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«Al Alam» s’en prend violemment aux tenues des comédiennes marocaines : L’Istiqlal en gardien du temple de la pudeur


Narjis Rerhaye
Mardi 13 Décembre 2011

Istiqlal et PJD, même combat. Le doute n’est plus permis et tous les discours sur l’instrumentalisation de la religion (et donc de la morale), condamnée dans les seuls salons feutrés par un parti de l’Istiqlal rassurant, sont désormais caducs. Sur le terrain de la morale et de la conduite «vertueuse», le parti du Premier ministre sortant est tout à fait disposé à prêter main forte aux islamistes du Parti justice et développement. C’est un billet publié lundi 12 décembre à la «Une» d’Al Alam, le quotidien porte-parole de la formation politique d’Abbas El Fassi qui vient le confirmer en signant les gages de bonne volonté et conduite d’un Istiqlal plus que jamais appartenant à la famille salafiste.
Sous le titre de «Rhabillez-vous Mesdames, votre talent suffit», et la signature d’Abdallah Bakkali, le rédacteur en chef du journal et membre du comité exécutif de l’Istiqlal, cet article nous enseigne, en quelques lignes, sur l’état d’esprit des Istiqlaliens, deuxième force de la majorité et du gouvernement Benkirane.  Le plus vieux parti marocain entend bien s’ériger en gardien du temple de la pudeur, cette valeur brandie comme une arme contre les femmes. Abdallah Bakkali, dans ses habits de nouveau député de Larache et de dirigeant du plus vieux parti marocain, a braqué sa plume et ses «valeurs» contre des Marocaines. Pas n’importe lesquelles. Sa cible? Trois comédiennes d’ici qui ont participé au Festival international du film de Marrakech et dont le rideau de clôture est tombé samedi.Dans son billet, cet Istiqlalien qui multiplie les déclarations souvent fracassantes, écrit son atterrement face à « cette course au déshabillement ou aux tenues légères à laquelle se sont livrées des artistes marocaines» lors de ce Festival. «La course, poursuit-il avec une plume trempée dans l’encre de la pudibonderie, a atteint des sommets inégalés (…) Trois artistes ont dévoilé des parties sensibles de leurs corps et les ont exposées aux caméras comme des marchandises offertes aux enchères ». L’Istiqlalien, comme venu en renfort aux déclarations de la même veine des caciques du PJD, va plus loin et n’hésite pas à voir dans la tenue vestimentaire de ces actrices de chez nous «une provocation à l’égard des valeurs marocaines, les valeurs d’un peuple conservateur qui refuse de se laisser submerger par des sous-valeurs». Et ce membre du comité exécutif du parti d’Abbas El Fassi mais aussi de Karim Ghellab, Adil Douiri et Yasmina Baddou que l’on présente volontiers comme étant la relève et le visage moderne de l’Istiqlal, d’élever littéralement des prières pour la « hidaya» (le retour au droit chemin) de ces artistes dénudées.
«L’appel à la vigilance lancé ici et là par ces voix qui s’inquiètent pour les acquis réalisés de haute lutte par les Marocains est de mise. En temps de changement, les femmes sont souvent le maillon faible surtout si on baisse la garde. Oui, il faut sauvegarder les libertés individuelles. La seule Constitution ne suffit pas. C’est le devoir de chacun, de chacune d’entre nous. Le recul peut être insidieux. Il faut rester vigilant. De tels articles de presse ou de déclarations peuvent prêter à inquiétude et annoncer la couleur», soutient une activiste du mouvement féminin avant de se demander «comment M. Bakkali peut décréter, seul derrière son bureau, que les Marocains sont un peuple conservateur».
A gauche, où le devoir de clarification est érigé en priorité politique, on boit du petit lait, ou presque. «L’Istiqlal n’a jamais caché ses tendances conservatrices. Mais entre le conservatisme et la tentation de la pudibonderie à l’image de ce que font les islamistes du PJD à la vue de femmes aux bras nus par exemple, il n’y a qu’un pas que ce parti peut franchir. La question est de savoir si les tenants de la pudeur, ceux que la vision de la peau des femmes insupporte vont pouvoir se constituer en front au sein du gouvernement Benkirane. Il serait tout aussi intéressant de voir comment le PPS, un parti de gauche qui a choisi de participer à cette expérience gouvernementale, va réagir en cas de dérive pudibonde», s’interroge faussement naïf un Usfpéiste de la nouvelle garde.

Démocratie, modernité et… tenue légère
A en croire l’Istiqlal et «Al Alam», les libertés individuelles ne seront pas en danger sous l’ère d’une majorité conduite par le leader du PJD Abdelilah Benkirane. Mais attention, menace Abdallah Bakkali sur les colonnes du journal porte-parole des héritiers d’Allal El Fassi, «les libertés individuelles ne peuvent pas être employées pour heurter et détruire les valeurs de toute une société». Sinon? Sommes-nous tentés de demander à ce membre dirigeant de l’Istiqlal….
La position de cet Istiqlalien n’est pas sans rappeler les déclarations du ministrable PJD, Najib Boulif, qui s’offusquait encore et toujours de la pièce de théâtre autour du corps interprétée de manière magistrale par la comédienne Latifa Ahrar, celle-là même dont la tenue vestimentaire, à la cérémonie d’ouverture du Festival international du film de Marrakech, a choqué M. Bakkali. «Nous encouragerons l’art propre» avait en effet déclaré, sur les ondes d’une radio privée,  Najib Boulif au lendemain de la victoire du PJD aux législatives.
Le PJD ne s’occupera ni de la vie privée des gens ni de leur comportement, répètent à l’envi les dirigeants du PJD avant de nous assurer que l’Exécutif conduit par Benkirane «ne créera pas une police des mœurs».
Faut-il s’inquiéter de ces déclarations et autres articles de presse trempés dans la même encre de la morale et de la vertu ? Probablement. «Rien n’est jamais irréversible en démocratie et rien n’est jamais complètement acquis non plus. Le Maroc n’a pas encore complètement franchi le gué. De nombreuses lois doivent voir le jour pour donner corps à l’esprit de la nouvelle Constitution. Et c’est justement au Parlement, haut lieu de la législation, que la bataille de la démocratie et de la modernité se jouera», explique un député de l’Union socialiste des forces populaires avant de mettre en garde contre une polémique stérile qui détournerait de l’essentiel. «La modernité ne réside pas dans l’acception d’une femme en tenue légère. Là n’est vraiment pas le problème. Toute la question réside dans le degré de tolérance, d’ouverture et de démocratie dont font montre les forces politiques en présence. C’est la marque de fabrique de notre pays. Ces forces sont-elles capables de s’arrimer à l’universalisme, la caractéristique principale de la démocratie? Voici la vraie question», conclut cette défenseure des droits humains.


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