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Les chiffres du ministre sonnent faux


Hassan Bentaleb
Lundi 18 Mars 2024

Mohamed Saddiki s’attribue les efforts déployés par la société civile pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier

Les chiffres du ministre sonnent faux
Qu’en est-il des résultats de la mise en œuvre de la stratégie de développement de l'oasis et de l'argan pour l'année 2022 ? Pour le ministère de l'Agriculture, de la Pêche, du Développement rural, des Eaux et Forêts, tous les indicateurs sociaux dans les zones d'intervention sont en vert, « grâce au travail de l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA) et aux efforts concertés des différents secteurs ministériels, des institutions publiques, des élus et de la société civile ». A ce propos, Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, a rappelé lors du conseil administratif de l’ANDZOA, tenu mercredi dernier, que « les régions des oasis et de l'arganier ont enregistré des progrès remarquables, reflétés par l'amélioration de la plupart des indicateurs de développement, qui ont atteint voire parfois dépassé les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie d'intervention de l'agence ».

Réalisations
Ces réalisations comprennent, entre autres, précise-t-il, « une réduction significative du taux de pauvreté, qui est passé de 13,4% en 2007 à 6,01% en 2022, des investissements publics de plus de 125 milliards de dirhams entre 2012 et 2022, et une augmentation du PIB à environ 145 milliards de dirhams en 2021, soit une hausse de près de 49 milliards de dirhams depuis 2012 ». Il s'agit notamment, explique le ministre, « de la création de 123.871 emplois entre 2013 et 2022 dans la zone d'intervention de l'agence, de l'amélioration du taux d'approvisionnement en eau potable, qui est passé de 79,74% en 2012 à 95,87% en 2022, de l'amélioration du taux de raccordement à l'électricité, qui est passé de 95,07% à 99,61% au cours de la période 2012-2022, et de l'augmentation du taux de découplage, qui est passé de 72,19% en 2012 à 87,17% en 2022». Il a également indiqué que « le taux brut de scolarisation s'est amélioré de manière significative au cours de la période 2012-2021, passant de 90 à 98% pour l'enseignement primaire, de 65 à 92% pour l'enseignement secondaire inférieur et de 45 à 63% pour l'enseignement secondaire supérieur». Et d’ajouter concernant les ressources en eau, que « de grands efforts ont été déployés par les différents acteurs concernés pour atténuer l'impact de la sécheresse et du changement climatique, à travers la construction de barrages, de seuils de recharge des nappes phréatiques et d'autres installations hydrauliques ». A noter, toujours selon la même source, que « l’agence et ses partenaires ont mobilisé environ 3,92 milliards de dirhams, dont 2,14 milliards de dirhams au titre du partenariat, 1,19 milliard de dirhams au titre du Programme de développement rural et 596,1 millions de dirhams au titre de la coopération internationale ».

