La grande mutation du 7ème art

Samedi 21 Janvier 2012

La grande mutation du 7ème art
On a tiré la sonnette d'alarme à maintes reprises pour attirer l'attention sur les fermetures ininterrompues des salles de cinéma. Mais au lieu que le phénomène s'arrête, il continue à un rythme soutenu  au point qu'on ne compte plus qu'une quarantaine de salles dans tout le Royaume. Les responsables dénoncent le phénomène du piratage, mais pour les analystes, cela n'explique pas tout. Certes le piratage est pour quelque chose, mais il n'est pas le seul en cause. D'autres avancent que les Marocains sont de moins en moins cinéphiles et là encore, il y a problème parce que c'est plutôt le contraire. Certes le comportement du spectateur change, mais c'est dans la logique des choses. Les distributeurs et exploitants de salles de cinéma sont convaincus qu'un film, quelle que soit sa qualité, ne peut percer du fait que dès sa sortie, on le retrouve à Derb Ghallef, ce qui porte préjudice aux salles et à la distribution. _Mais de quels films parle-t-on ? Pourquoi n'a-t-on pas agi de même avec des films comme "Titanic", "Brave heart" ou encore "Alexandre le Grand » ? Il faut reconnaître que l'argent et la technologie sont en train de tuer le cinéma même dans ses fiefs les plus réservés. Le cinéma qui se dessine ne laisse aucune place aux vrais cinéphiles, ceux qui admirent la création et non celle des ordinateurs et des effets spéciaux. On ne comprend pas pourquoi les distributeurs courent après ce genre de films alors qu'il y a mieux que cela pour attirer le public. Le cinéma en 3D est le signe avant-coureur de la fin de la création humaine et du cinéma dans son sens le plus noble. Par ailleurs, on se plaint que le public marocain devienne de plus en plus rare même lorsqu’il s'agit de films marocains. Il  se fait rare d'abord parce que la production a un peu baissé ces derniers temps et, surtout, que les réalisateurs qui ont marqué les années 80 et 90 ont manifesté des signes d'essoufflement indéniables. Le public en a assez des films traitant de l'immigration clandestine, des années de plomb et des films féministes. Avant, c'était nouveau et cela suscitait la curiosité des Marocains mais aujourd'hui, 20 années après, il faudra s'adapter aux nouvelles réalités et chercher d'autres thèmes. Pour preuve, certains films qui se sont distingués sortent complètement de ce cadre comme "Casanégra" de Noureddine Lakhmari et les films de Daoud Oulad Syad qui drainent toujours un public assez important. D'autres films évoluant entre d’anciennes thématiques et de nouveaux sujets ont aussi eu leur lot de succès comme "Janah al Hawa" d’Abdelhai Laraki. Le problème n’est  donc pas au niveau  du public mais celui des scénaristes et réalisateurs, car nous assistons actuellement à une rupture entre les générations. D'autre part, certains expliquent l'absence du public par la nature des thèmes surtout ceux qui traitent de façon superficielle des problèmes sérieux seulement pour présenter des scènes osées mais grauites dans la plupart des cas. On a vu comment le dernier film de Narjiss Najjar  a été accueilli par la critique au Festival du film de Marrakech. Un film vide avec des scènes chaudes ! Quant aux salles, il faut comprendre que le temps des salles de quartier est révolu.
C'était le cas en Europe depuis la fin des années 80. En France, on avait déjà commencé la nouvelle expérience des complexes multisalles et cela a vite donné des résultats parce qu'on avait compris que les choses commençaient à changer, y compris le comportement du public. Au Maroc, personne ne peut nier le succès de Mégarama, ce qui signifie que le rituel  d’aller voir un film a changé. Pour autant il existe toujours sous une forme nouvelle, car pour aller au Mégarama, c'est tout un programme. Toutes proportions gardées, c'est comme avant, sauf que l'accès à ce temple du cinéma n'est pas à la portée de tous. Des problèmes, certes, mais c'est au niveau des mentalités qu'il faut en chercher les causes. Concernant les distributeurs et exploitants de salles, ils se doivent eux aussi, de revoir leur conception des choses, car nous vivons une mutation...tout simplement.

Par Abdessalam Khatib

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