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Poker menteur du député islamiste Mohamed Yatim

Au PJD, le halal est à géométrie variable


Libé
Jeudi 23 Octobre 2014

Poker menteur du député  islamiste Mohamed Yatim
Chez les islamistes du PJD,  on n’avait pas besoin d’une telle affaire.  Depuis mardi 21 octobre, ce qui est désormais devenu l’affaire « Yatim  et le poker» fait le buzz sur la Toile. Une histoire sulfureuse dont le PJD aurait bien pu se passer.
 Tout a commencé avec  Salaheddine Yatim, le fils de Mohamed Yatim, député et figure  rigoriste du secrétariat national du PJD, qui se place à la troisième position au World Poker Tour National (WPTN) de Marrakech organisé la semaine passée par PMU.fr au casino Es-Sadi.  Bien classé, le joueur de poker marocain remporte la médaille de bronze et surtout  la très belle somme de 50 millions de centimes.  Ce tournoi mondial a vu la participation record de 502 joueurs mondiaux de poker qui se sont tous acquittés d’un droit d’entrée d’environ 13.000 DH.
L’histoire aurait pu passer complètement inaperçue et s’arrêter aux performances marocaines en matière de poker.   Sauf que le père  du médaillé de bronze est venu à la rescousse de son joueur de poker de fils,  expert-comptable dans le civil, majeur et vacciné.  «  Il y a des gens qui proscrivent ce genre de compétitions parce qu’ils considèrent qu’elles font partie des jeux de hasard. Le poker est considéré dans le monde entier comme une compétition et un sport qui fait appel à l’intelligence et à la capacité d’analyse mathématique de chacun, ce n’est pas un jeu de hasard,  le poker n’a rien à voir avec les jeux de hasard, formellement interdits en islam », a en effet déclaré le député islamiste au site d’information « Alyaoum 24 » . 

Le Larousse : « Le poker 
est un jeu d’argent »

« M. Yatim doit probablement confondre poker et bridge. Le bridge est effectivement un sport de l’esprit et il est inscrit en tant que tel dans les compétitions des Jeux olympiques. Le poker est bel et bien un jeu d’argent. C’en est d’ailleurs la définition même », nous a déclaré un ancien président de la Fédération marocaine de bridge avant de nous livrer la définition de ce jeu de cartes et de hasard : « Le poker est un jeu d'argent, la structure du jeu impose donc la plupart du temps et ce, dans toutes ses variantes, que le joueur investisse une somme de départ, fût-elle minime, la cave. Le score d'un joueur est matérialisé par ses gains financiers. La cave représente le montant de jetons de départ de chaque joueur, sujet aux fluctuations des gains et des pertes ».
A l’évidence, M. Yatim père a une autre définition du poker. Une définition très personnelle. C’est la raison pour laquelle la déclaration de ce responsable islamiste dont le parti est à la tête de la coalition gouvernementale a enflammé la Toile. Sur les réseaux sociaux, les propos de Mohamed Yatim sont abondamment commentés. C’est l’opération de « halalisation » du poker par le député pjdiste qui retient toute l’attention des internautes qui s’en donnent à cœur joie sur les médias sociaux. 
« Le plus marrant dans cette histoire  n'est pas que le fils de Mohamed Yatim joue au poker et gagne 500.000 DH, Allah i3awnou, il fait ce qu'il veut; mais la posture qu'a prise son père pour défendre son fils.
Soudainement, voilà un dirigeant du PJD, qui sort de nulle part, et qui dit que le poker n'est pas un jeu illicite dans la conception actuellement dominante de l'islam, mais seulement un sport. C'est une première! Un islamiste du PJD, dont la matrice idéologique est largement inspirée de celle des Frères musulmans, qui halalise le poker pour les beaux yeux de son fils »,« pour que les enfants des islamistes deviennent des ambassadeurs des libertés individuelles », « moi je dis vive les enfants des leaders du PJD qui permettent que leurs parents avancent sur des questions pareilles » : ce sont là quelques-unes des réactions postées mardi par les facebookers. Des commentaires ironiques pour jeter une lumière crue sur la position d’un islamiste qui compare le tournoi mondial de poker à l’émission de télé réalité « Lalla laaroussa », que le ministre PJD de la Communication entendait supprimer de la grille des programmes d’Al Oula. 
Autant de réactions et commentaires négatifs qui ont obligé le fils Yatim à faire lui aussi un post pour dédouaner le père. "Je proteste fortement que le nom de mon père soit impliqué dans une campagne à but clairement politicien. Je me garde le droit de forger mes opinions et mes convictions de la vie indépendamment des siennes." 

