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Mi-figue, mi-raisin : Le bilan mitigé de la politique migratoire du Maroc


Hassan Bentaleb
Vendredi 21 Août 2015

Une année et demie après la mise en place de la nouvelle politique migratoire, le bilan en demeure mitigé. C’est qui ressort du dernier rapport de l’Association lumière sur l’émigration clandestine au Maroc (ALECM) sur la migration subsaharienne. Selon ce document, la situation des migrants ne semble pas avoir évolué au regard des difficultés quotidiennes rencontrées par ces derniers et du fait que  la carte de séjour n’a pas apporté de changements notables à leur situation hormis la liberté de circulation sur l’étendue du territoire national qui leur a été accordée.  Une nuance importante s'impose toutefois : les conditions de vie et l’intégration des migrants subsahariens établis dans le Sud du pays sont un peu plus acceptables que dans le Nord.
Visant à documenter et évaluer la situation et les violations des droits des migrants ainsi que de l’opération exceptionnelle de régularisation, le document de l’ALECM a révélé qu’au niveau de l’accès aux soins, les migrants du Sud qui se présentent dans les hôpitaux régionaux sont reçus au même titre que les Marocains. Les premiers soins et consultations leurs sont dispensés gratuitement, mais l’achat des médicaments prescrits sur ordonnance sont à la charge de chaque patient.
A contrario, les Subsahariens du Nord, et plus précisément ceux qui sont installés à Fès, Oujda, Tanger et Nador souffrent de l’absence de structures d’accompagnement et rencontrent nombre de difficultés pour se faire soigner. Les migrants de Fès atteints de maladies graves  ne sont pas acceptés dans les centres de santé. Cette situation est à l’origine de la mort de plusieurs d’entre eux qui campent dans les tentes de fortune dressées près de la gare ferroviaire.
A Tanger, l’organisation non-gouvernementale Caritas ne s’occupe que des soins de première nécessité. Les cas graves sont renvoyés au niveau de Rabat. Certains migrants, faute de moyens, ne parviennent pas à s’y rendre pour le suivi médical, ce qui complique leur situation.
Même constat au niveau de l’accès au logement. Les rédacteurs du rapport ont observé que celui-ci est plus facile dans les villes du Sud qu’au Nord où les migrants n’arrivent souvent pas à avoir un contrat de bail. Certains, notamment ceux qui ont été refoulés à l’intérieur du pays, s’installent dans les forêts ou près des gares ferroviaires et  vivent dans une précarité inégalée.
L’éducation reste également un point très sensible dans la vie des familles subsahariennes. La majorité de leurs enfants ne sont pas scolarisés faute de prise en compte des requêtes des parents qui refusent tout enseignement de l’arabe et à base coranique. Néanmoins, quelques familles scolarisent leurs enfants dans les écoles publiques et privées dans le Sud.
Concernant l’accès au travail et les conditions d’exercice de celui-ci, le rapport note que les migrants du Nord ont des difficultés à accéder au marché du travail. C’est le cas à Fès où il est difficile pour les  migrants de trouver du travail. La plupart d’entre eux sont d’anciens étudiants qui travaillent dans des centres d’appels depuis plus de deux ans et auxquels  les patrons refusent de leur octroyer des contrats de travail.
A Oujda, malgré l’obtention de la carte de séjour par plusieurs migrants et les efforts déployés par ceux-ci auprès des employeurs, tous n’arrivent pas à exercer une activité stable et sont contraints de vivre de mendicité.
Une situation qui contraste avec celle des migrants du Sud qui travaillent dans le secteur de la transformation des produits de la pêche, les bâtiments, l’hôtellerie, la restauration et le commerce ambulant. Certains hommes exercent comme bergers et des femmes sont engagées comme domestiques.
Pourtant, les conditions de travail jugées difficiles demeurent  identiques pour les migrants du Nord comme du Sud. Le problème majeur reste, selon plusieurs témoignages,  l’absence ou la non-conformité des contrats de travail quelle que soit l’origine ou la situation administrative des requérants. Ces migrants souffrent  également de  l’absence de couverture sociale,  du retard de paiement des salaires et surtout de l’absence de justificatifs à présenter aux préposés de l’opération de régularisation.
A propos de cette dernière, le rapport souligne que  la sensibilisation n’a pas été suffisante malgré les efforts consentis par les différentes associations de migrants. Plusieurs candidats à la régularisation se sont précipités pour déposer leurs dossiers sans avoir été informés des critères  requis pour ce faire.
D’après les témoignages recueillis auprès des migrants, quelques difficultés ont été constatées au début de l’opération de dépôt des demandes. Les bureaux du Sud refusaient d’enregistrer les dossiers qu’ils estimaient ne pas répondre aux critères établis. Par la suite, les demandes ont commencé à être enregistrées sans tri préalable. Ces migrants se sont heurtés à plusieurs difficultés, notamment ceux en provenance d’Afrique de l’Ouest qui ne parlent ni français, ni arabe mais uniquement leurs langues maternelles. Ils se sont fait aider par des personnes pratiquant la même langue avec ce que cela induit comme mauvaise interprétation de leurs propos.
Ces migrants indiquent que les bureaux refusent de prendre les anciens passeports au prétexte que le dernier cachet ne suffit pas à attester de la date de la dernière entrée sur le territoire marocain.
En conclusion, les rédacteurs dudit rapport estiment que  si des efforts ont été faits en matière de reconnaissance et de respect des droits des migrants subsahariens,  il n’en demeure pas moins que plusieurs défis, liés à la lenteur de la mise en application des différentes conventions que le Maroc a ratifiées, sont encore à surmonter. D’après eux, la situation des migrants est une urgence et les autorités devraient prendre conscience de leur vulnérabilité.


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