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La loi sur la transhumance et les espaces pastoraux disséquée à Tiznit

L’importance des terres de parcours pour la survie des habitants locaux et du cheptel


Abdallah Halimi
Samedi 29 Décembre 2018

 La ville de Tiznit a abrité récemment un séminaire national sur la mise en œuvre de la loi 113-13, un événement organisé par le ministère de l’Agriculture et le Programme pour le développement des parcours et de la régulation des flux des transhumants. Cette rencontre a rassemblé des représentants des institutions publiques compétentes, de la société civile et des habitants venus de plusieurs provinces de la région Souss-Massa.
L’ensemble des interventions ont mis le point sur l’importance des terres de parcours pour la survie des habitants locaux et du cheptel. En effet, le Maroc compte environ 53 millions d’hectares de terres  de parcours, soit 75% de la superficie totale du Royaume dont 21 millions d’ha aménageables et 9 millions dans le domaine forestier et alfatier. Ces parcours sont situés en grande partie dans les zones arides ou semi-arides. Ils sont considérés comme la principale ressource pastorale des habitants et d’élevage, soit 30 à 70% de ces besoins : environ 3,5 milliards d’unités fourragères.
Or, faute d’une loi qui gère ces pâturages, le phénomène de transhumance des populations et leurs cheptels venus de l’Est et du Sud du Royaume vers le Souss-Massa provoque des conflits avec les populations locales. En 2011, les habitants des zones rurales et montagneuses de la province de Tiznit ont sonné l’alarme contre ce phénomène qui dégrade leurs ressources de vie, en particulier l’arganier. En 2013, lors d’une journée d’étude organisée par le ministère de l’Agriculture, les participants ont recommandé à l’unanimité au gouvernement la mise en place d’une loi régularisant ce phénomène.
En mars 2018, le Conseil de gouvernement a approuvé la loi 113-13 présentée par le ministère de l’Agriculture relative à la transhumance pastorale, à l’aménagement et à la gestion des espaces pastoraux et sylvo-pastoraux promulguée par le Dahir n°1-16-53 du 27 avril 2016, un projet de loi qui a pour objectif «d’apporter des solutions appropriées aux problèmes de transhumance». Une loi approuvée à l’unanimité par les deux Chambres.  Depuis, cette loi fait l’objet de débats et discussions. Certains ont reconnu que la mise en place d’une telle loi a comblé ce vide en matière de transhumance pastorale; tandis que d’autres sont sceptiques face à cette initiative juridique. Ils ont exprimé leur mécontentement par l’organisation d’une marche nationale le 25 novembre dernier à Casablanca lors de laquelle les manifestants ont appelé le gouvernement à revoir certains articles de cette loi, voire l’annuler.
Pour les organisateurs, ce séminaire national constitue une occasion de rencontrer les habitants et les représentants de la société en vue de leur expliquer et vulgariser le contenu de ce texte de loi et son application pour mieux réguler des flux massifs des transhumants. Pour le ministère, cette loi a été élaborée «après une étude approfondie et un diagnostic multidimensionnel relatif aux activités pastorales et de transhumance». Cette loi a pour principe de réguler et résoudre différents conflits à travers plusieurs aspects : définir les règles et les principes de gestion des pâturages; assurer une exploitation rationnelle des ressources et des biens ; définir les pénalités et les sanctions pour limiter ce phénomène.
Or, l’article 12 de cette loi suscite plus de débats. Il stipule que les forêts de l’arganier peuvent, avec l’autorisation de l’administration, être ouvertes au pâturage, pour des troupeaux autres que ceux appartenant aux ayants droit; une autorisation délivrée par la commission régionale (Article 19). Pour certains, cet article ne peut qu’encourager la transhumance, un phénomène qui ne permet pas le développement, l’aménagement, la conservation et la préservation de ces pâturages. D. Saïd, représentant de la société civile, nous a déclaré : «Les habitants font face à des nomades armés qui ne respectent pas les biens des locaux, leurs récoltes, ce ne sont que des bergers  au service d’investisseurs car il est difficile qu’une seule personne puisse s’approprier plus de 100 chameaux, qui se déplacent en toute liberté ». Pour Hadj Ahmed : «La transhumance est une activité très ancienne, très ancrée dans nos habitudes. Autrefois, on accueillait avec grande joie des nomades à qui on désignait les lieux de pâturage. Ces coutumes nous ont permis de faciliter un échange pastoral en respectant les biens des autres». Et d’ajouter : «De nos jours, ces nomades ne respectent plus nos droits et s’installent sur nos terres».
L’une des dispositions de cette loi concerne l’organisation de la mobilité des troupeaux. Cette disposition, définie par les articles de 23 à 31 fixant les périodes d’ouverture et de fermeture des espaces à la transhumance pastorale, nécessite «l’obtention par le propriétaire du troupeau d’une autorisation» et définit le propriétaire, l’effectif et les types d’animaux constituant le troupeau de transhumance, la durée et la période. Il s’avère que cette disposition n’est pas respectée du fait que les propriétaires ne déclinent pas leurs identités et leurs cheptels, car la majorité d’entre eux sont uniquement des investisseurs dans le domaine.
En effet, la dégradation des ressources pastorales et l’accroissement du phénomène de transhumance des populations et leur cheptel continueront d’engendrer de plus en plus de cas de conflits sociaux. C’est pourquoi l’application de la loi est primordiale, c’était d’ailleurs le point fort des recommandations de ce séminaire.


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