Mohamed El Kettani Les entreprises françaises et marocaines vont désormais prospecter sur le continent africain à partir du Maroc


Suite à une rencontre tenue récemment à Paris, sous le thème «France-Maroc : Nouvelles réalités, nouvelles frontières. Mohamed El Kettani,PDG d’Attijariwafa bank et coprésident du Club des chefs d’entreprises France-Maroc, a accordé à Libé l’entretien suivant.

Entretien réalisé par Youssef Lahlali
Lundi 22 Juin 2015

Mohamed El Kettani Les entreprises françaises et marocaines  vont désormais prospecter sur le  continent africain à partir du Maroc
Libé : Peut-on parler d’une nouvelle coopération entre les entreprises françaises et marocaines pour travailler ensemble en Afrique?
Mohamed El Kettani : C’est ce qu’ont évoqué le ministre français des Affaires étrangères et Pierre Gattaz, président du patronat français, le  Medef. Le Maroc a confirmé sa stabilité politique et sociale au niveau de la région. C’est fondamental pour conforter la confiance des investisseurs, ce qui constitue le premier acquis. Le Maroc est reconnu à l’échelle internationale par sa stabilité. La deuxième chose, c’est la force de ses institutions et les réformes appliquées pour promouvoir l’investissement surtout français.  Mais les entreprises françaises et marocaines vont à partir du Maroc prospecter sur tout le continent africain, ce qui est une première. Depuis deux ans, beaucoup d’entreprises françaises envisagent des associations d’usage de  GVI à construire avec leurs homologues marocaines pour servir le marché marocain et français ainsi que le marché africain en respectant un équilibre gagnant-gagnant entre les deux parties. Et surtout en respectant les intérêts économiques des pays d’accueil au niveau du continent africain. Ce sont donc de nouvelles perspectives qui s’annoncent pour les opérateurs français et marocains. Mais notre rôle, c’est d’ouvrir la porte et de créer une dynamique au niveau des PME et PMI françaises et marocaines et de les prendre en main (les entreprises du CAC 40 peuvent se prendre en charge seules). Il faut leur baliser la route pour avoir une position au niveau du continent africain. Il y a réellement des opportunités à saisir.

Les pouvoirs publics ont-ils soutenu les démarches de votre club?
On a été innovant au niveau du club : des groupes de travail ont été formés par secteur de travail entre les entreprises marocaines et françaises. Ce sont les chefs d’entreprises qui dialoguaient entre eux, mais en présence des responsables des départements ministériels, ce qui traduit une présence très forte du gouvernement marocain alors que le gouvernement français était représenté par les services économiques de l’ambassade de France à Rabat qui sont partie prenante. Un mémorandum a été publié vers fin 2012.  Il reprend des recommandations fortes et une très grande partie a été prise en charge dans le plan de la stratégie sectorielle. C’est une réflexion pragmatique et évolutive des chefs d’entreprises.

Sur le marché français, les entreprises marocaines sont-elles intéressées par des investissements en France?
Nous avons été emmenés à établir une coopération avec la Banque publique d’investissement, qui a une bonne connaissance du territoire français surtout au niveau des régions. Elle connaît très bien le tissu des PME en France. Nous avons déjà initié une expérience réelle. On a identifié 40 entreprises marocaines dans cinq secteurs d’activité potentiels pour concevoir une coopération gagnant-gagnant pour les deux parties, avec cette perspective continentale.
Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’entrepreneurs marocains qui investissent en France, qui achètent des entreprises ou s’associent à des entrepreneurs français dans différents domaines.

Aujourd’hui, est-ce que les entreprises marocaines ont un accès facile au crédit, beaucoup s’en plaignent?
Les chiffres sont têtus mais moi je suis un homme factuel et pragmatique. Tant qu’il y a un secteur bancaire et des entrepreneurs, il y aura toujours de l’insatisfaction de la part d’un certain nombre d’entrepreneurs. C’est normal que des entrepreneurs se voient refuser des crédits. Il faut savoir que le secteur bancaire régule, collecte l’épargne et assure le réemploi de cette épargne en crédit à l’économie. Nous avons des contraintes, des analyses du risque.
Je suis factuel : en 2007, la collecte d’épargne de l’économie marocaine du secteur bancaire a été consommée seulement à 65% au crédit à l’économie. Quand on a pris le crédit sur dépôt, il n’a représenté que 65%. Fin décembre 2014, on est à 105%. On ne peut pas dire que le secteur bancaire marocain n’est pas derrière le financement de l’économie. Et on est dans le plein emploi. Deuxième élément important, le secteur bancaire marocain est doté d’une stratégie très agressive en matière de financement des investissements.

En ce qui concerne votre présence en Afrique, êtes-vous toujours sur une courbe de développement?
Sur les sept dernières années, on a investi dans 13 pays africains. Aujourd’hui, je peux dire que nous couvrons la totalité des pays africains, en dehors de l’Algérie et de la Libye pour les raisons que vous connaissez. Les quelques pays qui nous restent, le Tchad, on va y aller dans les mois à venir, au Benin on est déjà opérationnel. Nous couvrons la totalité de l’Afrique francophone.  On va démarrer une deuxième phase cette année vers l’Afrique de l’Est. Les réseaux des banques françaises en Afrique et ceux des banques marocaines sont complémentaires pour accompagner les PME et PMI françaises et marocaines à la conquête de l’Afrique. C’est une réelle valeur ajoutée pour les PME. Nous accompagnons des entreprises et on les prend en main sur des marchés qu’elles ne connaissent pas, pour leur ouvrir les portes des nouveaux marchés. On leur facilite l’installation dans les pays d’accueil.

Mais sur ce secteur, vous êtes plus en concurrence avec les banques françaises que partenaires.
Au niveau des PME-PMI, nous sommes en concurrence, mais sur les gros projets, on a mis nos fonds en commun; nous sommes complémentaires. Le projet de Renault à Tanger-Med, c’est une mise en commun entre Attijari, la Société générale et la BMCE. C’est un investissement de plus de 1 milliard d’euros. Le groupe Alstom opère sur le continent africain, il y a une mise en commun entre les banques marocaines et leurs homologues françaises. On a une régulation qui nous incite à diviser les risques sur les grands projets d’infrastructure et on n’a pas la capacité de les financer seuls. On est dans une situation  confortable aux côtés des banques françaises. On a l’habitude de travailler ensemble depuis des décennies.


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