Jürgen Resch, le croisé anti-diesel qui fait trembler l'Allemagne

"Missionnaire" pour les uns, "casse-pied" pour les autres


Mercredi 28 Février 2018

Avec sa bataille pour bannir le diesel des centres-villes allemands, Jürgen Resch, chef de l'association Deutsche Umwelthilfe, a réussi une prouesse: liguer contre lui les puissants constructeurs automobiles et la quasi-totalité de la classe politique.
"C'est un simple citoyen, sans mandat, mais avec le pouvoir d'acculer les plus grandes entreprises de la République", résumait l'an dernier le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
"Missionnaire" pour les uns, "casse-pied" pour les autres, le militant de 57 ans à l'allure sage - chevelure neige, regard clair, cravate et fines lunettes - est aussi présent dans les médias que dans les prétoires, où il a porté son combat contre la pollution de l'air.
Après plusieurs décisions de première instance contraignant les gouvernements régionaux à envisager l'interdiction des vieux moteurs diesel en centre-ville, la Cour administrative fédérale devait trancher mardi cette question majeure.
"C'est l'affaire qui pourrait changer le pays, sa mobilité et son industrie", estime le Süddeutsche Zeitung, tant les autorités nationales et locales s'échinent depuis des mois à éviter ces mesures politiquement explosives.
Jürgen Resch assure de son côté ne pas être "un ennemi du diesel, mais un ami de l'air pur", tout en fustigeant à mots durs "l'énergie criminelle" des fleurons de l'automobile et la complaisance de politiques "téléguidés".
Car le responsable associatif oscille entre deux registres, observe la FAZ: "Mi-père de famille", avec des données précises sur l'impact de la pollution, "mi-Stammtisch", du nom de la table réservée aux habitués des bistrots allemands, avec une ribambelle de formules choc.
Jürgen Resch est un activiste-né, happé par le militantisme écologique dès l'adolescence, au point de n'avoir jamais fini ses études d'administration. Il est à la tête de la Deutsche Umwelthilfe (DUH) depuis trente ans.
Ce méridional établi sur la rive nord du lac de Constance, à la croisée de l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse, se raconte volontiers en amoureux de la faune, qui s'était "fait pousser l'ongle du pouce" pour ouvrir le bec des oisillons dénutris quand il était écolier.
Son premier combat, au début des années 1980, a d'ailleurs consisté à faire interdire l'Endrin, un puissant insecticide employé contre les campagnols et qui tuait au passage de nombreux oiseaux.
Pour appuyer sa demande, il avait embarqué dans un sac douze volatiles morts avant d'en déposer un devant chaque expert de l'Institut fédéral biologique de Brunswick, rappelle le Süddeutsche Zeitung.
A son tableau de chasse figurent aussi, au milieu des années 2000, l'imposition du filtre à particules et celle de la consigne obligatoire des emballages de boissons, devenue emblématique de l'Allemagne.
Mais c'est l'explosion du scandale des moteurs diesel truqués à l'automne 2015, quelques jours après une campagne anti-diesel de la DUH, qui a fait décoller sa notoriété.
"Vous nous avez gonflés avec ça pendant des années et maintenant tout s'avère vrai", lui avait dit la Verte Bärbel Höhn, résumant le mélange de respect et d'agacement qu'il suscite jusque chez les écologistes.
Ses détracteurs critiquent de leur côté son indifférence aux conséquences d'une mise au ban du diesel, pour les automobilistes comme pour les 800.000 emplois de l'industrie automobile allemande.
Les constructeurs font par ailleurs valoir que seul le diesel permet d'atteindre les objectifs climatiques de Berlin, puisqu'il rejette moins de gaz à effet de serre que les moteurs à essence, même s'il émet plus d'oxydes d'azote nocifs pour la santé.
Jürgen Resch, dépeint en "faux Robin des bois", "sans scrupules et machiavélique" par des sources industrielles anonymes, est aussi attaqué sur un autre front: le financement singulier de son association.
Avec ses 80 permanents et ses 8 millions d'euros annuels de budget, la DUH tire un tiers de ses revenus d'une multitude de procédures liées à la "protection du consommateur", faisant de son activisme judiciaire un modèle économique.
L'association bénéficie de surcroît de dons d'entreprises, qui nourrissent les soupçons de combat téléguidé par des intérêts privés: le Japonais Toyota, grand rival de Volkswagen, lui verse ainsi des dizaines de milliers d'euros annuels depuis 20 ans.


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