La liberté d’expression entre Naji Al-Ali et Charlie


Par le Dr. Hamid Lechhab (Autriche)
Jeudi 15 Janvier 2015

La liberté d’expression entre  Naji Al-Ali et Charlie
Le 22 juillet 1987, le symbole de la caricature arabe a été liquidé à Londres par un tir de bal pas loin du quotidien où il travaillait Al Qabas.
Il combattait sur deux fronts: contre le sionisme, qu’il dénonçait vivement, et contre la corruption de quelques dirigeants palestiniens.
Presque un an après, Ismael Suwan est arrêté par Scotland Yard. Il a été recruté par le Mossad pour liquider le caricaturiste palestinien. Ce meurtre est passé presque inaperçu en Occident. La presse occidentale ne s’est même pas donné la peine de dénoncer cet attentat lâche contre la liberté d’expression, comme elle l’a fait ces derniers jours.
Tout ce qu’on a fait, c’est la soi-disant fermeture de bureau du Mossad à Londres, qui a pourtant poursuivi ses activités sans statut officiel.
Siné, un caricaturiste français, licencié de Charlie Hebdo en juillet 2008, pour des propos qualifiés d’antisémites par l’ex-directeur de cet hebdomadaire, Philippe Val, a confirmé que Naji Al-Ali a été assassiné: «A cause des convictions qu’il exprimait à merveille à travers ses dessins et son petit personnage nommé Handala». Ce rappel nous permet de mettre en question la dimension idéologique de ladite: liberté d’expression, qu’on exploite sauvagement comme «nouvelle religion», consacrée uniquement aux Occidentaux.
Cette nouvelle religion n’a pas le droit de quitter le sol occidental. Si elle se hasarde sur d’autres sols, on ne bouge pas un seul doigt même si elle est bafouée et mise à terre. Cette nouvelle déesse, mythique, a un temple officiel ; elle peut attaquer toutes les divinités qu’elle veut sans être ni jugée, ni condamnée. Elle se permet de ridiculiser les symboles d’autres religions et d’attiser la haine contre elles, car, telle qu’elle est actuellement, elle ne vit que du sang.
Elle est donc la déesse de la guerre, de l’exclusion de l’autre et de son intimidation. La liberté d’expression ainsi pratiquée est à condamner, elle n’a de l’héritage des Lumières que le nom et ne peut pas être universelle, car elle est fondée sur un noyau colonisateur, autoritaire qui a soif de soumettre les autres et les façonner selon la forme qu’elle veut. Elle adore semer la pagaille, monter les uns contre les autres et se réjouit des fortunes qu’elle peut en tirer.
Naji Al-Ali et Charlie ne sont pas morts pour le même droit. La liberté d’expression n’est reconnue que pour une élite d’origine occidentale et pas pour les tiers-mondistes. Pour cette raison, il faut refuser catégoriquement la manière avec laquelle la politique occidentale pratique cette liberté et revenir aux sources des Lumières qui prennent en considération la liberté de l’autre de croire en Dieu/Jehowah/Allah, une vache, un serpent ou toutes autres divinités. Ce qui est sacré pour un groupe, peu importe son nombre, ne doit pas être objet de raillerie au nom de la liberté d’expression, sous aucun prétexte.
Sous la couverture de la liberté d’expression, on se prend le droit de détruire la liberté de l’autre, sauvagement et sans aucun sens d’empathie pour un milliard des musulmans, qui ne sont pas tous des terroristes. La liberté d’expression qu’on défend actuellement, dans sa forme autoritaire et unilatérale, ouvre la voie automatiquement aux extrémistes de tout bord.
Pire encore, quand d’autres médias occidentaux publient, par soi-disant solidarité, les mêmes caricatures, c’est qu’ils participent volontairement, consciemment ou inconsciemment, à jeter de l’huile sur le feu. Je me demande où l’on a mis un autre principe qui devrait régir l’être humain: la Raison. Au lieu de revenir à la Raison et essayer de comprendre comment on peut apprendre à accepter l’autre comme il est, et pas comme on aimerait qu’il soit (une copie de nous-mêmes), on tombe dans l’hystérie de la défense de la tribu et on exprime les sentiments de haine les plus primitifs contre un groupe.
Les soi-disant intellectuels qui dirigent certaines entreprises médiatiques, ont pris congé de leur raison et ne veulent même pas prendre conscience qu’ils sont en train de creuser les fossés pour d’autres victimes.
L’extrémiste dans toutes ses formes (jihadisme, sionisme, racisme, antisémitisme, impérialisme, etc.) est à refuser catégoriquement, car il nuit à la dignité humaine et a cette tendance destructive, pas seulement de l’autre, mais aussi de soi. L’Occident politique a le devoir de se remettre en question, car il est le seul à détenir la clef qui est à même de mettre fin à la misère actuelle de l’humanité. Ce double jeu de la politique occidentale envers les pays musulmans doit prendre fin le plus vite possible: on fait croire aux peuples musulmans qu’on les défend et qu’on leur veut du bien, mais au même temps on soutient toute forme de dictature qui ne nuit pas aux intérêts économiques et géopolitiques de l’Occident.


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