Le périple de Michel Vieuchange d’El Jadida à Smara


Par Mustapha Jmahri
Vendredi 24 Avril 2020

Le périple de Michel Vieuchange d’El Jadida à Smara
Michel Vieuchange, issu d’une famille de notables, est né à Nevers en 1904. Il décéda à Agadir en 1930. A 18 ans, il part pour faire ses études à Paris où il obtient une licence ès lettres et s’adonne à la poésie et au voyage. C’est dans la capitale française qu’il découvre les écrivains qui allaient l’influencer pendant sa courte vie, tels Antoine de Saint-Exupéry et André Gide.  
Ce jeune français atypique et rêveur va être le premier européen à entrer dans la cité de Smara en 1930. Il connut le Maroc lorsqu’il fit son service militaire à El Jadida-Mazagan en 1926 à la caserne Réquiston (devenue école Charcot). Il était plutôt faible physiquement et ne supportait pas les longues marches qui lui blessaient les pieds.
Son frère cadet Jean Vieuchange, devenu médecin, a vécu également à Mazagan quelque temps. Mais on ne sait pas précisément s’il était aussi en fonction dans la même caserne.
Michel Vieuchange est considéré comme un fou du désert. Et c’est à El Jadida qu’il pense à effectuer un long voyage vers la cité de Smara dans le Sahara marocain. Il parle de son projet à certains de ses amis de la caserne de Mazagan tels Albert Vialis et Raoul Auclair, devenus plus tard journalistes en France, ainsi qu’à Jean Vincent Bréchignac. Pendant un an, il mûrit ce rêve avec l’aide et la complicité de son frère. Une autre source précise qu’il a vu la première fois le désert lors d’une petite période de son service militaire à Oujda en 1926.
Parti d’El Jadida, et en dépit des interdictions militaires, il fit en deux mois et demi un voyage clandestin jusqu’à Smara. Pour les préparatifs, il se rendit avec son frère à Essaouira dans l’été 1930, où il fit la connaissance du caïd Haddou alors en résidence surveillée, car ancien ministre d’Abdelkrim Khattabi. Le caïd mit Michel Vieuchange en relation avec le nommé El Mahboul qui sera son guide. Jean ne sera pas du voyage, mais sera chargé de veiller à la bonne marche de l’entreprise, d’assurer les arrières en cas de capture et d’apporter les secours qui pourraient être nécessaires.
Pour le trajet jusqu’à Smara, et par précaution, Michel mit des habits féminins. Après plusieurs milliers de kilomètres de souffrances à pied et à dos de chameau, Michel et son groupe franchissent l’Anti-Atlas et parviennent jusqu’au douar de Tiglit, au sud de Guelmim. Le trajet a été un véritable calvaire avec des problèmes permanents de nourriture avariée et d’eau impropre à la consommation. A l’approche de Smara, Michel, en raison des tribus hostiles, se dissimula dans un couffin de vannerie destiné au commerce. Après maintes péripéties et de nombreuses souffrances physiques, le groupe arriva enfin à la cité de Smara qu’il trouve partiellement détruite. En effet, la cité avait subi en 1913 une attaque militaire de la part d’une colonne française conduite par le colonel Mouret. En raison des dangers environnants, Michel ne resta que peu de temps à Smara, moins d’une demi-journée.
C’est sur le chemin de retour que son état de santé se dégrade. Son frère Jean, qui était resté à El Jadida pour des raisons d’économie et de sécurité, va en être informé. Il rejoint son frère qui entre-temps a été emmené dans un dispensaire de Tiznit. Il le retrouve agonisant et intervient pour qu’il soit transporté dans un avion de la compagnie générale aéropostale piloté par Alexandre Baile. Michel Vieuchange arrive à l’hôpital militaire d’Agadir dans un état grave d’épuisement et de dysenterie. Jean, son frère, et l’infirmière Gabrielle Lavielle le veillent jusqu’à son décès le 30 novembre 1930. Il sera enterré au cimetière chrétien de la ville.
Dans les jours qui suivent le décès de Michel, Jean, son frère, se rend à Casablanca. Il y contacte le quotidien casablancais La Vigie Marocaine et leur fournit des éléments sur le périple de son aîné. Ainsi, le 21 mars 1931, le journal publia des extraits des carnets de Michel Vieuchange et quelques photographies sous le titre « Voir Smara et mourir ».
Jean se consacrera à faire connaître l’œuvre de son frère en publiant ses carnets et même en orientant sa carrière médicale dans des recherches de virologie. En 1932, il fera éditer chez Plon l’ouvrage « Smara, carnets de route de Michel Vieuchange », où l’explorateur décrit les nuits passées à la belle étoile, les oasis, les rencontres, les campements improvisés, la soif, la peur des pillards et l’épuisement… Un livre culte à lire et à relire.


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