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​Le faux combat d’Abdeslam Seddiki contre les formes modernes d'esclavage

Au lieu de prendre le taureau par les cornes, le ministre se contente d’apposer sa signature sur un document de l’OIT


Alain Bouithy
Samedi 6 Juin 2015

​Le faux combat d’Abdeslam Seddiki contre les formes modernes d'esclavage
Il est communément admis que toutes les paroles du monde ne valent pas des actes. C’est ce que devait savoir tout responsable politique concernant les questions en rapport avec la société. En l’occurrence celles  liées à l’esclavage sous ses différentes formes modernes et qui requièrent que l’on privilégie les actes aux paroles.
Sachant que ces questions sont loin d’être réglées au Maroc, la lutte contre l’esclavage moderne ne devait pas se limiter à des parades ou des paroles. Il faudrait se retrousser les manches et montrer sa bonne volonté. 
Et cela, le ministre de l'Emploi et des Affaires sociales le sait pertinemment, lui qui a récemment assuré, en Suisse, le soutien du Maroc à la campagne mondiale contre les formes  modernes d'esclavage.
Abdeslam Seddiki qui a apposé sa signature sur le document dédié à cette campagne de sensibilisation contre l'esclavage moderne à l'échelle  mondiale, sait aussi que ce phénomène est tout aussi inquiétant au Maroc.
En effet,  le Royaume compte quelque 158.400 personnes victimes d'esclavage moderne. Selon des chiffres publiés en novembre dernier par la Fondation Walk Free, 0,48% de la population marocaine serait soumis à cette pratique. 
Classé 55ème mondial, notre pays apporte des réponses encore insuffisantes à ce fléau. Il est classé dans la catégorie «C», c’est-à-dire celle des pays où «la réponse du gouvernement à l'esclavage moderne est insuffisante, avec des services de soutien aux victimes limitées et/ou la justice pénale est faible, la coordination ou la collaboration font défaut et que peu d’efforts sont consentis pour remédier à la vulnérabilité. Il y a des pratiques et des politiques qui facilitent l'esclavage. Les services, lorsqu'ils sont disponibles, sont en grande partie assurés par les ONG avec peu de financements gouvernementaux ou d'aides en nature».
Il est à préciser qu’au niveau de la zone MENA, le Maroc se situe à la 10ème place juste après le Koweït (0,70% de la population), le Bahreïn (0,70%), l’Egypte (0,48%) et l’Algérie (0,48%) et devant la Jordanie (0,48%), le Liban (0,48%), l’Iran (0,43%) et le Yémen (0,43%).
Le Qatar,  la Syrie et les Emirats arabes unis sont en tête de ce classement avec respectivement une prévalence de 1,3% de la population, 1,1% et 1%. Ils sont suivis de l’Irak (1%) et d’Oman (0,7%).
Soulignons que ce classement tient compte d’un certain nombre d’éléments comme le nombre de victimes, le taux de vulnérabilité et des réponses apportées par les autorités pour lutter contre ce phénomène. 
Mais en dépit du fait que l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme abolisse l’esclavage, que la Convention 29 prise par l’OIT interdise le travail forcé depuis 1930, cette pratique d’un autre temps reste courante au Maroc où le gouvernement traîne des pieds pour l’abolir définitivement.
Ce qui inquiète les organisations de défense des droits de l’Homme, c’est de voir que ce phénomène persiste et prend de nouvelles formes tout en s’adaptant à l’évolution de la société.
Bien qu’il existe dans de nombreux pays, l’esclavage moderne reste préoccupant au Maroc où le «le taux d’enfants travailleurs est de 11% et représente l’un des taux les plus élevés d’Afrique du Nord et même du Moyen-Orient», soulignait une étude sur «L’esclavage moderne, cas des petites bonnes au Maroc», menée par Samy Attioui, Mehdi Alami, Mehdi Benchekroun du Lycée français de Casablanca.
«Vous savez, dans ce pays, le tourisme représente l’une des principales entrées d’argent. Et alors que les touristes français, anglais, espagnols… arrivent par cars entiers pour admirer notre artisanat et notre hospitalité, il y a les petites mains d’or qui fabriquent nos beaux tapis, les jeunes artisans qui créent de jolis objets pour ces touristes, les petits mécaniciens qui réparent nos voitures et nos motos. De même qu’il y a aussi entre 66.000 et 88.000 petites bonnes», soulignait-on dans ce rapport.
Ce rapport rappelait également que ces dernières «triment toute la journée, et même bien au-delà. Elles travaillent 14 à 18 heures par jour, sans repos, pour une misère quand elles sont payées. Malgré leurs petits corps, elles assurent des travaux rudes, elles sont à peine nourries, sans soins, sans éducation. En plus, elles sont soumises à des traitements dégradants, inhumains, subissant des violences physiques de la part de leurs employeurs. Elles subissent même parfois des abus sexuels».
Une situation qui ne semble pas avoir évolué au regard de la lenteur des politiques mises en place pour l’éradiquer.
Soulignons que l'Organisation internationale du travail a adopté en 1930 une définition du travail forcé que l'on peut rapprocher de celle de l'esclavage : «Le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré». A ce propos, l'OIT assimile le travail des enfants au travail forcé.
La convention relative à l'abolition de l'esclavage (1956) des Nations unies renvoie, quant à elle, à la définition de la convention de 1926, en ajoutant en son article premier plusieurs « Institutions et pratiques analogues à l'esclavage» : servitude pour dettes, servage, mariage forcé, etc.
D'après l'OIT, quelque 21 millions de personnes à travers le monde sont encore victimes de l'esclavage et du travail forcé. L’organisation précise que plus de la moitié d’entre elles sont des  femmes et des enfants. 


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