Karim Tabbou et Khaled Drareni, deux symboles du combat pour la liberté d’ opinion en Algérie


Libé
Mardi 15 Septembre 2020

Deux figures du mouvement contestataire en Algérie, symboles de la lutte pour la liberté d’opinion, se retrouvent cette semaine devant la justice dans un climat de répression à l’encontre des opposants et des médias indépendants, malgré les appels internationaux réclamant leur relaxe. Le premier, Karim Tabbou, visage très populaire du mouvement (“Hirak”) antisystème, a comparu libre devant le tribunal de Koléa, à l’ouest d’Alger. Son procès devait s’ouvrir le 29 juin mais avait été reporté une première fois en raison de l’épidémie de coronavirus et une nouvelle fois lundi. Le second, le journaliste Khaled Drareni incarcéré depuis le 29 mars, devait savoir mardi s’il reste en prison, quand sera prononcé le verdict de son procès en appel. Né en février 2019 d’un immense ras-le-bol des Algériens, le “Hirak” a secoué le pays jusqu’à sa suspension il y a quelques mois en raison de la crise sanitaire. Très attendus, les deux procès cristallisent les tensions politiques et suscitent l’inquiétude de la société civile et des ONG qui dénoncent le musellement de toute dissidence et une répression plus insidieuse depuis le début de l’épidémie. Il n’est guère de journée sans que des militants de ce soulèvement populaire, des opposants, des journalistes ou des blogueurs ne soient interpellés, poursuivis, condamnés et, parfois, emprisonnés. Selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), 45 personnes sont actuellement derrière les barreaux pour des faits liés au mouvement de protestation. De son côté, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimmer, assure qu’”il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie”. Arrêté le 11 septembre 2019, Karim Tabbou, 47 ans, opposant de longue date, est poursuivi pour “atteinte au moral de l’armée”. Chef d’un petit parti d’opposition non enregistré, son portrait était régulièrement brandi lors des manifestations hebdomadaires en Algérie. Karim Tabbou a déjà été condamné le 24 mars à un an de prison ferme et à une amende de 50.000 dinars (environ 325 euros). Il était notamment accusé d’”atteinte à l’intégrité du territoire national” à la suite d’une vidéo publiée sur la page Facebook de son parti dans laquelle il critiquait le rôle de l’armée dans la politique, selon Amnesty International. Après neuf mois de détention, Karim Tabbou a bénéficié d’une libération conditionnelle le 2 juillet, tout comme trois autres activistes connus du “Hirak”, une mesure considérée comme un geste d’apaisement de la part du pouvoir. Au lendemain de sa sortie de prison, l’opposant avait plaidé en faveur de la libération des détenus du “Hirak” et appelé à un “vrai processus politique”. Le “Hirak” réclame un changement du “système” en place depuis l’indépendance algérienne en 1962 et a chassé du pouvoir en avril 2019 l’exprésident Abdelaziz Bouteflika, à la tête du pays depuis deux décennies. Devenu l’incarnation du combat pour la liberté de la presse en Algérie et soutenu par une forte campagne de solidarité, Khaled Drareni, 40 ans, sera quant à lui fixé sur son sort mardi au moment du verdict de son procès en appel. Le directeur du site d’information en ligne Casbah Tribune, également correspondant en Algérie pour TV5 Monde et pour Reporters sans frontières (RSF), a été condamné le 10 août à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 50.000 dinars pour “incitation à attroupement non armé” et “atteinte à l’unité nationale”. Il avait été arrêté à Alger le 7 mars alors qu’il couvrait une manifestation du “Hirak”. Le journaliste est aussi accusé d’avoir critiqué sur Facebook le système politique. La sentence, d’une sévérité inédite, a surpris et indigné ses confrères. Les comités de soutien au journaliste, en Algérie et à l’étranger —notamment à Paris où plusieurs centaines de sympathisants se sont rassemblés dimanche— ont réclamé sa libération “immédiate et “inconditionnelle” en raison de son état de santé “particulièrement préoccupant”, selon RSF. A son procès en appel à Alger, lors duquel le procureur a requis comme en première instance quatre années de prison ferme et une amende de 50.000 dinars, M. Drareni est apparu “très amaigri, mais aussi très affaibli”, affirme RSF.


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