Le PJD aurait-il des sentiments patriotiques ?


Par Abdelkrim Nougaoui *
Samedi 15 Août 2015

Décidément, ni le PJD en tant que parti politique marocain, ni sa branche à la prédication Al Isslah Oua Attaouhid ne portent le Maroc dans leur cœur. Nous n’allons pas tergiverser sur leur programme politique ni sur leur mode de pensée. En profitant de la Sahwa (le réveil) et du Printemps arabe, ils se retrouvent  menés par une onde porteuse qui n’est pas la leur avec pour seul capital l’action caritative accompagnée d’une islamisation de la société. Il ne s’agit pas d’une islamisation que nous avons héritée de nos ancêtres mais d’un endoctrinement idéologique  inspiré par  les Frères musulmans. Le PJD ne se trouve point contraint d’élaborer un programme politique et socioéconomique, mais l’islamisation dictée par l’Organisation mondiale des Frères musulmans lui suffit largement. C’est la raison pour laquelle on constate l’arrogance, le mépris et le dédain affichés au quotidien par ses cadres à l’égard de leurs adversaires politiques. Ni respect, ni reconnaissance comme si la vérité leur appartenait.
  La question qui nous vient toujours à l’esprit est la suivante : les Marocains ont-ils conscience du danger et de la menace que représentent ces deux organisations, l’une politique et l’autre dévouée à la prédication ? La prédication qui consiste à appliquer à la lettre les décisions et résolutions que leur dicte Cheikh Al Karadaoui. Ce Cheikh une fois au Maroc, à l’occasion d’un congrès du PJD, n’a pas hésité à qualifier notre pays de Bilad Al Mahjar, par opposition à Bilad Al Islam, prônant par là que le Maroc est le Bilad d’Al Kofr (pays de mécréance).
Suite à ces déclarations, les institutions des oulémas du Maroc ont violemment réagi, soulevant un tollé général. La Rabitat  des oulémas et  la Rabitat d’Al Mohammadia des oulémas du Maroc, le Conseil supérieur des oulémas, entre autres. Notre ministère des Habous et des Affaires islamiques a rompu le silence pour exprimer son indignation. A notre avis, ce n’est pas Cheikh Al Karadaoui que l’on devait cibler  mais ceux qui l’ont invité et pris en charge, tout en observant un silence inquiétant sur la question. C’est un événement qui a montré tout le décalage qui existe entre le patriotisme et le PJD resté muet alors qu’il est souvent remuant en d’autres circonstances.
L’indignation des Marocains fut unanime, sauf le PJD qui est resté  en marge, car il sait d’avance que son capital à l’investissement dans l’islamisation sociétale est un acquis qui lui épargne la confrontation aussi bien avec l’empire des Frères musulmans qu’avec l’empereur Al Karadaoui. L’histoire du Maghreb avec ce Cheikh ne s’arrête pas là, car tout le monde sait qu’il y a plus d’une décennie, notre cheikh s’est marié avec une jeune de 15 ans d’origine algérienne. C’est dans l’atmosphère de ce nouveau mariage que le cheikh a découvert l’appétit des déviances sexuelles au point de les autoriser. Quelle décadence ! Ceci s’est passé lors  de l’émission animée par la chaîne Al Jazeera intitulée : Achariâa Oua Al Hayat.
Le cas Al Karadaoui ressemble à celui d’Ahmed Mansour, animateur de l’émission Chahidoun Aâla Al Âssr, quand il a reçu le pilote de chasse marocain rescapé du camp de la honte de Tazmamart. Pendant l’une des séances, la vedette d’Al Jazeera a retrouvé le goût des larmes qui ne sont que des larmes de haine qu’il voue pour le Maroc et les Marocains. Pour preuve, c’est que  dernièrement, il a traité le corps médiatique marocain et à travers lui tous les Marocains de toutes les vulgarités et épithètes inimaginables. Ceci est survenu  juste après que la presse marocaine a  divulgué le secret d’un mariage Ourfi (sans contrat de mariage), avec comme témoin le juriste du PJD muté de Tanger à Rabat.
  Après toutes ces atteintes au Maroc et aux Marocains, les réactions ne se sont pas fait attendre, et toute la presse marocaine comme la société civile d’ailleurs, se sont élevées de tels propos indignes et infamants. Y a-t-il eu réaction ou réplique de la part du PJD ? Aucune. C’est la même attitude pour le cas Al Karadaoui qui est revécue ! Quel patriotisme et quelle allégeance au Maroc !
  Nombre de voix ont demandé aux dirigeants du PJD de prendre position, et de faire un choix entre l’appartenance au Maroc ou l’allégeance à l’Organisation des Frères musulmans. Quand on garde le silence, cela signifie qu’on a une préférence pour cette dernière.  
  Encore heureux que la star Mansour ne soit pas l’invité de la douzième rencontre de formation pour la jeunesse du PJD, qui n’est autre que la jeunesse d’Al Isslah Oua Attouhid car le PJD lui donne la couverture politique. Mais  les invités sont tous et sans exception des cadres des Frères musulmans disséminés un peu partout dans le monde, à Doha ou à Istanbul.
