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L’Emir Abdelkerim, loin du Rif


Par Chakib El Khyari *
Samedi 7 Février 2009

L’Emir Abdelkerim, loin du Rif
En dépit de tout ce qui a été écrit sur la guerre de libération menée par Mohamed Ben Abdelkerim El Khattabi, plusieurs secrets, plutôt mystères restent encore inconnus par la majorité des Marocains. Et surtout la partie concernant la biographie de ce héros de la guerre du Rif. Ceci laisse ainsi la voie libre aux mythes et aux légendes, au détriment des vérités historiques. Cet état de lieu a été aggravé par une certaine omerta observée par l’histoire officielle concernant cette phase de l’histoire. Une des résultantes de ce blocus est le refus d’autoriser la mise en place en 1996 de l’Institution de l’Emir Mohamed Ben Abdelkerim El Khattabi, par son neveu feu Omar El Khattabi.
Le parcours de cet homme est plein de sagesse ayant inspiré les grands héros révolutionnaires du monde, dont Hô Chi Min, Mao Tsé-Toung et Che Guevara qui n’ont cessé de glorifier et l’homme et le stratège. Ses plans tactiques restent des cours magistraux en matière de guerre de Libération. Mais, qui est vraiment Mohamed Benabdelkerim, qu’on surnommera après l’Emir Abdelkerim ?
Natif d’Ajdir en 1882, il a eu un enseignement traditionnel à l’Université Al Karaouiyine de Fès, avant de rejoindre la ville de Mellilia où il a occupé plusieurs postes de responsabilité sous la protection des Espagnols. Il a travaillé en tant que rédacteur/journaliste dans « le Télégramme du Rif », où il publiait quotidiennement un article en arabe sur la Une de ce journal populaire à l’époque. Il a également servi en tant que Cadi « juge » pour les musulmans de la ville. Il ne cachait aucunement son soutien pour l’Espagne, comme le faisait également son père dans sa tribu Aït Waryaghl. Il a dans ce sens adressé clairement ses critiques à tous ceux qui s’y opposaient. Parmi ses premières cibles, fut le résistant Charif Amezian, qui avait donné du fil à retordre à l’armée espagnole, dans des batailles très dures, à cause de leur dilapidation des mines rifaines. Ben Abdelkerim estimait qu’Amezian retardait l’œuvre des Espagnols qui entendaient faire progresser la région sur les plans social et économique. A l’époque, la région gisait sous le joug de la pauvreté, aggravée par la succession des années de sécheresse.
Avec la mort de Charif Amezian et l’extension de l’armée espagnole dans plusieurs zones rifaines dont Kaliâa, la répression espagnole, à l’instigation du Général Sylvestre, se faisait plus matérielle et plus claire aussi. Les souffrances des Rifains n’allaient pas laisser indifférent Mohamed Ben Abdelkerim El Khattabi. Il avait déduit que l’Espagne ne voulait pas développer la région, mais plutôt l’exploiter et tirer profit de son existence sur ce territoire. Il quitta ainsi Mellilia, pour déclarer, avec son père, la résistance contre les Espagnols. Cette réaction a été couronnée par la déclaration de la république du Rif indépendant en 1923 qui a duré pendant cinq ans. Un sens très élevé de l’organisation de la résistance et des affaires sociales, économiques et politiques allait prendre place. Toutes les batailles de cette époque furent gagnées contre une soldatesque armée jusqu’aux dents. Anoual en 1921 fut la plus saillante. Il n’y avait d’autre moyen pour l’occupation que de recourir aux armes chimiques prohibées à l’échelle internationale contre la population désarmée. Mais, face aux souffrances et aux drames qu’ont endurés les populations, les enfants et les civils en général, l’émir Abdelkerim s’est rendu aux Espagnols, surtout après avoir échoué à convaincre la communauté internationale d’exercer sa pression sur l’Espagne à abandonner les armes chimiques. Il fallait éviter un génocide se déroulant sous l’œil complice de tous. Il fut déporté à l’île de La Réunion, avant de s’installer définitivement en Egypte, où il fut enterré au cimetière Achouhadaa (Les martyrs) à Abbassiya. Depuis son décès, les discussions au sujet du transfert de sa dépouille au Rif, geste à portée significative certaine, sont toujours sans suites. Ce qu’il faut dire à ce propos, est que cette question n’a jamais été abordée de manière sérieuse et objective. Elle a toujours figuré de manière formelle et sans consistance. Le « refus makhzénien n’est ainsi qu’un leurre qui continue malheureusement jusqu’à aujourd’hui ». Tout le monde sait, pourtant, que M’hamed El Khattabi, frère de l’Emir, a été inhumé dans son village natal à Ajdir en 1968, en dépit des objections du Makhzen à l’époque.
Bien plus, une délégation officielle, présidée par le général Oufqir, le général Abdelhafi Alaoui et Mahjoubi Aherdane, avait représenté feu Hassan II à l’époque. Pourquoi donc l’Etat ne s’était-il pas opposé à l’inhumation de ce Moujahid dans son village natal ? Et puis, ceux qui répètent toujours l’antienne de transfert de la dépouille doivent d’abord répondre à une question : Qu’avez-vous fait pour la mémoire de M’hamed El Khattabi ? Avez-vous rendu visite à sa tombe lors d’un évènement national ? Et si la question a trait au transfert des dépouilles des symboles de la guerre de résistance, pourquoi n’avaient-ils jamais appelé au transfert de la dépouille de Abdessalem El Khattabi, oncle de l’Emir et ministre des Finances au sein de la république du Rif ? Et enfin, s’il s’agissait d’un hommage rendu au grand héros du Rif, on aurait dû mieux l’honorer en la personne de sa femme qui a vécu pendant quinze ans à Casablanca, avant de s’éteindre…en silence. Elle fut inhumée à Bouskoura dans une indifférence totale. Il faut rappeler, après tout, que feu Mohammed V avait souhaité le retour de Mohamed Ben Abdelkerim El Khattabi, mais ce dernier a toujours rejeté cette idée. Abstraction faite de toutes ces polémiques, l’Emir restera toujours une source d’inspiration pour les enfants de cette région, son unificateur et son symbole de toujours.

* Président de l’Association du Rif des droits de l’Homme


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