Capello, nouveau Ramsey ou énième «loser»

La postérité anglaise de Fabio Capello se décidera dans le mois qui s'ouvre samedi face aux Etats-Unis: une finale et il sera le successeur d'Alf Ramsey, légende nationale depuis 1966, une nouvelle désillusion et il sera un énième "loser" conspué par la nation.
"Plus on me parle de la manière dont Fabio Capello gère l'équipe, plus il me rappelle Sir Alf Ramsey", s'extasie le champion du monde 1966 George Cohen, particulièrement comblé par le côté "autoritaire" de l'Italien.
Nation éprouvée par de nombreuses années d'humiliations footballistiques, avec l'absence de l'Euro-2008 comme nadir, l'Angleterre avait besoin d'un homme providentiel. Capello est arrivé à point.
L'Angleterre applaudit quand cet homme, qui a reconnu avoir du respect pour "l'héritage de l'ordre" laissé par Franco en Espagne, interdit les téléphones portables, le shopping et les claquettes aux pieds des joueurs, ou quand il aboie son mécontentement devant les objectifs.
Et pour soigner sa popularité, le guide de la sélection aux trois Lions ne répugne pas à un soupçon de démagogie: "D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours rêvé d'entraîner l'Angleterre". "Chaque Anglais fait partie de notre équipe". "Mon équipe d'Angleterre", aime-t-il à répéter.
Son optimisme -il a fixé une finale comme objectif minimal- est comparé à celui de Ramsey qui avant la Coupe du monde 1966 avait lancé: "Nous allons être champions du monde".
L'Angleterre lui sait gré d'une campagne de qualification réussie. Mais en cas d'échec sud-africain, elle lui tournera le dos comme à un vulgaire Steve McClaren, "Steve McClown" pour ses compatriotes, éphémère prédécesseur (2006-2007).
Tandis que les bookmakers ont ouvert les paris sur la date de sa démission, le quotidien The Guardian juge que "les fissures commencent à apparaître dans l'armure de Fabio Capello"...
Son projet de "Capello Index", où il devait juger ses joueurs pour un site internet moyennant rétribution, a dû être abandonné devant le tollé en Angleterre. Le peu d'empressement de l'Italien à repousser les avances de Massimo Moratti pour entraîner l'Inter Milan a fait grincer des dents.
Surtout, le dernier bon match de l'équipe remonte à septembre, contre l'Ukraine.
Certains de ses choix seront durement critiqués si les choses tournent mal: sa décision de laisser l'attaquant Darren Bent au pays ou celle de ne prendre qu'un arrière droit de métier.
Une énième désillusion et l'Angleterre rejoindra en masse le camp des contempteurs de l'Italien avec l'ex-entraîneur de l'AC Milan Arrigo Sacchi ("Pour Capello, il n'y a que gagner qui compte, il ne voit pas la beauté du jeu") ou l'ancien président du Real Madrid, Ramon Calderon, qui grinçait après l'avoir remercié: "J'ai besoin d'un entraîneur qui respecte l'héritage artistique de ce club".
Jouer sans panache condamne à la victoire, ou à être brûlé en place publique. L'Angleterre saura le rappeler à Capello.