Entre ambition artistique et controverses culturelles

Le cinéma saoudien à l'épreuve


Hassan Habibi
Jeudi 25 Avril 2024

Mardi dernier, les salles de cinéma Mégarama à Casablanca ont accueilli l'ouverture des "Nuits du cinéma saoudien", un événement étalé sur trois jours, du 24 au 26 de ce mois. Les organisateurs ont sélectionné le film "Al-Hamour H.A." du réalisateur Al-Qurashi pour inaugurer ces soirées cinématographiques.

Ce long métrage, qui évoque des souvenirs vieux de près de vingt ans pour les spectateurs, trouve son inspiration dans une histoire authentique qui circulait dans la société saoudienne au début du nouveau millénaire, sous le titre "HamourSawa". Il narre l'histoire d'un jeune homme qui parvient à accumuler une fortune colossale en jouant sur les cartes de recharge des téléphones mobiles, trompant ainsi un grand nombre de personnes et se retrouvant finalement derrière les barreaux.

Il est important de noter que "Al-Hamour H.A." avait été présélectionné pour représenter l'Arabie Saoudite aux Oscars 2024, mais n'a malheureusement pas eu l'opportunité de poursuivre sa route après avoir été écarté de la liste finale des films en lice pour le prix.

Il s'agit du film le plus ambitieux de l'histoire du cinéma saoudien, en raison de la complexité de son sujet. En effet, l'histoire du film retrace le parcours d'un agent de sécurité qui réussit à accumuler une fortune estimée à environ un milliard de riyals en un temps record. Il était donc important de montrer au public les différentes façons dont cet argent est dépensé, allant des fêtes somptueuses aux soirées mondaines, en passant par la disponibilité de liquidités, de voitures de luxe et de palais. De plus, le grand nombre de lieux de tournage a également contribué à augmenter les coûts de production, avec plus de 160 sites utilisés pour le tournage.
 
Le film repose sur la voix narrative, racontant l'histoire du point de vue de Hamid (Fahd Al-Qahtani), mettant l'accent sur l'évolution progressive de son personnage. La notion de richesse rapide n'a pas changé sa nature fondamentale, mais plutôt son environnement matériel.

Il convient de noter que le film s'appuie largement sur une nostalgie narrative, notamment avec l'apparition du premier téléphone portable équipé d'une caméra et son utilisation à cette époque. Nous sommes ici dans une période dépassant les vingt ans, où le monde a connu de grands changements, même en ce qui concerne la musique, la mode et les tendances. Le film se concentre particulièrement sur le début du nouveau millénaire.

Au début du film, l'utilisation du narrateur et de nombreux montages vise à accélérer les événements et à raccourcir de longues périodes, une stratégie théoriquement adaptée puisque le film donne l'impression de raconter une biographie massive aux multiples facettes. Cependant, si le montage, sur le plan technique, a été l'un des points forts du film, il n'a pas justifié les sauts temporels et les multiples montages, ne contribuant pas suffisamment au développement du personnage principal. Nous sommes ainsi confrontés à une série de scènes où le protagoniste raconte son histoire avec un montage qui condense les événements, entrecoupées de scènes faiblement interprétées révélant la confusion du texte et montrant un manque de cohérence entre le texte et le montage. De plus, la durée excessive du film, qui atteint près de deux heures, est due à de nombreuses scènes de remplissage représentant la vie luxueuse du protagoniste, ainsi qu'à des angles de prise de vue ostentatoires, sans aucun but réel.
 
En marge de la critique :

Bien que le film ait cherché à explorer de nouvelles approches cinématographiques et à défier les normes du public saoudien, il n'a pas pu éviter de recourir à des clichés et à des images stéréotypées associées au Maroc dans le Golfe arabe. Une scène en particulier, que j'ai personnellement trouvée superflue et humiliante pour le pays hôte des "Nuits du cinéma saoudien", montre Marrakech choisie par les compagnons du protagoniste pour célébrer la conclusion d'un nouvel accord, suggérant que c'est l'endroit idéal pour des nuits folles et festives, le tout accompagné d'une mise en avant d'une danseuse à moitié dévêtue dans l'une des boîtes de nuit.

Nous ne sommes pas en faveur de la censure ni des gardiens des intentions, mais nous nous opposons catégoriquement à la stigmatisation d'une image controversée de notre pays, qui accueille l'événement à bras ouverts. Il est important de rappeler que sa civilisation s'étend sur des siècles et qu'il est l'une des plus anciennes nations de l'histoire, avec une continuité culturelle, politique et dynastique remarquablement et rarement observée... Il est déplorable qu'il soit réduit à une scène désobligeante dans le film, qui ne profite ni au visiteur ni à l'hôte.

Par Hassan Habibi


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