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Emmanuel Dupuy est président de l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe).
Spécialiste des questions de sécurité européenne et de relations internationales,
il a notamment été conseiller politique auprès des forces françaises en Afghanistan.
Libération a interrogé Emmanuel Dupuy suite à la polémique que connaît la France
après avoir décidé de rapatrier progressivement les enfants des Français ayant rejoint
Daech en Syrie. Les questions sont nombreuses sur la prise en charge de ces mineurs
ayant grandi dans un contexte de guerre.
Libération : La France envisage de rapatrier de Syrie des enfants mineurs mais sans leurs mères, djihadistes présumées ou compagnes de djihadistes, pour la plupart entre les mains des Kurdes syriens. Que pensez-vous de cette démarche et quels en sont les enjeux ?
Emmanuel Dupuy : Cela concerne très peu d’enfants. : 150 enfants mineurs recensés ayant entre 3 et 6 ans. Ils sont actuellement entre les mains de Kurdes qui disent détenir 900 combattants islamiques, issus de 44 pays. Cela va se traiter au cas par cas. Cela ne peut se faire qu’avec le consentement des mères détenues par les autorités kurdes syriennes. S’ajoute à cela une difficulté supplémentaire, puisque le Kurdistan n’est pas un Etat reconnu internationalement et que la France n’entretient plus de relations diplomatiques avec la Syrie. Seulement trois familles de djihadistes français ont été recensées parmi la trentaine ou quarantaine de combattants francophones détenus par les Kurdes syriens.
Cela s’inscrit ensuite dans une logique envisagée par le gouvernement français. Le 23 février dernier, Edouard Philippe avait signé une circulaire précisant les modalités du retour de ces mineurs mettant en avant tout d’abord le fait que cela s’inscrivait dans le cadre de la protection consulaire de ces mineurs. Ensuite cette question doit être traitée à la fois sur le plan sanitaire et judiciaire. Elle concerne exclusivement les familles dont l’Etat français accueille les enfants et non les familles rentrées clandestinement en France. Pour ces dernières, c’est une autre procédure avec un traitement judiciaire dans ses volets pénal et civil. Il s’agit de les prendre en charge sur un plan sanitaire avec des soins qui sont prodigués à l’hôpital et sur un plan éducatif. Il faut rappeler ici que l’éducation est un droit en France. Les enfants de djihadistes doivent avoir accès à ce droit. Il faudra aussi un suivi sur le long terme d’un point de vue sanitaire et psychologique en plus d’un suivi judiciaire.
Depuis la défaite de Daech, beaucoup de problèmes restent à gérer. Les djihadistes et leurs femmes, le transfert de cette organisation terroriste vers l’Afrique…Ne pensez-vous pas que le danger que représente cette organisation persiste encore malgré sa défaite militaire ?
Il persiste d’autant plus qu’il reste encore sur le territoire syrien des djihadistes appartenant à l’Etat islamique. Sur les 680 combattants français partis sur les théâtres irakien et syrien, on estime que 300 sont décédés et qu’il reste encore une centaine de combattants actifs en Syrie. Il y a effectivement un danger d’un retour des combattants étrangers dans leurs pays respectifs. D’ailleurs, le président de la Commission de l’Union africaine, Mohamad Faki, avait évoqué ce danger lors d’un sommet en juillet dernier. Il parlait d’un chiffre peut-être un peu exagéré de 6000 combattants qui pouvaient revenir dans leurs pays d’origine ; les pays d’Afrique du Nord étaient plus impactés que les autres. Le continent africain est concerné, mais aussi d’autres parties du monde.
D’autres pays peuvent être concernés par le retour des combattants étrangers ayant combattu en Irak et en Syrie. On observe un mouvement en direction de l’Asie centrale où un autre front est en train de s’ouvrir, évidemment en Afghanistan et potentiellement en s’élargissant sur les pays voisins.
Le Maroc que vous connaissez bien est concerné aussi par cette situation, soit par le démantèlement de cette organisation, soit par le retour des familles de djihadistes. Ne croyez-vous pas qu’une coopération internationale s’impose pour régler ce problème qui impacte plusieurs pays dans le monde comme vous l’avez dit?
Cette coopération s’impose mais elle est déjà en cours. C’est ce qu’on appelle le G4, c’est un groupement des services policiers et des acteurs de la sécurité dans les quatre pays, en l’occurence le Maroc, la France, l’Espagne et le Portugal. Cette coopération existe donc déjà.
Mais il faut aussi renforcer la coopération entre ces pays au niveau judiciaire.
Le Maroc a créé en 2015 le BCIJ (Bureau central d’investigation judiciaire). Ce service efficace a déjoué pas moins de 400 attentats depuis sa création.
Cette coopération doit se faire sur le long terme. La France et le Maroc sont engagés dans une coopération sur le plan judiciaire contre les organisations terroristes. Mais il faut également coopérer davantage en matière d’émigration et lutter contre le trafic d’êtres humains. C’est un autre facteur de coopération bilatérale entre les deux pays, coopération interrégionale et euro-africaine.
