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L’espoir est né de la petite école dans la montagne


Chady Chaabi
Mercredi 9 Octobre 2019

Des fois, il suffit d’un geste pour en inspirer d’autres. Un espoir qui est le moteur de cette nouvelle rubrique. Elle fait la part belle à des hommes et à des femmes ainsi qu’à leur implication et leur dévouement dans l’amélioration du quotidien d’autrui, en espérant, en toute humilité, que leurs actions soient une source d’inspiration. Le premier épisode est consacré à Abderrahim Oukioud et la construction d’une école à Taghzout.

Sur la route du M’goun (4071m), l’un des trois plus hauts sommets du Maroc, il existe un petit village haut perché à flanc de montagne, nommé Taghzout, coincé entre Iglassene et Tarbat’n Tirsal. Difficile d’accès et dépourvu d’eau courante et d’électricité, Taghzout est quasiment coupé du monde. Pis, au 21ème siècle, ses enfants n’ont jamais eu la chance de goûter aux joies de la sonnerie de récréation qui retentit entre deux cours ou encore à l’angoisse qui accompagne les contrôles de fin d’année, sans parler de l’exaltante sensation d’apprendre. Mais ça c’était avant.
Certes, l’eau courante et l’électricité manquent toujours, mais depuis quelques semaines, les enfants de Taghzout jouissent enfin de leur droit fondamental, qui parait dérisoire pour les citadins, à savoir celui d’aller à l’école. Ce rayon de lumière venu éclairer le sombre et amer  quotidien des enfants de Taghzout on le doit à Abderrahim Oukioud. Guide touristique chevronné, sacré troisième meilleur guide au monde par les Wanderlust World Guide Awards en 2018, Abderrahim est de ceux qui n’oublient pas leur passé. « Je me souviens d’un temps où enfant, je parcourais pas moins de six kilomètres en altitude pour atteindre l’école la plus proche», nous a-t-il confié il y a quelques jours.
Hier, au moment où on écrivait ses lignes, il était en route pour le village, chargé de tables et de chaises supplémentaires, ainsi que d’un panneau solaire et quelques sucreries, évidemment. Après plus de trois heures à parcourir une piste rocailleuse dans un pick-up qui prend sur le coup des allures de machine à laver, il a entamé une longue marche à travers des sentiers qui font office de tortueux chemins d’accès. Les tables et autres fournitures ont été chargées à dos de mulets. Profondément altruiste et fuyant autant que possible les projecteurs, Abderrahim Oukioud a longtemps hésité avant de parler de ce projet associatif et de cette école en terre cuite. Mais en réalité, la promesse d’un impact favorable sur autrui a fini par le convaincre. Bon lui en a pris : «Depuis que j’en ai parlé autour de moi, deux amis guides touristiques ont entamé des démarches pour construire des écoles dans d’autres villages», a-t-il souligné.
Quand Oukioud parle de démarches, cela signifie les demandes qu’il a adressées au délégué du ministère de l’Education de la région, pour que, d’une part, l’école soit autorisée et, d’autre part, un enseignant y soit affecté. Les deux demandes ont été approuvées, preuve que l’édifice remplit le cahier des charges obligatoire dans ces cas-là, et en plus, un jeune enseignant de 22 ans y a été préposé. « Je remercie infiniment le délégué du ministère de l’Education qui a soutenu notre projet, en plus d’y affecter un enseignant. Bien que débutant, il fait preuve d’une motivation sans limites», précise Oukioud avant de mettre en avant la parfaite intégration de l’enseignant dans un village dont les habitants sont aux petits soins avec lui. Aux petits soins, Abderrahim l’est aussi, puisque le panneau solaire est pour l’instituteur, qui occupe un petit studio jouxtant l’école.
Les guides touristiques ne roulent pas sur l’or. Et Abderrahim Oukioud n’échappe pas à ce doux euphémisme. Pour financer la construction de l’école, il a utilisé ses économies jusqu’au dernier denier qu’il épargnait mais également la récompense financière reçue lors des Wanderlust World Guide Awards. Bref, nous n’allons pas trop nous épancher sur le volet financier tant la difficulté principale se trouve ailleurs, dans les mentalités des hommes du village de Taghzout. Pour cette population semi-nomade, les enfants doivent aider dans les tâches quotidiennes et notamment l’agriculture et l’élevage du bétail. « Il a fallu parlementer longuement avec les parents pour qu’ils comprennent l’importance de l’éducation scolaire à la fois pour leurs enfants mais également pour eux-mêmes. Puisque grâce à un parcours scolaire, les enfants pourront améliorer leurs conditions et, par ricochet, celles de toute la famille. Changer les mentalités n’a pas été une tâche facile. C’était l’épreuve la plus dure en réalité», a-t-il expliqué. En effet, les difficultés se cachent là où on les attend le moins. Et baisser les bras est un élément de langage qu’Abderrahim a proscris. Pour lui, le statu quo n’est pas une option. « Ce n’est pas parce la voix des enfants de Taghzout  est inaudible qu’il faut les ignorer et faire comme s’ils n’existaient pas», conclut-il. Espérons que ce ne sera qu’un début et que cette action en inspirera d’autres.



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