« Monsieur, j'ai aussi besoin de votre aide pour venir à bout des pratiques indignes de certains agents de sécurité. Depuis mon arrivée à la tête de cet établissement, j'en ai mis douze à la porte, beaucoup d'entre eux sont impolis, mais surtout corrompus ! Je ne sais plus ce que je dois faire pour gérer la médiocrité des ressources humaines engagées par la société privée qui gère le service de sécurité de notre établissement. Hier même, j'ai dû me déplacer au service le jour de congé, pour résoudre le problème d'un citoyen qui se plaignait d'un comportement indigne d'un agent de sécurité ; on s'attendait à ce que la délégation du service de sécurité nous apporte un plus, mais cela n'a fait qu'aggraver le lot de nos problèmes quotidiens. Pourtant, l'explication est très simple : qu'attendons-nous d'un agent rémunéré à 650 dirhams par mois ? Qu'attendons-nous d'un prestataire qui vous fait une offre tellement insignifiante et qu'on accepte sous prétexte de défendre les intérêts de l'Etat ?! Voilà le résultat : un service médiocre et des problèmes de compétences et de discipline » . Choqué par les complaintes du directeur, et scandalisé par les causes de ce regrettable constat, le citoyen retire sa plainte sans rétorquer le moindre mot !
Acte 2 : Nous sommes dans un autre établissement public. Il est 10h du matin. Une femme portant une tenue bleue, s'efforce de nettoyer les escaliers du premier étage. Un balai, un seau et un chiffon, voilà le matériel dont dispose cette femme de ménage pour rendre clean les couloirs de l'établissement qui a délégué le service de nettoyage à une société privée. Mais, comment parler de nettoyage? Est-ce avec un chiffon imbibé d'eau, rien que de l'eau, que ces pauvres femmes mal payées et mal équipées peuvent redonner de l'éclat à ce bâtiment qui accueille des centaines de citoyens par jour ? « Nous sommes mal payées par la société, et les conditions de travail sont loin de répondre aux normes requises ; nous souffrons même d'une pénurie des produits de nettoyage.
Comment allons-nous assurer un bon service de nettoyage sans les moyens de travail ? », se demande une femme de ménage qui traîne ses jérémiades et son chiffon déchiré d'un bureau à l'autre.
Deux décors différents dans deux établissements publics dans la ville d'Essaouira, mais le résultat est toujours le même : des services délégués de mauvais aloi, des prestataires qui ont dupé l'Etat en proposant des offres moins coûteuses pour remporter des marchés et donc fournir un service catastrophique par la suite.
Pourtant, la raison est claire : les responsables optent pour la facilité, l'octroi de marchés est un simple jeu de chiffres qui ne nécessite pas de réflexion ; la règle du moins disant continue à faire la loi des marchés publics. Mais qu'en est-il de la question « qualité » ? N'est-il pas temps de repenser à cette problématique qui constitue une grande dilapidation des derniers publics accordés par l'Etat en vue d'assurer des services de meilleure qualité? En vain. Pourtant, les responsables n'ont besoin que de peu de bon sens pour comprendre que ça ne peut plus marcher ainsi. Que peut-on attendre d'un prestataire qui nous propose 8 dirhams contre un service qui revient à 10 dirhams? Qu'en est-il de sa marge de bénéfice ? La réponse est très simple : il va sûrement puiser son bénéfice dans la poche de salariés et dans la misère du matériel et outils déployés. Au lieu d'assurer des services de meilleure qualité, nous assistons à des situations sociales insupportables, à des violations du Code de travail, et à de vraies scènes d'escroquerie ! Finalement, c'est l'argent du contribuable qui renfloue les caisses de ces prestataires qui n'hésitent pas à duper l'Etat avec la complicité de quelques-uns… Il est temps d'inverser les règles du jeu, l'intérêt de l'Etat est dans l'implication de la règle du mieux disant et non dans celle du moins disant, car une médiocrité attire une autre.