Spécialiste des questions de sécurité européenne et de relations internationales,
il a notamment été conseiller politique auprès des forces françaises en Afghanistan.
Libération a interrogé Emmanuel Dupuy suite à la polémique que connaît la France
après avoir décidé de rapatrier progressivement les enfants des Français ayant rejoint
Daech en Syrie. Les questions sont nombreuses sur la prise en charge de ces mineurs
ayant grandi dans un contexte de guerre.
Libération : La France envisage de rapatrier de Syrie des enfants mineurs mais sans leurs mères, djihadistes présumées ou compagnes de djihadistes, pour la plupart entre les mains des Kurdes syriens. Que pensez-vous de cette démarche et quels en sont les enjeux ?
Emmanuel Dupuy : Cela concerne très peu d’enfants. : 150 enfants mineurs recensés ayant entre 3 et 6 ans. Ils sont actuellement entre les mains de Kurdes qui disent détenir 900 combattants islamiques, issus de 44 pays. Cela va se traiter au cas par cas. Cela ne peut se faire qu’avec le consentement des mères détenues par les autorités kurdes syriennes. S’ajoute à cela une difficulté supplémentaire, puisque le Kurdistan n’est pas un Etat reconnu internationalement et que la France n’entretient plus de relations diplomatiques avec la Syrie. Seulement trois familles de djihadistes français ont été recensées parmi la trentaine ou quarantaine de combattants francophones détenus par les Kurdes syriens.
Cela s’inscrit ensuite dans une logique envisagée par le gouvernement français. Le 23 février dernier, Edouard Philippe avait signé une circulaire précisant les modalités du retour de ces mineurs mettant en avant tout d’abord le fait que cela s’inscrivait dans le cadre de la protection consulaire de ces mineurs. Ensuite cette question doit être traitée à la fois sur le plan sanitaire et judiciaire. Elle concerne exclusivement les familles dont l’Etat français accueille les enfants et non les familles rentrées clandestinement en France. Pour ces dernières, c’est une autre procédure avec un traitement judiciaire dans ses volets pénal et civil. Il s’agit de les prendre en charge sur un plan sanitaire avec des soins qui sont prodigués à l’hôpital et sur un plan éducatif. Il faut rappeler ici que l’éducation est un droit en France. Les enfants de djihadistes doivent avoir accès à ce droit. Il faudra aussi un suivi sur le long terme d’un point de vue sanitaire et psychologique en plus d’un suivi judiciaire.
Depuis la défaite de Daech, beaucoup de problèmes restent à gérer. Les djihadistes et leurs femmes, le transfert de cette organisation terroriste vers l’Afrique…Ne pensez-vous pas que le danger que représente cette organisation persiste encore malgré sa défaite militaire ?
Il persiste d’autant plus qu’il reste encore sur le territoire syrien des djihadistes appartenant à l’Etat islamique. Sur les 680 combattants français partis sur les théâtres irakien et syrien, on estime que 300 sont décédés et qu’il reste encore une centaine de combattants actifs en Syrie. Il y a effectivement un danger d’un retour des combattants étrangers dans leurs pays respectifs. D’ailleurs, le président de la Commission de l’Union africaine, Mohamad Faki, avait évoqué ce danger lors d’un sommet en juillet dernier. Il parlait d’un chiffre peut-être un peu exagéré de 6000 combattants qui pouvaient revenir dans leurs pays d’origine ; les pays d’Afrique du Nord étaient plus impactés que les autres. Le continent africain est concerné, mais aussi d’autres parties du monde.
D’autres pays peuvent être concernés par le retour des combattants étrangers ayant combattu en Irak et en Syrie. On observe un mouvement en direction de l’Asie centrale où un autre front est en train de s’ouvrir, évidemment en Afghanistan et potentiellement en s’élargissant sur les pays voisins.
Le Maroc que vous connaissez bien est concerné aussi par cette situation, soit par le démantèlement de cette organisation, soit par le retour des familles de djihadistes. Ne croyez-vous pas qu’une coopération internationale s’impose pour régler ce problème qui impacte plusieurs pays dans le monde comme vous l’avez dit?
Cette coopération s’impose mais elle est déjà en cours. C’est ce qu’on appelle le G4, c’est un groupement des services policiers et des acteurs de la sécurité dans les quatre pays, en l’occurence le Maroc, la France, l’Espagne et le Portugal. Cette coopération existe donc déjà.
Mais il faut aussi renforcer la coopération entre ces pays au niveau judiciaire.
Le Maroc a créé en 2015 le BCIJ (Bureau central d’investigation judiciaire). Ce service efficace a déjoué pas moins de 400 attentats depuis sa création.
Cette coopération doit se faire sur le long terme. La France et le Maroc sont engagés dans une coopération sur le plan judiciaire contre les organisations terroristes. Mais il faut également coopérer davantage en matière d’émigration et lutter contre le trafic d’êtres humains. C’est un autre facteur de coopération bilatérale entre les deux pays, coopération interrégionale et euro-africaine.