Interdire la publicité sur 
les jeux et autoriser le poker…

Au PJD, on prend l’affaire très au sérieux même si, officiellement, les islamistes au pouvoir en font un non événement. Signe qui ne trompe pas : le post de Salaheddine Yatim a été publié par Aïcha Elabassy qui n’est autre que la chargée de communication du parti de la Lampe.
Abdelilah Benkirane et ses ouailles du PJD le savent. La « halalisation » du poker par celui qui est volontiers présenté comme l’un des faucons du parti va laisser des traces. D’autant qu’une telle déclaration, un modèle d’anthologie qui fera date, intervient au moment même où le ministre de la Communication, l’islamiste Mostafa El Khalfi, a tenté de faire interdire la publicité des jeux de hasard dans les médias audiovisuels et ceux écrits. Entre double discours et hypocrisie de ceux qui se présentent comme les gardiens du temple, l’affaire du poker prend des proportions inattendues, mettant à nu les contradictions d’un parti qui a toujours fait du religieux son fonds de commerce. « Ce n’est pas le fait que le fils d’une personnalité islamiste joue au poker qui est remis en cause. Il est libre de faire ce qu’il veut. C’est la propension des gens du PJD à prendre des libertés avec le haram et le halal qui est ici pointée. Ce sont  bien ceux qui avaient décrété que les festivals  étaient haram qui, aujourd’hui, proclament que le poker est halal », conclut ce fervent défenseur des libertés individuelles. 
Narjis Rerhaye

Choisir ses cartes au poker ou sa moitié à Lalla Laâroussa, du pareil au même selon les Yatim

Poker menteur du député  islamiste Mohamed Yatim
Après avoir décroché, il y a un peu plus d’une semaine, la troisième place au World Poker Tour National à Marrakech et remporté la coquette somme de 500.000 dirhams, Salaheddine Yatim et son père Mohamed Yatim, député, membre du secrétariat général du PJD et secrétaire général de  l’UNTM, font couler beaucoup d’encre. Le premier pour sa victoire. Le second pour ses surprenantes déclarations. En effet, les arguments développés par  ce dernier pour défendre son fils sont aussi désopilants que choquants. 
En comparant ce jeu de cartes à l’émission de téléréalité « Lalla Laâroussa », Yatim passe, curieusement, sous silence le fait que les participants à ladite émission ne paient aucunement de droit d’entrée comme c’est le cas pour le tournoi de poker en question  où le premier prix est doté de la mirobolante  somme de 1.150.000 dirhams, soit quelque 96 fois la mise initiale.
Et puis, contrairement à l’émission à laquelle il a fait référence, les jeux de cartes, où l’enjeu d’argent est  de taille, peuvent conduire le joueur à l’addiction, comme celle de la drogue ou de l’alcool, et du coup l’entraîner à la ruine. D’ailleurs, l'Association américaine de psychiatrie avait, à maintes reprises précisé que «le poker n'est pas une expérience sans risques aussi bien financièrement que psychologiquement. En plus de la possibilité qu'ont les joueurs de perdre leur argent, ils risquent aussi de souffrir de plusieurs conséquences défavorables du jeu aussi bien biologiques que psychologiques et sociales ». 
D’autre part, si le fait d’être un bon joueur de poker consiste, selon les professionnels, à s’efforcer de réduire la part du hasard, impossible de résorber celle-ci de manière définitive. Puisque même si ce jeu de cartes fait appel au raisonnement, à l’intelligence et aux capacités d’analyse mathématiques du pratiquant, la chance et le hasard de la distribution initiale des cartes sont prédominants sur les autres facteurs. La chance influence donc directement la détermination du gagnant, ce qui fait du poker un véritable jeu de hasard. 
Dans cet ordre d’idées, même en France, la question de la nature du poker, hasard ou stratégie, avait soulevé  d’interminables débats. Jusqu’en 2013, où la question a été définitivement tranchée par la Cour de cassation de Versailles  en estimant que le poker fait bel et bien partie des jeux de hasard. La Cour d’appel de Montpelier a, pour sa part, considéré que « les pertes et les gains, parfois considérables, des joueurs de poker dépendent beaucoup plus du hasard et de la chance que de leur habilité, de leur mise et de leur audace ». 
Mehdi Ouassat


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