Ahmed Kmach, chef de tribu et ancien membre du pseudo-parlement du Polisario : “La dictature imposée par les généraux algériens à travers le Polisario est intenable”


Propos recueillis par Ahmadou El-Katab
Jeudi 16 Septembre 2010

Ahmed Kmach, chef de tribu et ancien membre du pseudo-parlement du Polisario : “La dictature imposée par les généraux algériens à travers le Polisario est intenable”
Libé : Comment vous est venue l’idée de regagner le Maroc, vous qui avez rejoint les camps de Tindouf, alors que vous n’aviez que 21 ans ?

Ahmed Kmach : J’ai passé les huit dernières années à préparer ce retour à la mère patrie. J’ai d’abord commencé par installer un campement avec quelques chèvres, loin des camps. Le fait que je possédais un véhicule m’a beaucoup aidé. Après avoir monté mon campement, j’ai commencé à réunir les membres de ma famille, autour de moi. Ces membres étaient soit à l’intérieur de l’Algérie ou en Espagne. Mais comme j’étais chef de tribu et que beaucoup de gens relevaient de moi, je ne pouvais pas partir, du jour au lendemain, sans les avertir mais surtout sans les préparer à adopter mon idée de retour au pays. Une fois cette tâche accomplie, j’ai pris le chemin vers la Mauritanie puis vers le pays. Il faut dire que les conditions dans les camps étaient devenues invivables et qu’aucune amélioration n’était espérée. J’étais donc résolu à regagner mon pays, mais je tenais, avant de quitter les camps de ne laisser derrière moi aucun membre de ma famille et de préparer le maximum de gens à m’accompagner ou à me suivre. Il faut dire que la proposition d’autonomie est venue me conforter dans ma résolution et qu’elle a contribué à convaincre un bon nombre de ceux qui hésitaient à me suivre.

 Cela veut-il dire que parmi les membres de votre tribu certains sont venus ou sur le point de venir ?

Il y a des membres de la tribu et d’autres qui n’appartiennent pas à la tribu dont certains  sont venus et d’autres qui se préparent à venir.

Que représentait Ahmed Kmach, au niveau des camps ? Quelles sont les responsabilités qui étaient les siennes ?

En arrivant aux camps, en 1975, je travaillais dans le domaine de la santé, en qualité d’infirmier. Quelques années plus tard, j’étais devenu directeur régional de la santé dans le camp Dakhla, dont j’étais membre du conseil local et chef d’identification travaillant avec la MINURSO. Je fus ensuite élu membre du  pseudo-parlement, appelé conseil national dont j’étais membre jusqu’à mon retour au pays.

Quels sont les chemins que vous avez empruntés pour venir ici ?

Je possédais, comme je vous l’ai dit, mes propres moyens de transport. Lorsque les 22 membres qui composent ma famille se sont rassemblés,  nous nous sommes dirigés vers la Mauritanie, puis vers  la ceinture à la frontière marocaine d’où nous sommes entrés chez nous. Du fait de ma situation de parlementaire, les autorités du Polisario, d’abord et mauritaniennes ensuite avaient facilité mes formalités. Aujourd’hui, 13 membres de ma famille sont avec moi et les autres sont en Espagne d’où ils doivent incessamment nous rejoindre.

L’inspecteur général de la police du Polisario, Moustapha Sidi Mauloud vient de prendre une initiative courageuse, suite à quoi, le Polisario a déclaré par la voix de son représentant à Paris que Ould Sidi Mauloud était indésirable dans les camps et qu’il serait arrêté si jamais il y venait. Que pensez-vous de tout cela ?

Moustapha est un jeune homme qui n’a commis aucun crime. Les menaces du Polisario constituent une violation flagrante des droits de l’Homme les plus élémentaires. Car ce jeune homme n’a fait qu’exprimer son opinion. Mais cette situation comme tant d’autres ne sont que l’illustration du caractère hideux de la dictature que font régner les généraux algériens, à travers les membres de la direction du Polisario. Aussi, est-il du devoir de tout homme épris de liberté, de justice et de démocratie de se solidariser avec Ould Sidi Mauloud et d’en appeler à toutes les organisations des droits de l’Homme pour qu’il lui soit permis de rejoindre ses enfants et d’exprimer librement son point de vue.

Le fait que le Polisario n’admet pas que quelqu’un défende l’idée d’autonomie, dans les camps, effraie-t-il le Polisario, à votre avis ?

Si le Polisario ne craignait pas que les habitants des camps adoptent cette idée d’autonomie, il aurait permis à Ould Sidi Mauloud ou à d’autres de la vulgariser dans les camps. Mais le Polisario est certain que les Sahraouis, toutes tendances et toutes composantes  confondues, sont pour cette résolution.

Dans ces dernières estimations, le Polisario évalue la population des camps à plus de 160.000 habitants. Vous qui êtes chef de tribu, donc bien informé sur ce sujet, à combien estimez-vous les habitants des camps ?

A notre arrivée, en 1975, dans ce qui allait devenir les camps de Lahmada, il y avait des populations qui n’avaient rien à voir avec le Sahara que venaient de quitter les Espagnols. Plus tard, nous avions été rejoints par d’autres qui arrivaient de divers horizons sauf de ce qui est aujourd’hui le Sahara marocain. Ceux-là et les autres ne sont pas des Sahraouis de mon point de vue. Les Sahraouis originaires des provinces du Sud et qui sont, aujourd’hui, dans les camps ne dépassent pas les 45.000 âmes. C’est l’estimation qu’en font les différents chefs de tribus avec lesquels j’ai eu à débattre du sujet.
Je voudrais, par ailleurs, remercier les représentants des autorités locales avec à leur tête, le wali de Laâyoune qui n’a épargné aucun effort pour nous assurer un accueil chaleureux et nous faciliter l’intégration dans notre pays.


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