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Les chiffres de l’Intérieur peuvent-ils faire foi ?

L’Observatoire national de la criminalité se fait toujours désirer


Hassan Bentaleb
Samedi 20 Août 2016

L’insécurité et la délinquance sont au cœur du débat public. Et cela risque de s’envenimer davantage avec la publication des derniers chiffres de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) sur la lutte contre la criminalité. Selon la DGSN, près de 300.000 personnes ont été arrêtées entre le 1er janvier et le 30 juin derniers dans des affaires criminelles dont 83.732 faisaient l’objet d’avis de recherche. Un chiffre en hausse  par rapport à la première moitié de l’année écoulée. Il s’est accru d’au moins 1.340 arrestations et de 15.511 avis de recherche, soit un taux additionnel de plus de 23%.
En juillet dernier, précise un communique de la DGSN, 42.806 individus ont été arrêtés dont 29.756 en flagrant délit, 2.974 pour implication présumée dans des actes criminels portant atteinte à la sécurité corporelle des personnes et 2328 suite à leur implication dans des crimes portant atteinte aux biens.
13.041 autres individus ont fait l’objet d’avis de recherche au niveau national, suite à des décisions des autorités judiciaires compétentes. Ce nombre regroupe 3.118 individus qui ont été interpellés dans des crimes ayant une nature économique et financière, 2.054 autres dans des crimes de violence et 1.980 personnes dans des crimes portant atteinte aux biens. Ces chiffres révèlent une augmentation du nombre de personnes arrêtées en comparaison avec la même période de l’année précédente. Selon la DGSN, il s’agit d’une hausse de 23,43%. La même source a également indiqué que 2.645 personnes ont été appréhendées suite à des crimes portant atteinte à la sécurité (vols aggravés, coups et blessures à l’aide d’armes blanches,…). Quant à ceux qui ont été arrêtés en possession d’armes blanches sans motif légal, ils sont au nombre de 2.700 personnes.
L’insécurité est-elle en train de s’installer dangereusement dans nos villes ?  Pour plusieurs experts, toute analyse des statistiques relatives à l’insécurité doit être prudente puisqu’on est face à un phénomène social complexe et changeant qui présente de multiples facettes selon qu’on se positionne du point de vue des victimes ou de l’appareil sécuritaire. Ceci d’autant plus que ces chiffres demeurent incomplets et ne couvrent que partiellement la réalité puisque nombreux sont les délits et infractions qui ne font pas l’objet de plainte auprès des services de police et les données disponibles dépendent, en grande partie, des affaires enregistrées auprès de la police nationale. La déclaration des crimes et délit à la police dépend de la gravité de ceux-ci. Ainsi, les infractions les moins graves sont les moins susceptibles d'être signalées à la police et, du coup, elles ne font pas partie des statistiques officielles.  Les chiffres y afférents  pèchent également par le fait qu’ils passent à la trappe certains aspects qui peuvent fournir des précisions relatives à la gravité des différents crimes, comme c’est le cas de la perception du public à l'égard de la criminalité et son coût financier.
A cela, il faut ajouter le problème du comptage qui diffère selon les auteurs des crimes et délits, les faits ou les victimes dénombrés. Un délit peut avoir un seul auteur ou plusieurs (qui ont agi en association ou en bande) comme il peut faire une victime ou plusieurs. Puis, une fois le dossier soumis à la justice, plusieurs délits (par exemple : vol, port d’arme et étranger en situation irrégulière), plusieurs mis en cause et plusieurs victimes peuvent y être adjoints.
Des lacunes qui remettent au goût du jour un certain projet de loi portant création de l’Observatoire de la criminalité par le gouvernement en 2012. Il s’agissait d’un nouvel organe qui devait être chargé, entre autres, de suivre le développement des crimes, l’analyse de leurs causes, la collecte des données statistiques ainsi que la mise en place d’indicateurs sur le développement du crime en coopération avec les autres parties judiciaires, administratives et sécuritaires. Ses travaux devaient, par ailleurs, être mis à la disposition du grand public. Au jour d’aujourd’hui, aucune information n’a filtré sur ce projet. Les responsables du ministère assurent qu’il est dans le pipe législatif.
Les experts sont également unanimes à considérer qu’il y a confusion dans l’appréhension des problèmes par la presse et du public puisqu’ils confondent entre insécurité et délinquance.  Ces dernières sont souvent utilisées comme synonymes.  Or ces deux notions sont différentes. D’après eux, la délinquance c’est l'ensemble des infractions et délits commis dans un pays donné pendant une période déterminée alors que l’insécurité serait seulement la possibilité, la probabilité d’être victime sans l’être encore. Pis, ils estiment qu’insécurité renvoie au sentiment d’insécurité ressentie, qui peut s’écarter de la réalité objective. Et du fait, beaucoup de personnes déclarent redouter être victimes d’une exaction alors qu’elles ne sont pas toujours celles qui y sont le plus exposées. Ceci d’autant plus que les infractions ne font pas forcément des victimes, du moins pas de victimes individuelles, ce qui ne contribue donc pas à l’insécurité. Tel est le cas de la fraude fiscale, par exemple, ou de la dégradation des biens et équipements publics. 


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