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Les paradoxes du gouvernement Benkirane

Troublante concomitance entre l’interdiction des sacs en plastique et l’importation de déchets italiens contenant notamment du plastique


T. Mourad
Lundi 4 Juillet 2016

Le gouvernement Benkirane est le gouvernement des paradoxes par excellence. Il tient un discours et défend en même temps son contraire. Preuve en est son discours sur la protection de l’environnement. 
Au moment où il a refusé catégoriquement tout dialogue avec les industriels et les travailleurs dans le secteur du plastique en prétextant qu’il défendait l’environnement, les informations relayées par la presse faisaient état de l’importation de déchets de plastique nocifs en provenance d’Italie.
A ce propos, la ministre déléguée auprès  du  ministre  de  l'Energie,  des  Mines,  de  l'Eau  et  de  l'Environnement, chargée de l’Environnement, Hakima El Haite, a défendu l’indéfendable. Elle a justifié ce marché de dupes en affirmant que l’importation de 2500 tonnes de déchets de pneumatiques et de plastiques usagés en provenance d’Italie ne posait aucun problème.
Dans un communiqué de presse, son département a précisé qu’il «n’a autorisé l’importation que des déchets type «RDF» qui sont des déchets non dangereux utilisés en tant que combustibles de substitution à l’énergie fossile classique dans les fours de cimenteries à l’échelle internationale », prétextant que « cette opération d’importation des déchets non dangereux est réalisée en conformité avec les dispositions de la loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination et ses textes d’application et de celles de la Convention de Bâle relative aux mouvements transfrontières des déchets que la Maroc a adoptée en 1995».
Ce communiqué regorge d’autres détails. Il a assuré que cette opération a été réalisée «dans le cadre de la convention de partenariat établie entre ce ministère et l’Association professionnelle des cimentiers. Cette convention fixe les mesures et les conditions d’importation de ce type de déchets et leur utilisation comme combustibles dérivés au niveau des fours des cimenteries équipées de filtres et d’appareils de mesures des émissions atmosphériques ».
La même source a également affirmé que l’importation a été effectuée «sous le contrôle et le suivi des autorités compétentes du pays d’origine et du pays destinataire pour vérifier le respect de la conformité de la nature et des caractéristiques physicochimiques à travers les analyses effectuées avant et après l’entrée de ces déchets dans le territoire national, et ce  en vue de s’assurer de la non dangerosité et de la non-contamination de ces déchets importés », et « la co-incinération de ces déchets est opérée en présence de la police de l’environnement et du laboratoire national de l’environnement pour veiller à la conformité des émissions atmosphériques aux normes et standards prévus par la loi 13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air et de ses textes d’application et pour éviter tout impact éventuel sur la santé des populations et sur l’environnement en général ». Et pour conclure, le ministère se veut rassurant en affirmant qu’il «veille rigoureusement à la préservation de l’environnement et à la protection de la santé des populations par la prise de mesures préventives contre toutes les formes de pollution et ce dans l’objectif d’assurer un développement durable du pays ».
Dans cette affaire, il semble qu’il y a anguille sous roche. Et les explications du ministère de l’Environnement ne sont pas à même de rassurer l’opinion publique sur les vrais tenants et aboutissants de ce marché. Quelques questions restent en suspens. Si ces déchets ne sont pas nocifs et ne sont pas dangereux, comme l’a précisé le communiqué, pourquoi les Italiens ont-ils lancé un appel d’offres international pour s’en débarrasser? Et pourquoi leurs cimentiers qui connaissent la valeur calorifique réelle de ces déchets n’ont-ils pas profité de cette opportunité pour les acquérir afin de les utiliser comme source d’énergie ? Autre question qui hante l’esprit des Marocains : le ministère de l’Environnement a-t-il vraiment pris toutes les précautions et mesures citées dans le communiqué, ou en a-t-il fait simplement mention pour rassurer l’opinion publique? Pis encore, ce communiqué n’a pas fait allusion à la région italienne d’où proviennent ces déchets, alors que des informations relayées par quelques sites d’informations précisent qu’ils proviennent de la région de Naples où la mafia italienne a la haute main sur le secteur. « Ces déchets proviennent de la décharge « Taverna Del Re » dans la région de Campanie près de Naples où leur toxicité fait débat. La région de Naples est ainsi devenue la poubelle de l’Europe. Les industriels se débarrassent de leurs déchets avec l’aide de la Camorra italienne. Les produits industriels hautement toxiques sont mélangés aux déchets domestiques. Ces déchets sont néfastes pour la santé et pour l’environnement, leurs composantes chimiques sont prohibées », a tenu à préciser le portail « Wakeupinfo ».
Sur les réseaux publics, les commentaires fusent. Beaucoup d’internautes ont fait montre de leur ire face à cet acte gouvernemental qu’ils ont qualifié de grave. A titre d’exemple, l’un d’entre eux a affirmé que les scandales éclaboussent le gouvernement Benkirane à la fin de son mandat tout en soulignant que « Nous ne sommes pas un dépotoir ».
Pour sa part, le Groupe socialiste à la Chambre des représentants a interpellé le chef du gouvernement lui-même pour lui demander de clarifier les choses. 
Il  a ainsi adressé une question orale à ce dernier dans laquelle il a évoqué le double discours du gouvernement, le premier défendant la protection de l’environnement et interdisant les sacs en plastique, alors que le deuxième contredit le premier discours puisqu’il y a eu importation d’Italie de déchets nocifs attentatoires à l’environnement. Le Groupe socialiste s’est également interrogé sur les mesures que le gouvernement prendra pour mettre fin à l’importation de ces déchets et, ce qui est le plus important, pour dire au peuple marocain si ces déchets sont respectueux de l’environnement ou non.

T. Mourad 
 

Une pétition sur la Toile

La pétition mise en ligne sur change.org a été signée hier vers 11 heures par quelque 3.000 personnes. Elle précise que « les déchets italiens qui ont été expédiés sur le sol marocain représentent un vrai danger pour la santé des citoyens, le ministère de l'Environnement a signé un contrat d'importation des déchets italiens principalement en provenance de la région de Campanie à Naples dans une décharge nommée Taverna Del Re, sur une période de trois ans dont le montant total des déchets s'élève à 5 millions de tonnes. Ces déchets sont néfastes à la santé des citoyens pour diverses raisons, d'abord de par leur accumulation depuis l'an 2007 ensuite à cause de leurs composantes toxiques telles que les métaux et autres. 
Mobilisons-nous afin d'éviter la combustion de ces déchets et de prévenir les conséquences néfastes conduisant à la dégradation des sols agricoles et l'émergence de maladies chroniques et anomalies congénitales permanentes sur la santé des citoyens surtout les résidants d'El Jadida», conclut-elle.

Les déchets italiens mis 
à l’index par l’UE


Les juges européens se sont attaqués au cours de l’année dernière à la « poubelle de l’Italie », en l’occurrence Naples. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ainsi condamné, le 16 juillet 2015, l’Italie à une amende de 20 millions d’euros, assortie d’astreintes journalières de 120.000 euros, pour son échec à mettre en place une gestion efficace des déchets dans la région napolitaine.
Les juges de Luxembourg ont imposé ces sanctions au vu des défaillances de l’Italie, depuis plus de cinq ans, à garantir que, dans cette région de Campanie, les « déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement ». 
La question des déchets italiens est souvent imputée aux agissements de la Camorra, la mafia napolitaine, soupçonnée de tirer d’importants revenus du traitement illégal des ordures.


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