen électeur, illisible car inscrit dans des calculs infinis. Le choix de la proportionnelle, du système d'élection à partir de listes tenues d'atteindre un seuil, les listes spécifiques aux femmes…tout cela finit par éloigner l'issue du scrutin de la décision souveraine de l'électeur de base. Une élection est de plus en plus une technique qu'il faut maîtriser. C'est la conséquence de la volonté d'élargir la représentativité et de l'ouvrir à la diversité. Celle-ci était limitée par le scrutin majoritaire. C'est un débat. Dans un souci pédagogique, simple et ouvert nous aurions aimé, et ce n'est pas un secret que nous sommes nombreux au sein de l'USFP à défendre une telle idée, pour notre pays un autre mode de scrutin; le majoritaire à double tour notamment. Mais ce n'est pas le moment de ressortir ce débat. Nous en parlons aujourd'hui pour souligner qu'il ne faut pas transcender cette dimension. A trop vouloir affiner le système, on finit par l'enfermer dans une logique outilliste. Les citoyens ont alors l'impression que le droit de vote est en train d'être confisqué par les technocrates, de la chose publique cette fois. Les risques de désaffection et d'abstention naissent aussi de la nature du mode de scrutin. Une technique n'est jamais neutre. Elle est toujours porteuse d'une éthique.