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A quelques mois des élections prévues en septembre, les annonces du gouvernement Benkirane se poursuivent et se ressemblent. Pas plus tard qu’avant-hier, Mustapha Ramid a annoncé que le patrimoine des élus et des fonctionnaires sera soumis au contrôle de la justice et que l’enrichissement illicite sera condamné. Intervenant lors d’une conférence sur la réforme de la justice dans les pays du Maghreb, le ministre de la Justice et des Libertés a précisé que chaque citoyen assumant une responsabilité publique fera l’objet d’un contrôle des juges notamment en ce qui concerne les fortunes non justifiées.
Pourtant, le ministre a omis de rappeler à l’opinion publique que cette mesure n’a rien de nouveau puisque certaines catégories d’élus, de fonctionnaires ou agents publics sont déjà soumis aux textes régissant la déclaration obligatoire de patrimoine, au même titre que les membres du gouvernement, ceux du Conseil constitutionnel, les magistrats…. Peut-on donc parler d’un simple élargissement du dispositif juridique régissant la déclaration obligatoire du patrimoine ou y aura-t-il un nouveau texte législatif concernant ces catégories ? Personne ne le sait puisque le ministre est resté muet comme une tombe sur les détails de cette mesure.
Autres questions et non des moindres : pourquoi cette mesure a-t-elle été annoncée maintenant ? L’Exécutif semble-t-il découvrir l’éventuelle corruption des élus et des fonctionnaires? Qu’en est-il des centaines de pages de rapports établis par les juges de la Cour des comptes ? L’état de la corruption est-il tellement grave qu’il a suscité une telle mesure ? Mieux, quelles seront les garanties assurant la transparence et l’intégrité des enquêtes menées ? Les déclarations de patrimoine des élus et des fonctionnaires seront-elles rendues publiques ? Les citoyens pourront-ils saisir les juges chargés de contrôler ces déclarations s’ils soupçonnent que l'une d'entre elles est mensongère ou inexacte ? Les personnes soumises à déclaration du patrimoine auront-elles le droit de posséder des entreprises ou de faire partie des conseils de gestion des sociétés ? Et doivent-elles déclarer tout conflit d'intérêts éventuel ?
Last but not least, qu’est-ce que le gouvernement prévoit en cas de non-respect des dispositions qui seront mises en oeuvre ?
Avant de répondre à ces questions, il convient de s’interroger sur la mise en œuvre du contrôle des déclarations obligatoires du patrimoine entré en vigueur en 2010. Quel bilan peut-on faire de ce dispositif visant à moraliser la vie publique et à consacrer les principes de responsabilité, de transparence et de protection des deniers publics ? Le ministre n’a pas pipé mot à ce propos.
En effet, le bilan du gouvernement en matière de lutte contre la prévarication est décevant comme en atteste le dernier rapport de Transparency Maroc. D’après cette ONG, la situation demeure la même malgré la mise en place de plusieurs mécanismes de contrôle. Ces mécanismes manquent, selon elle, d’indépendance et de coordination. Pis, ils sont fort peu efficients au niveau juridique. En fait, le Maroc a besoin de plus que d’une simple mesure à connotation électoraliste.
Il a besoin de mesures radicales pour moraliser la vie politique et non de mesurettes isolées, maladroites et inadaptées qui peuvent certes alimenter le discours populiste du gouvernement, mais dont les conséquences pourraient se révéler incalculables dans un avenir prévisible. Mais que faut-il attendre d’un Exécutif qui, en dépit de ses promesses électorales, ne fait que s’en tenir à sa sempiternelle devise : « Dieu pardonnera ce qui est advenu » ?