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Temps partiel aménagé pour médecins : Grand tapage et petits résultats

La faute à des commissions d’inspection infestées par des taupes complices


Hassan Bentaleb
Jeudi 12 Octobre 2017

 La montagne aura finalement accouché d'une souris. C’est ainsi que plusieurs professionnels de la santé ont qualifié les résultats des opérations d’inspection concernant les médecins bénéficiant d’autorisations de Temps plein aménagé (TPA). En effet, seuls 80 praticiens ont été sanctionnés. Et pour cause : les médecins en infraction avec la loi sont souvent informés à l'avance par leurs confrères qui siègent dans les commissions d'inspection, a révélé El Houssaine Louardi  lors d’une réunion du travail tenue le 26 septembre dernier avec le Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL), le Syndicat national des cliniques privées (SNCP) et le Syndicat national de la médecine générale.
«Les 80 cas révélés par le ministre de la Santé ne sont que la partie visible de l’iceberg. Nous estimons, au sein de notre syndicat,  que le nombre de contrevenants est beaucoup plus élevé. L’état de désordre dans lequel pataugent   plusieurs établissements sanitaires publics laisse penser qu’une grande majorité de médecins spécialistes les ont quittés pour aller exercer dans le secteur privé», nous a déclaré Badreddine Dassouli, président du SNMSL. Et de poursuivre : «Il y a certaines exceptions qui pourront, dans une certaine  mesure, permettre aux médecins spécialistes du secteur public d’exercer dans le privé, comme c’est le cas pour les zones où il y a un seul spécialiste. Mais ce genre de cas est inimaginable aujourd’hui puisque l’ensemble des spécialistes se concentrent sur l’axe Tanger- Casablanca».   
Même son de cloche chez Aziz Rahali, vice-coordinateur du Collectif pour le droit à la santé au Maroc (CDSM), qui estime que le nombre de médecins sanctionnés est faible voire  insignifiant en comparaison avec celui des médecins spécialistes du secteur public qui exercent dans le privé. «Ce chiffre ne représente même pas les médecins en infraction dans une seule ville comme Rabat. Les 80 cas  restent loin de la réalité», nous a-t-il précisé. Et d’ajouter: «En effet, il n’y a pas de loi qui justifie  la prise de décision d’ El Houssaine Louardi concernant le TPA qui a été mis en place en 1995 pour permettre à certains professeurs agrégés et ceux de la Faculté de médecine d’exercer une activité libérale lucrative à raison de deux après-midi par semaine. L’objectif étant de permettre à ces derniers de vivre dignement eu égard à leur statut et à leur grande compétence. Aujourd’hui, les médecins spécialistes profitent également de cette dérogation censée être provisoire».
Mais comment se fait-il qu’il y ait eu des fuites d’informations sur la conduite de telle ou telle mission d’inspection ? «Il est facile de comprendre puisque les commissions d’inspection sont composées de personnes représentant l’Ordre des médecins, le ministère de la Santé et les autorités locales au niveau régional. Il suffit que le département de la Santé donne l’ordre de diligenter  une commission d’inspection dans telle ou telle région pour que l’information fasse le tour des cliniques privées», nous a expliqué Badreddine Dassouli.    
Le vice-coordinateur du CDSM se demande, de son côté, si ces commissions d’inspection disposent de moyens idoines pour mener à bien leurs missions et si le ministère dispose d’un nombre suffisant d’inspecteurs pour  contrôler l’ensemble des cliniques. «Pour éradiquer ce fléau à la racine, le département de la Santé doit instaurer l’obligation pour toutes les cliniques privées d’afficher les noms des médecins qui y exercent et les tarifs des actes médicaux qu’elles prodiguent», nous a-t-il précisé. Notre source va plus loin et pense que les missions d’inspection doivent englober également le travail des infirmiers ainsi que les équipements et les dispositifs médicaux utilisés.
Que risquent les médecins et les cliniques privées qui sont en infraction ? «Les sanctions peuvent prendre la forme d’un avertissement, d’un blâme, d’une suspension provisoire ou d’une révocation comme cela a été le cas pour deux médecins selon les dires du ministre de la Santé. Quant aux cliniques, elles risquent des amendes, des suspensions, voire la fermeture mais il faut un jugement du tribunal pour en arriver là», nous a expliqué le président de la SNMSL. Et de poursuivre : «Le ministre estime que les cliniques sont les premiers responsables de cette situation puisqu’elles ouvrent grandes leurs portes aux médecins spécialistes du secteur public. Dans ce sens, El Houssaine Louardi nous a annoncé qu’il avait diffusé une circulaire relative à la mise en place de « Coordinations d’inspection régionales» chargées d’inspecter, de contrôler, d’auditer et d’évaluer la gestion des services sanitaires relevant des secteurs public et privé. Elles ont également pour mission d’enquêter sur les plaintes déposées par les citoyens ainsi que sur celles déposées par les fonctionnaires, les auxilliaires de la santé et le personnel. Des rapports mensuels sur les hôpitaux et les cliniques doivent être établis. Mais cela ne semble pas  marcher comme ce fut dernièrement le cas à Marrakech où des professeurs universitaires en infraction ont remis en cause le travail de ces coordinations et refusé de se soumettre à la loi».
Et qu’en est-il de l’organisation ordinale des médecins ? « En principe, c’est l’Ordre qui doit jouer un rôle dans la sanction de ces violations de la loi. C’est lui qui doit réunir son conseil de discipline et prendre les mesures disciplinaires nécessaires. Le problème, c’est que la composition actuelle de l’Ordre bloque la prise de pareilles initiatives compte tenu du fait que les médecins publics dominent l’organisation par leur nombre et bloquent toute tentative de sanction», nous a confié notre source. Et de conclure : «Le Bureau national de notre syndicat n’a pas cessé de rappeler les prérogatives du Conseil national de l'Ordre des médecins dont le rôle est de veiller au respect de la loi, de l’éthique et de la déontologie médicale. Malheureusement le mode de scrutin «universel» et les enjeux électoraux impactent cette mission. Partant de ces considérations, nous demandons la suppression du mode de scrutin basé sur le vote universel au profit du «vote sectoriel» en attendant de voir naître un Conseil de l'Ordre des médecins libéraux».


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