Communication publique : La question de la performance


Par Elhazziti Mohammed Anouar
Samedi 27 Avril 2019

L’hypothèse la plus ancienne dans la théorie de l’administration publique et de l’organisation est que la communication saine conduit à la performance. A cet effet, le premier chantier de la réforme de l’administration marocaine consiste actuellement à développer, à mettre à niveau et maintenir un système de communication publique performant. Lors des différents discours et interventions publics, Mohammed Benabdelkader, ministre de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique reconnaît le caractère crucial de la communication publique car la faiblesse dans le système de communication publique constitue l'une des grandes problématiques de l'administration marocaine surtout au niveau du gain de confiance des citoyennes et citoyens, usagers des services publics fournis par l’administration.
Il est évident que le chantier de développement d’un système de communication publique a pris une grande place dans le Plan national de réforme de l’administration (2018- 2021) sur deux niveaux : le premier s’intègre parmi les quatre transformations structurelles composant le plan de réforme. Il s’agit d’un projet transversal de la transformation organisationnelle relatif à la mise à niveau de la communication institutionnelle publique des administrations publiques. Ce projet a pour objectif de disposer des structures spécialisées et des compétences professionnelles permettant d’une part, d’appuyer les programmes sectoriels relatifs à la réforme de l’administration et d’autre part, de rendre le système de communication efficace pour garantir l’ouverture de l’administration sur la société.
Le deuxième niveau reste une innovation sectorielle du ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique, en mettant la communication comme le deuxième levier d’actions de la réforme qui sera renforcé par trois mesures essentielles :
- Adoption d’un plan de communication globale pour accompagner les transformations structurelles relatives à la réforme de l’administration visant l’information et la sensibilisation du citoyen par les moyens audiovisuels et électroniques (réseaux sociaux,) ;
- Intégration de la communication institutionnelle publique dans la dynamique de la réforme de l’administration pour permettre à cette dernière de disposer des infrastructures de communication et des compétences professionnelles nécessaires;
- Adoption d’une communication interne mobilisant des ressources humaines pour la réussite de la mise en œuvre des différentes opérations programmées du Plan national de la réforme de l’administration.
Cependant, en dépit de l’attention portée à la communication publique, la question de la performance dans ce domaine reste toujours posée, car en général dans la culture administrative marocaine légalitaire et procédurale, les coûts de la communication publique sont généralement plus faciles à mesurer que ses avantages, ce qui rend difficile de démontrer un rapport de performance favorable.
Certes, il existe des exceptions à la situation problématique en matière de performances, telles que les avantages d'éviter un désastre sont facilement démontrés rétrospectivement, ce qui montre clairement l'importance des performances de la communication. Dans l’histoire, il a été prouvé que pour des raisons politiques ou à cause de la lourdeur procédurale, des avertissements non reçus (ou ignorés), bloqués ou filtrés par la voie hiérarchique, avaient contribué à plusieurs catastrophes à l’échelle mondiale. Cette situation peut s’identifier aussi dans le cadre de la gestion administrative en temps normal, puisqu’en raison d'une communication inter-organisationnelle défectueuse, beaucoup de compétences et d’idées innovantes et productives ne trouvent pas le chemin d’une mise en valeur.   
Malgré les implications évidentes de la communication sur les performances de l’administration publique, celles-ci sont sous-étudiées et sous-estimées et donc mal comprises. Parmi les raisons faciles à comprendre, citons le problème de la performance et le fait que, pour des raisons évidentes, l’accent est mis sur la performance en soi. Un adage souvent répété sur le rapport entre pratique et théorie en sciences sociales et comportementales s'applique également à la performance en communication publique et celles des administrations publiques : la performance en communication semble destinée à être à jamais une demoiselle d'honneur, mais jamais la mariée. C’est pour cela que l'accent mis sur la performance de la communication publique est justifié non seulement en raison de sa négligence relative, mais aussi parce qu'elle constitue une clé essentielle pour améliorer la performance globale de l’administration elle-même. Il faut dire que les environnements de travail productifs doivent beaucoup à des canaux de communication clairs et efficaces.
L'amélioration des performances de la communication publique n'est pas une action ponctuelle, et des améliorations durables ne peuvent être apportées que sur la base d'interventions bien élaborées, planifiées, exécutées, suivies et évaluées.
Il convient de noter que les dimensions spécifiques de la bureaucratie administrative influent sur les performances de la communication. De ce fait, les formalités administratives procédurales rigides liées aux systèmes d’information et à la communication ont des effets importants et négatifs sur les performances de la communication interne. Très probablement, ces facteurs ont également une influence négative sur les performances globales des Administrations publiques.
Cependant, les contraintes liées à la bureaucratie peuvent être surmontées si d’autres conditions sont réunies dans l’administration publique. Parmi ces conditions favorables à la performance figurent la capacité organisationnelle, telle que l'expertise et les ressources ; la clarté de la mission et des objectifs sans la culture hiérarchique rigide qui limite l’adaptabilité ; et des cultures organisationnelles adaptées à l'administration, à sa mission et aux parties prenantes. Les top managers et les cadres de l’administration peuvent améliorer les performances de communication publique et les performances globales de leurs administrations en développant de manière stratégique ces conditions.
Enfin, il est nécessaire de noter que, la communication externe est moins liée à ces conditions d’amélioration des performances. En raison de la complexité et de l'incertitude accrues dans la communication avec diverses parties prenantes dans des environnements de plus en plus perturbés, la communication externe nécessite de prendre en considération d'autres conditions et même un plus grand effort de la part des top managers . Il est essentiel d’adopter pour la communication externe une approche de réseaux inter-organisationnels, de systèmes de prestation de services et de défense des intérêts excessifs afin de surmonter la tendance des administrateurs à se concentrer davantage sur la communication interne qu’externe.

 * Chercheur en réforme de
l’administration publique



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