  Il s’agit de la journaliste algérienne Khadija Ben Kanna, travaillant à Al Jazeera comme la première présentatrice à porter le voile. On se rappelle bien l’euphorie qu’elle manifestait dans l’action de propagande anti-Maroc,  quand elle était présentatrice de l’information à la télévision nationale algérienne.  Du journaliste égyptien Mahmoud Mourad connu par ses émissions très critiques à l’encontre des dirigeants égyptiens actuels,  au point de soutenir l’intervention de la Turquie ou de l’Iran pour libérer Morsi. C’est dans le même contexte mais en  2012 que Mansour a rencontré la Marocaine Karima Fritess, et qui en principe  devait participer à la session 2015, mais l’annulation a été décidée à la dernière minute. En effet, il y a bien de quoi, il risque d’être privé d’entrée au Maroc, comme il est demandé par la justice égyptienne au même titre qu’Al Karadaoui accusés tous deux de comploter contre leur pays.
  D’autres personnalités étaient présentes, comme le Marocain Ahmed Erraissouni, l’ex-président du mouvement Al Isslah wa Attouhid et actuellement vice-président de l’Union des oulémas musulmans (la branche cultuelle de l’OMFR) qui a quitté le Maroc volontairement. Les Marocains se rappellent bien ses déclarations sur la légitimité du Souverain de donner la fatwa en tant que Commandeur des croyants. Il espérait prendre le leadership du champ religieux en prélude à une prise de pouvoir.
Pour ne citer que les présents, il y a eu  Salim El Oua, l’avocat, le prédicateur des Frères musulmans et surtout leur nouvel idéologue. Il est l’auteur d‘un certain livre traitant du sujet de l’Etat en islam, qui est devenu le livre de chevet de tous les cadres de l’islamisme politique  y compris ceux du PJD. Ce livre a remplacé « Jalons sur la route » (Maâlim Fi Attarik) de Sayed Kotb, dans lequel il évoque la Jahiliya du XXème siècle.  Enfin Hammadi Jbali du mouvement Ennahda tunisien, qui a démissionné de son poste de chef de gouvernement après l’assassinat de deux militants de gauche. Cette démission a eu lieu sous la pression de la  société tunisienne après avoir accusé clairement ledit gouvernement d’avoir commandité les deux assassinats.
  Toutes ces personnes ne portent pas le Maroc dans leur cœur.  Après avoir rappelé les fonctions et les agendas de tous ces invités, on se pose la question suivante : N’y a-t-il pas parmi les Marocains des intellectuels, philosophes, sociologues  etc., pour assurer formation et encadrement mieux que tous ces invités au rabais qui rassassent les discours d’Al Banna et Kotb ? Le Maroc est-il dans le besoin de faire venir des ratés poursuivis par les justices de  leurs pays pour des crimes  politiques ?
  Tous ces jeunes du PJD en formation ne peuvent pas se poser des questions sur la valeur des sommités comme Abed Al Jabri , El Laroui, Messari et d’autres, ou continuent-ils à considérer les intellectuels du Maroc comme ceux d’un pays du Mahjar et donc à éviter ? En agissant ainsi, ces jeunes et leurs responsables se montrent antipatriotiques car si on relit les déclarations de Salim El Oua à l’époque de Morsi, il prétendait  que la Khilafa islamique en Egypte pourra durer  trente ans. Où est la monarchie constitutionnelle dans tout cela ? Parmi tous ces invités, y aurait-il quelqu’un qui croit à la monarchie constitutionnelle? Ou le Maroc est pour eux une vache à traire et une terre de guerre à conquérir afin de mettre sous  tutelle tout le peuple marocain ? Ces jeunes et leurs invités ont profité du confort des trains de l’ONCF en réservant à eux seuls des  compartiments climatisés, laissant les autres voyageurs s’entasser dans d’autres wagons sans climatisation comme du bétail. Quel mépris pour le Maroc et les Marocains!   
Où est la grandeur du Maroc confirmée pendant des siècles, que les Turcs étaient incapables de conquérir ? Et actuellement le PJD, cadres et jeunes compris, sont en train de tout faire pour terrasser ce pays et l’offrir sur un plateau d’argent aux néo-Ottomans de Turquie ? Ils ont fait de la ruée vers la Turquie une monnaie courante : tourisme, enseignement supérieur pour leurs enfants dans une vision futuriste d’une nouvelle colonisation culturelle turque, mise sous tutelle turque des associations et centres qui en dépendent. Le meilleur exemple est le CERSH d’Oujda.
  Les Marocains ont besoin de tout savoir sur cette junte pjdiste, sur ses projets d’allégeance aux Frères musulmans et tout doit être dit  à leur sujet pour qu’ils soient dénoncés devant l’opinion publique. Que veut le PJD sur le long terme quand il invite Salim El Oua qui promet l’instauration de la Khalifa islamique? Toutes ces questions doivent être débattues de façon claire, et les Marocains ont besoin de tout savoir sur ceux qui se sont appropriés l’islam conformément aux slogans lancés par l’instituteur de 20 ans à Ismaïlia en 1928 ! Enfin les Marocains veulent tout savoir sur ceux qui sont au gouvernement actuel !                                                        

  * Enseignant-chercheur
Membre du Bureau administratif de la Fondation Machroue


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