Remise en cause
Des chiffres et des réalisations que beaucoup d’acteurs associatifs œuvrant dans les zones oasiennes et de l’arganier remettent en cause. Pis, ils considèrent que le ministère de l’Agriculture et l’ANDZOA tentent de confisquer les efforts et le travail de la société civile de la région entamés il y a plusieurs années. Ainsi et d’après Khalid Alayoud, chercheur et expert en migration, patrimoine et développement local, les chiffres présentés par le ministère restent globaux et insuffisants sans la publication du rapport complet de l’ANDZOA . Et dans l’attente de cette publication, notre interlocuteur estime que plusieurs faits mettent en question les statistiques de ladite agence. D’abord, au niveau du raccordement aux réseaux de l’eau potable et de l’électricité ainsi que de la construction des routes rurales, Khalid Alayoud rappelle que ces réalisations sont d’abord le résultat du travail de la société civile, les natifs de la région Souss-Massa, les migrants et les associations. Et cela date des années 1990, avant même la création de l’agence. « La scolarisation des filles s’inscrit aussi dans une dynamique de la société civile qui a débuté en 2005 et 2006 grâce à des associations qui ont importé des bus de l’étranger ayant soutien des migrants. L’agence est intervenue en dernier lieu, et en tant que partenaire participant à l’acquisition de véhicules de transport scolaire », précise-t-il. Pour notre interlocuteur, l’évaluation du travail de l’agence notamment dans la région Souss-Massa révèle que cette instance a échoué dans sa mission, à savoir la protection de l’arganier. « En effet, on observe une destruction de l’arganier et la disparition de centaines d’hectares chaque année à cause de la sécheresse , des feux de forêt ou du surpâturage qui demeure un problème non résolu jusqu’à présent et qui crée des tensions entre les nomades et la population locale », a-t-il observé. Il y a également la question des coopératives féminines d'argan, ajoute-t-il, dont la situation n’a rien de réjouissant du fait qu’on a laissé les portes grandes ouvertes à des sociétés étrangères pour contrôler le marché interne d’argan dont la production n’est pas régulière. « Alors que l’idée initiale était de soutenir la femme rurale pauvre pour améliorer sa vie sociale », rappelle notre interlocuteur. Et de poursuivre : « Ces entreprises ont pris le contrôle de la production et il suffit, pour avoir une idée sur cette situation, de comparer le taux d’exportation de ces entreprises étrangères avec celui des coopératives. Une situation qui interroge la place des femmes, de la forêt et de l’espace territorial». En outre, il souligne le phénomène de la migration interne des zones montagneuses et zones d’argan qui se vident de leur population pour partir vers les plaines ou les grandes villes, s’interrogeant sur l’impact des investissements de ladite agence sur la population bénéficiaire. Tout en révélant l’absence de la justice spatiale dans le travail de ladite agence. Pour lui, l’agence doit faire sa réévaluation puisqu’il s’agit d’une instance publique qui doit fonctionner selon l’intérêt général loin de toute logique de loyauté ou autre.

Injustice spatiale
De son côté, Jamal Akchbab, président de l'Association des amis de l'environnement à Zagora, a indiqué que la création de l’ANDZOA a été parmi les revendications de la société civile depuis l’année 2000, afin de préserver les zones oasiennes mais on a été surpris par l’intégration de l’arganier alors qu’il y a une grande différence entre les régions d’argan et celles des oasis. « Il s’agit d’une imposition abusive, note-t-il. D’autant que nous avons constaté depuis 2010, que le travail de l’agence via ses projets coûteux, ne respecte pas la justice spatiale entre la région de SoussMasa et celle de Draa-Tafilalt . Et également entre les zones d’oasis puisqu’une grande partie des projets restent concentrés dans la ville d’Errachidia. Concernant les indices de développement dans la région, notre interlocuteur nous a expliqué que s’il y a effectivement des investissements très importants, la réalité du terrain démontre l’inverse comme c’est le cas pour la ville de Zagora qui a enregistré une augmentation de l’indice de la pauvreté depuis la création de l’Agence alors que la mission de cette dernière est le développement des zones de palmiers qui jouent un rôle économique, social et environnemental important. « Aujourd’hui, nous avons 1.000 palmiers contre 5 millions dans les années 1930. Ce qui signifie que l’oasis n’a pas été sauvée, ce qui en dit long sur les efforts déployés par l’agence. Une situation qui provoque aujourd’hui chômage et pauvreté ». Sur un autre registre, il nous a révélé que l’ensemble des communes de Zagora endurent le problème de l’eau potable et de l’irrigation tout en notant une défaillance au niveau des infrastructures hydriques, malgré la contribution de l’agence qui reste minime. En conclusion, Jamal Akchbab estime que l’ANDZOA n’a pas réussi à réaliser les objectifs fixés. Selon lui, le vrai problème est l’absence de grands projets structurés et intégrés. «La participation de l’Agence en tant que partenaire avec d’autres secteurs ministériels, par quelques millions de DH dans ce projet ou autre, ne suffit plus sachant qu’elle a les moyens pour mener à bien sa mission », a-t-il conclu. 


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