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La drogue ou l'exil, le douloureux choix des toxicomanes afghans


AFP
Samedi 23 Janvier 2010

Lassés de voir les jeunes sombrer dans la drogue, les chefs de tribu de Qarabagh, au sud de Kaboul, ont pris des mesures drastiques: soit les toxicomanes cessent de se droguer soit ils quittent le village.
Dans ce petit bourg de la province de Ghazni, aux portes du sud afghan riche en opium, les chefs ont tout essayé: convaincre, menacer, punir.
Ils ont dû se résoudre à bannir.
"La dépendance à l'héroïne chez nos jeunes nous détruisait", explique Mohammad Razaq, l'un des leaders de tribu. "Cela empirait chaque jour et nous n'avions pas d'autre solution", ajoute-t-il.
Plus de 200 jeunes toxicomanes ont été expulsés de Qarabagh et de villages voisins.
"Et ils ne pourront pas revenir tant qu'ils n'auront pas arrêté de se drogue", souligne Mohammad Razaq.
L'Afghanistan est, de très loin, le plus gros producteur d'opium du monde -- qui sert à la fabrication de l'héroïne -- et la majorité de la production vient des provinces de Kandahar et du Helmand, dans le sud, où elle aide à financer en partie les insurgés talibans.
Les trafiquants de drogue paient notamment les talibans pour sécuriser les routes par lesquelles l'opium et l'héroïne transitent jusqu'au Pakistan et en Iran.
Dans un pays dont la population elle-même n'est qu'une estimation - 24 à 30 millions d'habitants - il est impossible de mesurer l'impact de la toxicomanie.
Le docteur Ismaïl Ibrahimzaï, directeur de l'hôpital principal de Ghazni, estime qu'environ 20.000 toxicomanes vivent dans la province: 80% d'hommes, 13% de femmes et 7% d'enfants.
Et il n'approuve pas la politique des chefs du village visant à les bannir.
"Le ministère de la Santé a mis en place des centres de désintoxication et des groupes de médecins itinérants travaillent dur pour faire baisser le nombre de toxicomanes", dit-il, soulignant que 14% de leur nombre estimé suivent déjà une cure.
"Il n'est pas possible de soigner la toxicomanie par la force. Nous devons les encourager à suivre un traitement quand ils sont prêts", ajoute le médecin.
"S'il n'y a pas de structures pour les accueillir, pas de soins, les forcer à arrêter peut mettre leur vie en danger", souligne le Dr Ibrahimzaï.
Les villageois de Qarabagh ne partagent pas son avis.
"Le nombre de toxicomanes a augmenté ces dernières années et la plupart étaient des personnes revenues de l'étranger, notamment d'Iran", estime un habitant, Mohammad Nabi, en référence aux millions d'Afghans qui ont fui la guerre puis le régime des talibans (1996-2001).
"Le gouvernement n'a rien fait pour empêcher la toxicomanie ou pour se débarrasser des producteurs et des revendeurs. Nous n'avions pas d'autre choix si nous voulions empêcher nos enfants de se détruire", ajoute-t-il.
La première étape de cette campagne anti-drogue a été, selon M. Razaq, d'identifier les producteurs, les trafiquants et les revendeurs pour leur dire: "Si vous n'arrêtez pas, vous devrez payer une amende de 100.000 afghanis", environ 2.000 dollars.
"Et s'ils continuent leur trafic après avoir payé l'amende, leurs maisons sont brûlées par les villageois", assure M. Razaq.
Dans le même temps, les toxicomanes sont sommés de choisir: la drogue ou l'exil.
"Si ce plan était appliqué à travers le pays, le résultat serait sans aucun doute très positif", estime le chef de la police de la province de Ghazni, Khialbaz Sherzaï.
Ghulam Jan a vu son frère, toxicomane, quitter le village. Il est sans nouvelles de lui.
"C'est bien de vouloir régler le problème mais ils devraient tenir compte de la vie des toxicomanes", dit-il.
"Ils ne peuvent pas travailler alors comment font-ils pour vivre? Mon frère est un drogué, mais c'est aussi un membre de ma famille et nous l'aimons".


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