France 2025 : Quand l’instabilité intérieure redéfinit les priorités stratégiques


Youssef Lahlali
Vendredi 26 Décembre 2025

Le soutien explicite de Paris, en 2024, à l’initiative marocaine d’autonomie pour le Sahara sous souveraineté marocaine a permis de refermer une parenthèse de tensions diplomatiques et de relancer une coopération stratégique essentielle
 
La France traverse en 2025 l’une des périodes les plus troublées de son histoire politique récente. La succession de quatre gouvernements en moins d’un an n’est pas un simple accident de parcours, mais le symptôme d’une crise plus profonde du système institutionnel de la Ve République, désormais incapable de produire de la stabilité dans un paysage politique fragmenté et polarisé.

L’incapacité à faire adopter une loi de Finances dans des délais normaux, le recours à une loi spéciale pour assurer la continuité de l’Etat et la chute successive de gouvernements sous l’effet de motions de censure traduisent un blocage structurel. Aucun camp ne dispose aujourd’hui des moyens politiques suffisants pour gouverner durablement, pas même celui du président de la République. Cette paralysie institutionnelle pèse lourdement sur la crédibilité de la France, tant à l’intérieur qu’auprès de ses partenaires européens.

Les conséquences économiques de cette instabilité sont déjà visibles. Avec une dette publique dépassant les trois mille milliards d’euros, la France suscite de plus en plus d’inquiétudes quant à sa capacité à tenir ses engagements financiers. L’absence de cap gouvernemental clair fragilise la confiance des acteurs économiques, retarde les réformes budgétaires et sociales, et affaiblit la position française dans les négociations européennes.

C’est dans ce contexte de fragilité interne que le discours sécuritaire et militaire a pris une place centrale dans le débat public. Les déclarations du chef d’état-major des armées, évoquant explicitement la perspective d’une guerre de haute intensité en Europe, ont marqué une rupture. Appeler la société française à se préparer aux sacrifices humains et économiques d’un conflit armé constitue un tournant majeur dans la communication stratégique de l’Etat.

Si la nécessité d’anticiper les menaces ne saurait être contestée, la politisation de ce discours interroge. De nombreux responsables politiques, de tous bords, y voient moins une analyse militaire froide qu’un prolongement du récit politique porté par l’exécutif. Le risque est réel : à force d’agiter la menace extérieure, le pouvoir peut être tenté de masquer les failles intérieures — sociales, économiques et institutionnelles — qui minent le pays.

Cette inquiétude est d’autant plus fondée que la France évolue dans un environnement international en pleine recomposition. Le désengagement progressif des Etats-Unis de la sécurité européenne, assumé sans ambiguïté par le président Donald Trump, oblige les Européens à regarder en face leurs propres vulnérabilités. L’Union européenne demeure profondément divisée sur la relation à la Russie et peine toujours à bâtir une véritable défense commune crédible.

Dans ce paysage stratégique incertain, la Méditerranée et l’Afrique redeviennent des espaces centraux de projection et d’influence. A cet égard, le réchauffement des relations entre la France et le Maroc apparaît comme l’un des rares points de stabilité. Le soutien explicite de Paris, en 2024, à l’initiative marocaine d’autonomie pour le Sahara sous souveraineté marocaine a permis de refermer une parenthèse de tensions diplomatiques et de relancer une coopération stratégique essentielle.

Au-delà des considérations politiques, le Maroc s’impose comme un partenaire économique et sécuritaire de premier plan. La présence massive des entreprises françaises, les investissements structurants dans les provinces du Sud et le rôle croissant du Royaume comme hub vers l’Afrique subsaharienne confèrent à cette relation une dimension géopolitique assumée, notamment dans un Sahel fragilisé par l’insécurité et le retrait progressif des acteurs occidentaux traditionnels.

La France, affaiblie par ses divisions internes, ne peut plus prétendre agir seule ni imposer ses priorités. Elle a besoin d’alliés stables, crédibles et ancrés régionalement. Dans l’espace méditerranéen et africain, le Maroc répond à ces critères mieux que tout autre partenaire.

En définitive, la crise française de 2025 ne se limite pas à une instabilité gouvernementale passagère. Elle pose une question fondamentale : comment un Etat fragilisé de l’intérieur peut-il continuer à projeter puissance, influence et crédibilité à l’extérieur ? La réponse passe sans doute par une refondation de la gouvernance interne, mais aussi par des partenariats stratégiques solides, fondés sur la confiance et la convergence des intérêts. A ce titre, l’axe maroco-français apparaît moins comme une option que comme une nécessité.

Paris. Youssef Lahlali


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