James Comey, le flic arbitre de la politique américaine


Mercredi 22 Mars 2017

Qui peut aujourd'hui aux Etats-Unis se permettre de distribuer des cartons jaunes à Donald Trump, après s'être vu reprocher d'avoir fait trébucher Hillary Clinton, et conserver son poste ? Réponse: James Comey, le puissant patron du FBI.
Ce grand flic - 2 mètres sous la toise - n'en est pas à son premier pavé dans la mare, mais celui de lundi est particulièrement fracassant: M. Comey a tout simplement contredit catégoriquement le président, qui accuse Barack Obama de l'avoir placé sur écoute.
Il l'a fait sans se départir de son flegme permanent, en homme rompu aux auditions sur la colline du Capitole.
Concentré, les sourcils froncés, le chef de la police fédérale excelle dans cet exercice, où il parvient à projeter une image de fidèle serviteur du droit, lui qui est pourtant un renard de la politique.
Donald Trump est averti: les mots du chef du FBI, renforcés par la teneur officielle des enquêtes qu'il supervise, ne s'effacent pas facilement.
Hillary Clinton l'a appris à ses dépens quand, dans une conférence de presse surprise en juillet 2016, M. Comey avait recommandé de ne pas poursuivre l'ex-secrétaire d'Etat sur ses emails, tout en notant qu'elle avait fait preuve d'une "extrême négligence".
James Comey a ce jour-là crevé l'écran et semé des cailloux bien pointus dans les chaussures de l'ex-Première dame en campagne. Cette décision avait pourtant ulcéré les républicains qui rêvaient de l'inculpation de la candidate démocrate.
Quand, fin octobre, à dix jours du scrutin présidentiel, le patron du FBI avait relancé de façon retentissante l'affaire des emails, cette fois les républicains l'avaient applaudi, saluant à l'automne une intégrité dont ils doutaient à l'été.
C'est dire si James Comey, 56 ans, est habitué à tenir la barre du navire FBI dans les tempêtes.
Cet ex-procureur fédéral et ancien vice-ministre de la Justice a longtemps été encarté chez les républicains, mais a été nommé par M. Obama à son poste actuel. C'est au contraire Donald Trump qui lui a demandé de rester en fonction.
Un trait de caractère lui colle à la peau: la ténacité. Mêlant fermeté et pédagogie, il a inlassablement croisé le fer avec la Silicon Valley, tentant de convaincre Apple de débloquer un smartphone utilisé par l'auteur d'un attentat en Californie. C'est finalement les experts du FBI qui ont trouvé la parade.
Sous Obama, James Comey a souvent éclipsé sa responsable hiérarchique, la ministre de la Justice Loretta Lynch. Celle-ci n'avait ainsi fait qu'entériner les recommandations policières de ne pas inculper Mme Clinton.
Avec cette enquête brûlante, M. Comey avait renforcé sa stature de franc-tireur, encaissant les attaques de tous bords pour émerger du guêpier.
Il faut dire que ce père de cinq enfants, au look toujours impeccable, a de la bouteille.
Depuis trois décennies James Comey navigue dans les hauts cercles politico-judiciaires, endurcissant une cuirasse grâce à laquelle il se permet parfois de fâcher les autorités judiciaires, voire la Maison Blanche.
Il l'a fait par exemple en soutenant que les policiers étaient devenus réticents à s'impliquer dans leur tâche après l'avalanche de critiques qu'ils ont subies depuis la mort de Michael Brown, un Noir de 18 ans abattu en 2014 à Ferguson (Missouri).
Toute carrière de haut vol aux Etats-Unis suppose de solides relais à New York - cf Hillary Clinton et Donald Trump - et M. Comey, natif de la ville, a eu le temps de s'en bâtir comme procureur fédéral de Manhattan.
En 2004, devenu Attorney general par intérim, M. Comey avait vu débarquer un conseiller du président George W. Bush dans l'hôpital où était soigné le ministre de la Justice de l'époque, John Ashcroft.
Le conseiller présidentiel, Alberto Gonzales, avait tenté de profiter de la faiblesse de M. Ashcroft pour lui faire parapher une mesure controversée autorisant des écoutes téléphoniques sans mandat judiciaire.
James Comey avait ensuite relaté cet incident à des sénateurs sidérés, déclenchant une tourmente.


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