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Les jihadistes marocains font trembler l’Europe

S’agit-il d’un phénomène de société ou de cas isolés ?


Hassan Bentaleb
Vendredi 25 Août 2017

Peut-on parler de «marocanisation» du terrorisme en Europe ? Oui, à en croire Farhad Khosrokhavar, sociologue, qui met en évidence l’implication forte des jihadistes marocains ou d’origine marocaine dans des attaques structurées comme celles du 13 novembre 2015 à Paris, du 22 mars 2016 à Bruxelles et  du 17 août en Espagne.
Dans une tribune au « Monde »,  publiée hier et intitulée « De Paris à Barcelone, les nouvelles figures du djihadisme européen », le sociologue a indiqué que « dans la vaste zone qui inclut la France, l’Espagne et la Belgique, la diaspora marocaine montre des signes de radicalisation, notamment celle d’origine amazighe, réprimée par le pouvoir marocain et pénétrée de son sentiment d’infériorité et d’indignité de citoyens de seconde zone en Europe ». D’après lui, « les djihadistes d’origine marocaine ont, pour la plupart, été élevés en Europe, et y sont même nés dans leur grande majorité » , tout en affirmant que le Maroc « exporte » ses djihadistes et en parlant d’un djihadisme extraverti.  
Farhad Khosrokhavar estime également que la compréhension du djihadisme passe par la question de la non-intégration des jeunes d’origine immigrée. Pour lui, l’adoption de l’islam radical est une réponse régressive et répressive à un double déni : celui de la citoyenneté du pays d’origine des parents, celui de la même citoyenneté dans les pays où on est né. Ce double ni-ni est l’une des causes majeures du djihadisme.
Un analyse que ne partage pas Abdellah Rami, spécialiste des mouvements islamistes marocains, qui pense que l’adhésion des Marocains aux courants djihadistes ne constitue pas un phénomène important au sein de la communauté marocaine installée en Europe . Le discours djihadiste séduit, selon lui, certaines personnes et non pas l’ensemble des membres de cette communauté. «Prenons  l’exemple de Sharia4Belgium, une organisation jihadiste salafiste belge, qui dénonçait la démocratie et appelait à faire de la Belgique un Etat islamiste (Califat) régulé selon les normes de la Charia. Cette organisation n’a jamais réussi à se doter d’une base populaire alors qu’elle a été active des années durant et qu’elle a bénéficié d’une grande liberté de mouvement et de manœuvre. En effet, son effectif ne dépassait pas quelques individus », nous a-t-il précisé. Et de poursuivre : « Ce n’est pas le cas pour le chiisme en extension rapide parmi les membres de la communauté marocaine en Europe. Notamment en Belgique. Une présence forte que l’on peut mesurer  via la présence des Marocains dans les  activités, les manifestations et les pratiques à caractère chiite
A ce propos, notre source se demande comment Farhad Khosrokhavar a mesuré la présence de la pensée djihadiste au sein de la communauté marocaine établie en Europe. « Est-ce que les djihadistes marocains sont  actifs au sein de la société civile européenne ? Est-ce qu’ils sont présents via des activités et des manifestations ? La réponse est négative puisque ces djihadistes sont uniquement actifs sur Internet et au sein de leurs maisons. Mieux, la présence de ces djihadistes est quasi-nulle en temps de conflits et  est presque insignifiante », nous a-t-elle expliqué.
Abdellah Rami estime en outre que des cas isolés ont réussi à s’étendre  en prenant appui sur certaines relations à caractère familial et d’origine.  « L’attentat de Barcelone a été commis par une cellule terroriste de 11 personnes alors que la région catalane compte 250.000 Marocains. Un imam a pu embrigader des jeunes en se servant de ses anciennes accoïntances avec Al-Qaïda et de liens familiaux. Il ne faut pas donc généraliser et pointer du doigt l’ensemble de la communauté marocaine.  Cette cellule doit être étudiée comme un cas isolé  loin de la communauté marocaine. La vraie question est de savoir comment cette cellule a pu voir le jour» , nous a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Ceci d’autant plus que les acteurs des attentats qui ont frappé l’Europe ne sont pas tous des Marocains, il y a également une forte présence de Tunisiens ».  
La question de la non-intégration des jeunes d’origine immigrée comme cause majeure ne plaît pas au chercheur marocain qui  pense que les facteurs géopolitiques, médiatiques et autres jouent un rôle primordial dans ce dossier. « La propagation de la pensée salafiste djihadiste en Tunisie n’a pas été l’affaire d’un groupe de personnes illuminées mais plutôt d’un grand projet  transnational impliquant certains pays de la région et d’ailleurs, des services de renseignements, des associations, ... Et du coup, le contexte géopolitique doit être pris en considérations puisqu’il a été l’une des clés de compréhension de la problématique djihadiste depuis la guerre d’Afghanistan », a-t-il conclu.


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