Quand la téléphonie mobile révolutionne l'industrie musicale


Jeudi 11 Mai 2017

Du haut de ses 23 ans, Phizbarz espère bien devenir la prochaine star de l'afro-pop nigériane écoûtée partout en Afrique. Et pour se faire connaître et gagner sa vie, il s'appuie sur la téléphonie mobile, le plus grand distributeur de musique au Nigeria. Twitter, Facebook, Instagram... Le jeune Lagosien inonde les réseaux sociaux de ses clips, apparaissant tantôt en rappeur à casquette entouré de danseuses sexy, tantôt habillé en cheikh couvert de bijoux en or. Au Nigeria, les artistes sont depuis longtemps livrés à eux-mêmes faute de marché structuré, impuissants face à l'ampleur du piratage qui représente l'essentiel de la vente de disques. Dans les rues bondées de la capitale économique, les copies se vendent aux fenêtres des voitures entre les paquets de bonbons, les cigarettes et les DVD des dernières sorties cinéma... eux aussi piratés. Phizbarz gagne à peine "50.000 nairas (163 dollars) par mois", un salaire "décent" pour un nouvel artiste selon lui, tiré de ce qu'il perçoit grâce à la téléphonie mobile: il n'a jamais produit d'album mais a composé une centaine de chansons qui ont été converties en sonneries par les opérateurs téléphoniques. Ces derniers les vendent à l'unité et lui reversent une partie des bénéfices, soit environ 60% à partager avec son label. Dans la capitale africaine de la débrouille et de la créativité, "il faut en mettre plein la vue ici si tu veux exister", explique le jeune artiste, qui parcourt les rues de la bouillonnante Lagos en Mercedes rouge rutilante, empruntée à son manager.
Depuis trois ans, une révolution s'opère dans l'industrie musicale nigériane, grâce aux ventes digitales et surtout à la téléphonie mobile, générant des revenus qui ne cessent de grossir. Alors que "l'industrie musicale valait (...) 47 millions de dollars en 2015, ce chiffre devrait doubler d'ici à 2020", selon un rapport du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) publié fin 2016. Cette bonne santé résulte de la forte pénétration de l'Internet mobile sur le continent, qui a explosé ces dix dernières années notamment chez les "dragons" africains (Nigeria, Kenya et Afrique du Sud), dynamisant d'autant le secteur du divertissement. Alors qu'en Afrique du Sud, davantage comparable au marché européen, le téléchargement en ligne et le streaming dopent la croissance de l'industrie musicale, le Nigeria est un cas d'école: "Les revenus issus de la musique sont dépendants des sonneries et des tonalités d'attente", souligne PWC. Désormais, fini le sinistre "beep" en attendant que votre interlocuteur décroche, l'opérateur vous fait découvrir les nouveaux sons de la scène musicale et vous propose de les télécharger sur votre téléphone pour quelques dizaines de nairas. Les opérateurs - le géant sud-africain MTN en tête - ont flairé le potentiel du Nigeria, pays de 190 millions d'âmes où la musique est presque une religion. Fort de ses 60 millions d'abonnés à travers le pays, MTN se présente comme "le plus grand distributeur de musique" dans ce pays, à travers la vente de sonneries (à 50 nairas, 0,25 dollar l'unité), et via sa plateforme de téléchargement, "MTN Music Plus", qui concurrence les leaders mondiaux de la musique en ligne comme Itunes.


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