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Intoxications alimentaires : Les mycotoxines menacent nos assiettes


Hassan Bentaleb
Mercredi 12 Janvier 2011

Connaissez-vous les mycotoxines ? Sinon, sachez que vous n’étiez pas le seul. En effet, le terme « mycotoxine » vient du grec «mycos» qui signifie champignon et du latin «toxicum» qui signifie poison. Il désigne des toxines de faible poids moléculaire, qui se développent sur différents types d’aliments bruts (céréales, fruits, arachides, graines de coton, noix, pistaches, épices, soja, riz, amandes, fruits secs, lait et ses dérivés, etc.) ou transformés. Elles affectent aussi les animaux d’élevage consommant les aliments bruts contaminés. Des études épidémiologiques ont révélé leur dangerosité sur la santé de l’Homme, notamment pour certaines populations particulièrement exposées.
Les effets des mycotoxines sont très variables : elles peuvent être toxiques pour une espèce et peu dangereuse ou sans aucun effet pour une autre. Le risque est donc très différent d'une espèce à une autre. Mais, il reste que tous les risques possibles ne sont pas encore connus.
Au Maroc, les premières recherches scientifiques faisant mention de la contamination des denrées alimentaires par des champignons toxinogènes n'ont vu le jour qu'au milieu des années 70 où un nombre de produits incluant des céréales, des légumineuses et des épices se sont révélés susceptibles d’héberger des spores d’Aspergillus toxinogènes.  
D'autres travaux vont succéder et révéler la contamination des aliments bruts (olives, fruits, alimentation destinée à la volaille, épices) par une multitude d’espèces de mycotoxines (Aspergillus flavus, A. ochraceus,  aflatoxines, ochratoxines).
Selon une dernière étude, effectuée par Abdellah Zinedine, chercheur au Laboratoire de toxicologie de l’Institut national d’hygiène de Rabat, sur les mycotoxines dans les denrées alimentaires marocaines, l’incidence des aflatoxines dans les échantillons d’épices commercialisées au Maroc, ont montré que le piment et le gingembre étaient plus contaminés en comparaison avec le poivre et le cumin. Cependant le taux de contamination était faible et en dessous des normes internationales.
M. Zinedine pense que ces résultats concordent avec ceux rapportés par d’autres chercheurs qui ont trouvé que la croissance des souches de moisissures toxinogènes d’A. flavus était très faible sur le curcumin, le poivre blanc et le poivre noir.
Concernant le lait pasteurisé, l’étude effectuée sur 54 échantillons de lait émanant de cinq sociétés produisant le lait pasteurisé à l’échelle nationale, a montré un fort pourcentage de contamination de l’ordre de 88,8%.
Les résultats ont montré également que 7,4% des échantillons ont dépassé la limite maximale de résidus d’AFM1 (0,05 μg/l) fixée dans le lait liquide par la législation européenne en vigueur. Ces résultats indiquent indirectement que l’alimentation destinée aux vaches laitières est contaminée par l’AFB1.
Concernant les céréales, l’étude de 60 échantillons de céréales commercialisés au Maroc ont montré que 40,4% et 55% des échantillons analysés de maïs, de blé et d’orge sont respectivement contaminés par l’OTA.
Dans les échantillons d’orge, les niveaux de l’OTA varient entre 0,04 et 0,8 μg/kg, avec une concentration moyenne de l’ordre de 0,17 μg/kg. Dans les échantillons de blé, la concentration de l’OTA varie entre 0,04 et 1,73 μg/kg avec une concentration moyenne de l’ordre de 0,09 μg/kg. Dans les échantillons de blé et d’orge, la ZEA et la FB1 étaient au dessous de la limite de détection de ces toxines.
Les résultats sont donc concluants : nos assiettes ne sont pas à l’abri du danger causé par ces micro-organismes pathogènes. Pire, les unités industrielles marocaines et les unités d’importation œuvrent  en l’absence de contrôles de routine par les autorités compétentes et de l’absence de standards de qualité et de sécurité sanitaire des aliments.
Mais est-ce possible ?  On peut réponde par l’affirmative,  puisqu’aucune réglementation marocaine sur les mycotoxines  n’existe et que le projet de normalisation de ces toxines préparé vers la fin des années 90 par le comité interministériel pour le contrôle alimentaire et la répression des fraudes (CIPCARF) n’a jamais vu le jour.  Ce projet a prévu la normalisation des contaminants minéraux et organiques dans les aliments et fixe les concentrations maximales admissibles des mycotoxines dans certaines denrées destinées à l’alimentation humaine et animale.
D’après certains documents de la FAO, qui datent de cette époque, ce projet a été jugé complet, mais certaines limites proposées sont considérées comme élevées et d’autres absentes.
Pourtant, les spécialistes sont unanimes : la réglementation en matière de mycotoxines est complexe, car elle reflète cette variabilité en fonction des espèces (animale ou humaine). De plus, elle est spécifique à chaque étape de la chaîne alimentaire. Dans les pays européens, l'environnement réglementaire tend à se renforcer pour garantir plus de sécurité alimentaire aux consommateurs. L'Union européenne a fixé, par réglementation, des limites maximales à ne pas dépasser sur les céréales récoltées à destination de l'alimentation humaine ainsi que sur les produits de transformation. Elle a même édité un règlement CE 98 pour limiter la présence des mycotoxines dans l’alimentation humaine. Ce règlement a été révisé plusieurs fois et chaque année la Commission européenne publie ces réglementations d’une manière régulière.
Actuellement au Maroc, il n’y a pas de normes locales astreignantes ni de limites réglementaires fixant les teneurs maximales des mycotoxines dans l’alimentation humaine et animale. La sécurité des consommateurs marocains dépend en grande partie de la chaîne d'approvisionnement alimentaire et il est temps d’exiger des normes internationales de sécurité sanitaire des aliments. 


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